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14 décembre 2014 7 14 /12 /décembre /2014 19:13

 

Pour répondre à une telle question, deux choses bien distinctes sont à considérer : sa personne et son sacerdoce.

1. La personne de ce prêtre

Un schismatique peut toujours – comme cela est nécessaire à son salut éternel – intégrer la sainte Église catholique. Il doit abjurer le schisme et se faire relever des censures qu’il a encourues. Cette absolution des censures est [relativement] facile, car il peut y avoir eu ignorance de la censure (ignorance qui fait que la censure n’est pas encourue — canon 2229  § 3) ; dans les circonstances présentes d’absence d’autorité pontificale, il y a cas urgent (canon 2254  § 1), et recours impossible à l’autorité (canon 2254  § 3).

La censure encourue par un schismatique est une excommunication spécialement réservée au Souverain Pontife.

Canon 2314

§ 1.  Tous les apostats de la foi chrétienne, tous les hérétiques ou schismatiques et chacun d’entre eux :

1°/  Encourent par le fait même une excommunication ;

2°/  Si après monition, ils ne viennent pas à résipiscence, qu’on les prive de tout bénéfice, dignité, pension, office ou autre charge, s’ils en avaient dans l’Église, et qu’on les déclare infâmes ; après deux monitions, ceux qui sont clercs doivent être déposés.

3°/  S’ils ont donné leur nom à une secte non catholique ou y ont publiquement adhéré, ils sont infâmes par le fait même ; en tenant compte de la prescription du Canon 188 n. 4, que les clercs, après une monition inefficace, soient dégradés.

§ 2.  L’absolution de cette excommunication, à accorder au for de la conscience, est spécialement réservée au Siège apostolique. Si cependant le délit d’apostasie, d’hérésie ou de schisme a été porté au for externe de l’Ordinaire du lieu, de n’importe quelle manière, même par un aveu volontaire, le même Ordinaire, mais non le vicaire général sans mandat spécial, peut, de son autorité ordinaire, absoudre au for externe le coupable venu à résipiscence après l’abjuration faite juridiquement et l’accomplissement des autres obligations du droit. Après cette absolution, le pénitent peut être absous de son péché au for de la conscience par n’importe quel confesseur. L’abjuration est tenue pour accomplie juridiquement, lorsqu’elle se fait devant l’Ordinaire du lieu ou son délégué ou au moins deux témoins. [Fin du canon 2314]

Il n’y a donc aucune difficulté à accepter de grand cœur et à chaleureusement féliciter une personne qui renie sincèrement le schisme pour intégrer la sainte Église catholique en se soumettant à sa loi ; c’est au contraire une grande miséricorde du Bon Dieu et un beau motif d’action de grâces.

2.  Le sacerdoce de ce prêtre

Il en va tout autrement de son sacerdoce, dont l’exercice lui est strictement interdit. En effet, il a contracté une irrégularité ex delicto (canon 985  § 3), qui est une inhabilité perpétuelle à tout exercice des saints ordres (canon 968  § 2). Perpétuelleveut dire que l’irrégularité ne cesse pas à la fin du schisme ou du scandale, mais uniquement par dispense (Capello, III, i, 7, 5 n. 281).

À la différence d’une censure comme l’excommunication, l’ignorance de l’existence de l’irrégularité n’empêche pas qu’elle ait été encourue (canon 988).

Dans ce cas précis, au for externe, il est toujours présumé que le schisme a été un péché formel (Capello, ibid.). S’il s’agit d’un catholique qui a quitté la sainte Église pour rejoindre le schisme et s’y faire ordonner, le péché n’est pas seulement présumé formel, il l’est (et l’Église est beaucoup plus rigoureuse pour lui interdire tout ministère).

La dispense des irrégularités ex delicto appartient au seul Souverain Pontife. L’Ordinaire (l’Évêque du diocèse ou, pour les religieux d’un ordre exempt, le Père Abbé ou le Supérieur majeur) ne peut donner la dispense à ses sujets que pour les cas occultes(canon 990  § 1) ; le confesseur, pour les cas occultes très urgents (canon 990  § 2).

