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15 septembre 2010 3 15 /09 /septembre /2010 06:47

Notes décousues

Selon la nature que nous avons reçue de Dieu, l’intelligence humaine est d’abord contemplative (c’est-à-dire faite pour connaître la vérité et s’y reposer) et ensuite pratique (c’est-à-dire faite pour penser, organiser et diriger l’action). De ce fait, c’est la nature humaine tout entière qui est vouée en premier à la contemplation.

Cette primauté de la contemplation était encore renforcée au paradis terrestre ; cela était dû à l’élévation de l’intelligence par la foi, à l’intimité avec Dieu (à la brise du soir…) et à l’exemption des maux dont la prévention et la guérison sollicitent au premier chef l’action humaine.

Patatras ! Voici que le péché originel vient bouleverser tout cela. L’homme perd la grâce sanctifiante, il perd l’intimité de Dieu, il perd son immunité des maux d’ici-bas.

L’anarchie s’introduit en lui : le désordre des passions voue l’homme à une lutte intérieure sans fin, lutte qui le détourne de consacrer le meilleur de ses forces à la connaissance de la vérité.

Et puis il est condamné au travail (il doit gagner son pain à la sueur de son front) et vaincre la nature extérieure qui lui est devenue ordinairement hostile.

Plus exactement, le travail lui est devenu pénible, il lui mange son temps, il le courbe vers la terre et le rive aux choses matérielles, il le détourne de la contemplation des vérités éternelles : c’est d’ailleurs pour rappeler à l’homme sa condition première et lui ménager la possibilité d’accomplir sa vocation éternelle que Dieu institue le repos hebdomadaire du sabbat puis du dimanche.

Ce châtiment de Dieu (comme tous ses châtiments ici-bas) est miséricorde, et ce travail pénible devient un grand moyen de sanctification : l’exercice du devoir d’état quotidien.

La Rédemption, en restaurant d’une manière bien meilleure ce qui a été perdu par le péché, n’efface pas la nouvelle condition terrestre de l’homme : la mort, la souffrance et la concupiscence ne seront définitivement détruites qu’à la résurrection des corps – et chez les élus uniquement.

Voici donc l’état dans lequel nous nous trouvons ici-bas. Notre vocation surnaturelle n’a jamais été perdue ; la grâce qui permet d’accomplir cette vocation, est rendue à ceux qui sont surnaturellement unis à Jésus-Christ ; le travail est naturel (c’est-à-dire conforme à la nature et la perfectionnant) ; son aspect pénible et courbant vers la terre est châtiment (c’est-à-dire dur à la nature et la détournant de la contemplation) ; pour qui se soumet à la volonté de Dieu et lutte contre cette courbure, il est en un puissant instrument de la miséricorde divine et l’occasion d’immenses mérites.

*

*     *

Il est nécessaire que l’homme ait un devoir d’état : c’est conforme à sa condition, c’est l’expression concrète et quotidienne de la volonté de Dieu ; c’est la condition de la régularité sans laquelle il n’y a ni vie spirituelle, ni intellectuelle, ni vie tout court – il suffit de penser à l’épreuve morale qu’est le chômage ; à la [rare] force de caractère qu’il faut à celui qui est trop maître de son temps.

Il est inévitable que ce devoir d’état soit une pénitence : il porte avec lui fatigue, souffrance, routine fastidieuse, soucis etc. C’est la conséquence du péché originel, et c’est salutaire.

Mais pour que ce soit vraiment salutaire, il faut que ce devoir d’état élève l’homme, il faut qu’il lui rende quelque chose de la primauté de la contemplation perdue et pourtant nécessaire ; pour que ce soit salutaire, il faut que ce devoir d’état soit, à l’instar des châtiments de Dieu sur cette terre, une miséricorde, une rédemption pour la nature.

Ce devoir d’état n’est pas suffisant, ni satisfaisant, ni bienfaisant, s’il n’apporte pas avec lui l’épanouissement, la stabilité, la sagesse.

Autrement dit, il est néfaste que ce devoir d’état ne soit qu’un emploi et non pas un véritable métier. Certes, un emploi, c’est mieux que rien ; mais cela ne remplit qu’une partie du rôle du devoir quotidien (gagne-pain, régularité) ; et ce demi-rôle est gros de danger parce qu’il laisse la nature à terre, peu propre à s’épanouir et à être l’instrument de la grâce.

Chacun donc devrait pouvoir exercer d’un métier qu’il trouve beau, c’est-à-dire tourné vers le bien et en harmonie profonde avec lui-même, chacun devrait pouvoir en jouir.

Un métier prolonge et enrichit la personnalité ; un métier est apte à être la véritable propriété de celui qui l’exerce – d’où stabilité et participation réelle au bien commun ; un métier apporte avec lui la connaissance des choses et des gens, l’expérience de la nature des choses, et au bout du compte la sagesse (qui n’a jamais joui de la conversation d’un vieil artisan empli d’une savoureuse sagesse ?)

Une société libéralo-socialiste (ou socialo-libérale) assassine les métiers : elle établit des conditions qui les asphyxient du point de vue économique ; elle les empêche de s’organiser eux-mêmes selon leurs propres règles ; elle fait éclater par la lutte des classes ; elle les vide de leur âme ; elle dynamite au lieu de dynamiser.

