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21 janvier 2006 6 21 /01 /janvier /2006 22:51
Dans la situation présente de l’'Église plus qu'’en temps ordinaire, on doit veiller à la vérité et à la catholicité des principes qu'’on professe avec encore plus de rigueur et de vigueur qu'’on ne s'’attache aux conclusions qu'’on en tire bon an mal an. Or c’'est souvent l'’inverse qui se passe, et l’'on est prêt à invoquer des principes faux ou douteux, à les inventer, à les emprunter même aux ennemis de l’'Église, pour parvenir aux conclusions qu’'on estime justes, ou prudentes, ou confortables. C'’est un grand malheur parce que même si la droiture ou l'’inconséquence d’'une personne peuvent momentanément endiguer l’'effet mauvais des faux principes, ceux-ci finiront toujours par porter leurs fruits délétères – et plus tôt et plus profondément qu’'on ne s'’y attend.
C’'est donc un devoir de charité de dénoncer et d’'occire les faux principes, même si ceux qui les utilisent sont des amis, même si ceux qui les professent en tirent illogiquement des conséquences qui sont par ailleurs de bon aloi.
Voici un de ces principes.

On entend parfois ceux qui ne veulent pas se soumettre à telle loi de Pie XII (par exemple), se justifier ainsi : les lois ecclésiastiques tenant leur vigueur de l’'autorité de l'’Église, l’'absence actuelle d’'autorité fait que ces lois n’'ont plus de force exécutoire. Est-ce bien vrai ?

Une telle affirmation me paraît fausse, dangereuse, arbitraire.

Fausse.

L’'Église n'’est pas privée d'’autorité purement et simplement, parce que le chef de l’Église est Jésus-Christ qui demeure dans le ciel et qui continue à maintenir son Église dans son être, dans sa structure, dans sa mission. Notre-Seigneur gouverne par le Pape, mais c’'est lui qui gouverne : « Le divin Rédempteur gouverne son Corps mystique visiblement et ordinairement par son Vicaire sur la terre » (Pie XII, Mystici Corporis). L'’Église demeure donc sous l’'autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, identique à elle-même. L'’Église est en ces tristes jours privée de l’'autorité vicaire du Souverain Pontife – et de tout ce qui en découle. Cette autorité est souveraine dans son ordre, rien ne peut lui être préféré, rien ne peut la remplacer. Mais elle est vicaire.

Cette autorité vicaire lie et délie sur la terre, liant et déliant dans les cieux. Mais ce qu’'elle a lié demeure lié en vertu de l’'autorité fondamentale de l’'Église qui est Jésus-Christ – tant qu'’elle ne le délie pas. Et ce qu'’elle délie sur la terre demeure délié dans les cieux en vertu de l'’autorité de Jésus-Christ – tant qu'’elle ne le lie pas.

Ainsi, lorsqu’'un Pape meurt, le corps des lois ecclésiastiques est figé dans le
statu quo, avec toute sa force exécutoire qui demeure comme émanant de l’'autorité même de Jésus-Christ. Je ne sache pas que quelqu'’un ait jamais prétendu le contraire.

Il y a bien quelques actes qui cessent à la mort de leur auteur (les actes avec une formule du genre
ad beneplacitum nostrum [canon 183 § 2], ou encore les nominations des vicaires généraux [canon 371]). Si l’'Église prend alors le soin de le préciser, c’'est qu'’il n’'en est pas ainsi dans le cas général, qu'’il n'’en est pas ainsi pour les lois, même les lois ecclésiastiques.

Cette affirmation est fausse, donc, parce que l’'Église ne l’'a jamais faite sienne ; parce qu’'elle a toujours agi de façon diamétralement opposée ; parce que ce serait, à chaque interrègne, une anarchie presque totale.

Dangereuse

Un simple exemple suffira à montrer le danger d’'un tel principe. Si aujourd’'hui, gagné par une grande tiédeur, je n’'ai pas envie de réciter mon bréviaire, je pourrais donc me dire : «… Voilà une loi purement ecclésiastique, qui donc n'’a plus de force exécutoire en raison de la privation d'’autorité…... ma conscience peut donc dormir en paix ! » On voit bien que ce n'’est pas sérieux. C’'est d'’autant moins sérieux et plus grave que la frontière entre
droit divin (naturel [selon la nature surnaturelle des choses] ou positif) et droit purement ecclésiastique n’'est pas toujours facilement discernable, loin s'’en faut. Et nous voici en plein libre examen.

Arbitraire

D’'ailleurs, pourquoi limiter l’'application de ce beau principe aux réformes de Pie XII ? Car si les réformes de Pie XII sont des lois ecclésiastiques, c’'est qu'’elles modifiaient des lois ecclésiastiques antérieures. En vertu de quoi ces lois antérieures auraient-elles davantage de force exécutoire ? Leur situation est exactement la même. Et on peut remonter loin comme cela, il n’'y a aucune raison de s’'arrêter.

Il faut refuser d'’entrer dans une telle logique destructrice de toute la vie de l’'Église, qu'’elle soit liturgique ou morale. Car si l’'on n’'admet pas que les lois purement ecclésiastiques demeurent pleinement obligatoires et exécutives, il ne reste plus qu’'un squelette de droit canon et qu’'un squelette de liturgie (ce qui relève du droit divin).

Bien sûr, la situation actuelle fait que certaines lois –– celles qui ont besoin de la présence actuelle de l’'Autorité pour atteindre leur effet –– pourront être objet d'’épikie. Mais c’'est au cas par cas, avec une immense prudence. Ce ne peut être le cas de la liturgie, ou des lois du jeûne, ou d'’autres du même genre, qui n'’ont pas besoin de l’'exercice actuel de l’'autorité apostolique pour produire leurs fruits.

Chacun, autant qu’'il le peut, a le devoir de chercher quelle est la loi actuelle de l’'Église, quel est le dernier état dans lequel l'’a laissée l’'Autorité catholique : ce qui est actuellement lié ou délié dans les cieux est ce qui a été en dernier lieu lié ou délié sur la terre par l’'Autorité légitime.

Prendre connaissance de cet état est un devoir (accompli par soi-même, ou par d’'autres en qui on a confiance selon des principes qu’'on juge être catholiques). Puis il faut s’'y conformer comme étant la loi de l'’Église et la voie du salut éternel.

Il faut ajouter que puisque c’'est un devoir, c’'est possible. C'’est possible à la condition de rester dans l’'ordre théologal (la vie théologale étant le sommet et la lumière de la vie chrétienne) :
––  dans la
foi exercée (nonobstant ses goûts, sentiments, préférences, habitudes et amitiés) parce que seule la foi discerne l’'état de l’'Église et la présence de l’'Autorité ;
––  dans
l’'espérance, c’'est-à-dire non par satisfaction intellectuelle ou appétit de controverse, mais comme principe d'’orientation vers Dieu notre unique fin dernière et notre unique Sauveur ;
–– dans la
charité, à l'’égard du prochain auquel nous devons rendre justice et que nous devons chérir en Dieu ; davantage encore dans le souci de l’'unité de l’'Église, puisque c'’est la charité qui fait l'’unité de l’'Église.

Qu'’après cela, il y ait des divergences d’'appréciation… c’'est bien regrettable, mais c'’est inévitable. Que chacun d'’entre nous, sous le regard de Dieu, examine ses motifs. Et Notre Seigneur sera ainsi aimé et servi.
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