L’appartenance à une « église » schismatique n’est pas du tout un cas occulte. Donc, seul le Pape peut autoriser un prêtre venant du schisme à exercer son sacerdoce. Il en décide souverainement et prudemment.

En effet, le Pape, s’il envisage de dispenser de l’irrégularité, prend auparavant en compte un autre aspect on ne peut plus important : l’examen de la validité de l’ordination sacerdotale. Certes les Orientaux ont scrupuleusement conservé les rites sacramentels en vigueur au XIe siècle, mais encore faut-il qu’il n’y ait pas interruption ni gauchissement. Une telle garantie ne peut être donnée que par un jugement de l’Église catholique.

Le Pape s’inquiétera aussi (et davantage) de la science sacerdotale du schismatique qui a abjuré, spécialement à propos des points que les schismatiques nient en théorie ou en pratique :

  des vérités dont son schisme était directement la négation : nature, unité et romanité de l’Église catholique ; primauté et infaillibilité du Pontife romain ; nature et détermination de la règle de la foi ;

  des vérités niées par les Orientaux, ou au moins certains d’entre eux puisque les obédiences sont nombreuses : Procession du Saint-Esprit Filioque ; distinction entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel ; Immaculée Conception et Assomption de la sainte Vierge Marie, existence et nature du Purgatoire, Indulgences.

Voici un extrait du diagnostic que fit Louis Jugnet en 1946 (texte complet dans le Cahier Louis-Jugnet n. 2 pp. 51-68). Ce texte est à lire en son entier pour ceux qui ne veulent ne pas parler « en l’air » et sans savoir de ce qui sépare les Orientaux schismatiques et la sainte Église catholique.

« Nos frères séparés d’Orient et nous, nous ne sommes pas opposés uniquement au sujet de l’autorité du Pape, comme le croient souvent les gens non avertis. Il y a d’abord une perpétuelle sous-estimation de notre connaissance de Dieu, qu’on nomme apophatisme (d’apophasis : négation) et qui méconnaît la connaissance réellement valable, quoique pauvre et analogique que nous pouvons acquérir des réalités divines. Ce point est très important et oppose grandement l’Orient à la théologie romaine. Il y a le Filioque et c’est un gros morceau ! Il y a le palamisme qui règne généralement en maître dans les “Églises d’Orient”. Il y a le rejet, plus ou moins affiché, mais réel, de l’Immaculée Conception. […] Il y a, à tout le moins, des ambiguïtés et des prétéritions au sujet de la transsubstantiation eucharistique. (Sans doute, l’Église d’Orient croit à la présence réelle, mais elle précise mal le mode de conversion du pain et du vin au corps et au sang du Christ, et les spécialistes catholiques ne sont pas d’accord sur le sens à donner aux assertions gréco-russes sur ce point). Il y a d’inquiétants silences, mêlés à des erreurs plus ou moins larvées sur le purgatoire et la vie de l’au-delà ; sur les indulgences ; sur le nombre des sacrements (la théologie sacramentaire de l’Orient est beaucoup plus flottante que la nôtre, et n’a pas un septénaire nettement déterminé). Il y a différends sur le rôle de l’épiclèse dans la consécration, sur le progrès dogmatique […].

« Enfin, reste le gros point d’opposition, c’est la haine souvent farouche de l’Église d’Orient envers Rome, son incompréhension totale du rôle du Pape dans l’Église, cette sorte d’orgueil figé qui caractérise l’épiscopat orthodoxe, et mène les popes à injurier le catholicisme d’une façon parfois incroyable (aux Lieux Saints, dans les Balkans, etc.). C’est là qu’on décèle tout le venin schismatique, et c’est là le point douloureux. De grands théologiens russes comme Serge Boulgakoff perdent visiblement leur sang-froid quand ils parlent de la Chaire de Pierre : là s’accumulent les reproches de papolâtrie, de juridisme romain, etc. »

  Mais si ce prêtre a été reçu et agréé par la fraternité Saint-Pie-X, si c’est devant un de ses évêques qu’il a abjuré, cela ne l’autorise-t-il pas à user du sacerdoce reçu dans le schisme ?

Les membres de la fraternité Saint-Pie-X n’ont aucun pouvoir particulier, les évêques qui en sont membres ne sont pas du corps épiscopal de l’Église catholique : jamais un souverain Pontife ne les y a agrégés, ni directement (par mandat pontifical) ni indirectement par le truchement des lois en vigueur dans la cooptation de l’épiscopat. Et donc le passage par la case fraterniténe modifie en rien la situation d’un prêtre venant du schisme.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’il n’y pas qu’une irrégularité à lever (c’est déjà beaucoup !) : il y a une légitimité fondamentale à assurer.

Selon la constitution même de l’Église et selon son droit, l’admission au ministère sacerdotal relève d’un évêque, d’un véritable évêque catholique successeur des Apôtres par son appartenance au corps épiscopal.

« En dehors d’une commission reçue de l’Église catholique, l’administration des sacrements est illicite et sacrilège. […] L’autorité pour dispenser les sacrements vient tout entière de la mission donnée aux Apôtres. […] La mission apostolique ne se trouve que dans l’Église catholique… Bien qu’il soit possible, de fait, de dispenser les biens d’un autre sans avoir reçu de lui une mission à cet effet, rien n’est plus sûr que le fait que personne ne dispense légitimement ce qui appartient à un autre si ce n’est par son mandat. Or, les sacrements sont le bien du Christ. Donc ils ne sont légitimement dispensés que par ceux qui ont une mission de la part du Christ, c’est-à-dire par ceux auxquels découle la mission apostolique » (Cardinal Billot, de Sacramentis, tome 1, thèse xvi).

De plus, pour que soit admis un prêtre venant du schisme, les Papes se sont réservé l’examen et la résolution du cas. En raison de la gravité – tant doctrinale que sacramentelle – de l’enjeu, ils n’ont pas laissé aux évêques d’en décider (ce qui aurait été possible au vu de la mission épiscopale).

  Oui mais, vous la ramenez toujours avec le droit canon et compagnie. Vous ne vous apercevez donc pas qu’il y a nécessité, urgence, besoin des âmes ? Votre juridisme va à l’encontre du bien même de l’Église, il n’est donc pas de mise !

  Comme il vient d’être expliqué, il y a bien plus qu’une loi en jeu : il y a l’ordre des choses qui s’enracine dans la constitution même de l’Église telle que Jésus-Christ l’a institué. Le cardinal Billot ne vous a pas caché la gravité de l’affaire.

Et puis, il faut bien que je vous le dise, il y a quelque chose de mille fois pire que le juridisme, c’est l’anarchisme. Il n’est pas étonnant que cette tendance, qui existe déjà dans la nature humaine comme séquelle du péché originel, se développe avec une dynamique qui fait peur : l’absence prolongée d’autorité en est un puissant facteur. Mais cela ne rend pas l’anarchisme moins dangereux et moins corrosif de l’esprit chrétien.

Cet anarchisme se manifeste de différentes manières, dont voici quelques-unes (hélas ! cumulables).

La première consiste à dire que puisqu’il n’y a plus de pape, il n’y a plus de loi… C’est un anarchisme radical, destructeur, qui oublie un simple petit fait : le chef de l’Église est Jésus-Christ ! Le Siège à la droite du Père n’est pas vacant ! Le Pape a une autorité souveraine sur le Corps de l’Église, mais une autorité vicaire par rapport à Jésus-Christ. Ce que le pape lie ou délie sur la terre est lié ou délié dans les cieux par le pouvoir de Jésus-Christ et le demeure, même quand le Pape cesse d’être (sauf stipulation particulière). Et donc la loi de l’Église demeure avec toute sa force, et elle demeure en l’état où l’a laissé le dernier acte pontifical.

La seconde forme d’anarchisme, plus courante, consiste à décréter qu’il y a nécessité et donc que toute loi qui entrave le caprice sacerdotal, euh ! pardon ! le ministère sacerdotal, est d’application suspendue. Rapidement, cette anarchie devient habituelle et aveugle, et on décrète l’inapplication de la loi sans même se mettre en peine d’examiner la teneur de la loi, sans même rechercher ce qu’a permis ou interdit l’Église dans des cas particuliers. C’est un anarchisme de paresse et d’ignorance, mais un véritable anarchisme.

La troisième forme consiste à ne voir aucune distinction entre la Constitution de l’Église et la législation de l’Église, entre ce qui tient à la nature des choses et ce qui tient à la discipline, entre ce qui relève du droit divin et ce qui relève du droit purement ecclésiastique. On n’est plus en face d’une épikie pratique (et souvent illégitime) comme dans le cas précédent, mais dans le cas d’une épikie quasi-théologale qui fait de chacun un « Constitutionnel » qui tient l’Église à sa merci.

L’anarchisme est une épidémie parfois revendiquée, souvent sourde et sournoise, qui rend toute discussion impossible — ne serait-ce que parce que l’anarchiste (de droit divin !) dégaine plus vite que son ombre l’accusation de juridisme… sans bien savoir ce que veut dire le mot, mais peu importe, l’essentiel étant l’impact pour décrédibiliser celui qui s’efforce d’avancer en se disant :

Le vrai bien des âmes, celui qui est fructueux et durable même s’il est moins visible (ou entravé par mes défauts), c’est celui qui se fait selon la volonté de Dieu. Et cette volonté de Dieu, elle ne se décrète pas suivant l’humeur du moment ; elle est inscrite dans la nature des choses telle que Dieu l’a instituée, telle qu’elle se manifeste à qui veut bien la chercher là où elle est enseignée : dans l’Évangile de Jésus-Christ, dans le Magistère de l’Église catholique romaine, dans la préservation de l’unité de l’Église, dans le droit canonique, dans la théologie de saint Thomas d’Aquin, dans l’exemple des saints.

*

  Au moins, les Orientaux schismatiques ont échappé à l’influence du modernisme : quand ils se convertissent, ils sont donc d’une orthodoxie à laquelle on peut se fier, et leur doctrine est vraiment sûre !

  Voilà une dernière illusion qu’il faut dissiper, par laquelle on tente de rassurer les braves gens qui auraient encore quelque hésitation. Illusion sotte, mais l’expérience montre qu’elle est tenace.

Louis Jugnet nous a énuméré plus haut les erreurs doctrinales qui séparent les schismatiques de la vérité catholique. Elles sont abondantes. Mais encore plus qu’abondantes, elles sont profondes et concernent ce qui est fondamental dans l’intelligence de la foi (cette intelligence qui est précisément la cible du modernisme). Il serait d’ailleurs étonnant qu’il en soit autrement, parce qu’il serait invraisemblable que dix siècles de schisme n’aient laissé aucune trace grave dans les mentalités et dans les doctrines.

Un rapide examen fait apparaître trois erreurs de ce type. La première porte sur la nécessité même de la doctrine. Est-elle une référence externe (l’appartenance à une obédience) ou une nécessité interne, vitale, pour la vie de la foi et la conduite de la vie ? La seconde est une indistinction permanente entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, qui est pourtant un point crucial et permanent de la doctrine catholique. La troisième est le fidéisme, erreur qui prétend que Dieu (son existence et ses attributs) n’est pas connaissable par la lumière de la raison mais seulement par la Révélation divine. Et ces trois erreurs sont aux sources du modernisme…

***

Le texte qu’on vient de lire est la reproduction quasi inchangée d’un article paru dans le n. 298 du bulletin Notre-Dame de la Sainte-Espérance (décembre 2014).

Vous aurez noté la grande importance et la grande clarté du texte du Cardinal Billot qui est cité à peu près au milieu. Sinon, relisez-le. Il énonce la clef nécessaire pour discerner de ce qui est catholique et de ce qui ne l’est pas.

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commentaires

C
<br /> Bonjour<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Il est en effet important de préciser que tout les dogmes promulgués et tout les actes infaillibles des Papes (bulles et encycliques) ne sont pas nécessairement admises, loin s'en faut, par les<br /> Orthodoxes. <br /> <br /> S'ils ont conservés la validité sacramentelle des Ordres, ils sont au for externe, plus que des schismatiques, mais des hérétiques puisque, rejettant les Papes depuis LEUR schisme, ils rejettent<br /> tout ce que d'autorité, les Souverains Pontifes ont décrétés de manière infaillible.  <br /> <br /> <br />  <br />
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