Et à la place, elle propose ou ne suscite que des emplois : des emplois précaires, ou des emplois sans objet digne ou sans avenir, ou uniquement tournés vers l’argent. C’est un des grands malheurs du monde contemporain, un terrible appauvrissement que l’abondance matérielle ne compense pas et cache bien mal. Cette société, si elle peut aller au bout de ses principes, n’est que l’organisation d’un esclavage permanent.

*

*     *

Mais comment donner à chacun un métier, ou plus exactement comment lui donner les conditions de trouver, d’apprendre, d’exercer, de posséder vraiment un métier ? Telle est la question.

La réponse lui a été donnée par Pie XII le 31 janvier 1952 : « La corporation est le programme social de l’Église ».

Le mot corporation a très mauvaise presse, et pourtant il n’est guère de point de sa doctrine sociale et politique sur lequel l’Église ait davantage insisté.

On peut donner à ce mot un sens large et transitif, celui d’acte de corporer, de constituer un corps organisé, unifié, finalisé.

On peut lui donner un sens strict : l’organisation de la vie professionnelle selon la diversité et la complémentarité des métiers (et non selon les classes).

La parole de Pie XII s’entend dans les deux sens. Car la société n’est pas une synthèse de contradictoires (opposition des classes, des idéologies, des intérêts) mais un corps dont l’unité (et l’harmonie, et la paix) repose sur la finalité naturelle et, par là, surnaturelle.

Le rôle de la corporation est donc d’organiser la société – particulièrement dans la vie professionnelle et économique – selon un principe d’unité intermédiaire (la communauté d’intérêt à l’intérieure d’une profession) en vue d’une l’unité première (le bien commun de la cité).

Les corporations ne sont pas une émanation de l’État (ce serait une administration de plus !) mais des gens de métier eux-mêmes. L’État doit encourager, approuver, donner un statut de droit public aux corporations, et se réserver le rôle d’arbitre – qu’il ne pourra tenir avec équité que s’il n’est pas partie prenante.

Une corporation comporte tous les membres d’une profession (employeurs, cadres, ouvriers) ; elle n’est donc pas un syndicat professionnel ; elle choisit elle-même ses représentants, elle élabore ses constitutions, elle organise l’apprentissage, elle définit les règles de la déontologie et de la concurrence : voilà une garantie de compétence, de diversification, de réalisme au fur et à mesure que la profession évolue.

La doctrine de l’Église sur la corporation de la société – et sa conséquence prochaine qu’est l’organisation des corporations professionnelles – a été abondamment développée par les Papes, notamment de Léon XIII à Pie XII. Elle est cependant demeurée bien inconnue à cause de l’ignorance et de l’indocilité des catholiques, à cause aussi des idéologies développées sous l’influence délétère de l’Action catholique.

Car le propre des corporations, c’est d’exclure les idéologies et la lutte des classes, pour structurer la société selon le principe d’une unité organique et du principe de subsidiarité – principe selon lequel on doit laisser à chaque niveau de hiérarchie ce qui est de sa compétence et de sa responsabilité, car il a une véritable injustice à transférer le soin de cela à un niveau supérieur.

Alors évidemment la société pétrie de libéralisme (il faut tout déréglementer…) et de socialisme (l’État doit tout réglementer…) ne peut voir d’un bon œil l’organisation d’une profession effectuée par les gens de la profession elle-même.

Et, pour revenir à l’objet premier de ces notes, c’est en cela qu’elle donne une véritable propriété du métier à ses membres, qu’elle peut en assurer la stabilité bien mieux qu’une entreprise, isolée et fragile.

Seule la corporation permet de résoudre cette apparente contradiction : d’une part, le contrat de travail (dont la contrepartie est le salaire) est un contrat qui ressortit à la justice commutative stricte (travail contre salaire) ; d’autre part, le travail humain dépasse le salaire, sa valeur ne peut s’y réduire.

Du fait de son travail, le salarié appartient à une corporation organiquement liée aux autres corporations et à toute la vie économique et sociale : il participe donc (en donnant et en recevant) au bien commun de la cité.

On voit donc que la corporation professionnelle contribue (de façon forte et plus ou moins irremplaçable) à faire d’un travail un véritable métier. Sous l’autorité qui a en charge le bien commun et les lois par lesquelles elle l’assure, aidé par la stabilité du droit de propriété et de la justice publique, dans la paix et la douceur de la vie familiale et la rigueur de l’éducation… cette propriété du métier contribue à rétablir la primauté de la contemplation que le péché avait malmenée et empêchée.

Ce règne de la vérité et de la sagesse concourt à la perfection de chacun, et constitue un socle solide sur lequel la vie surnaturelle peut germer, peut faire régner Jésus-Christ et la charité divine, et peut monter jusqu’au Ciel.

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1 juin 2010 2 01 /06 /juin /2010 12:23

« Vous êtes trop dur avec Benoît XVI… » Voilà une réflexion, au demeurant fort amicale de ton et d’intention, qui m’est parvenue aux oreilles, et dont je crains qu’elle ne serve de refuge pour se dispenser (inconsciemment, je le suppose) de réfléchir à la situation de l’Église et à notre devoir présent, sans biaiser avec la doctrine catholique.

« Trop dur » n’est pas une note théologique qui figure dans les nomenclatures classiques utilisées pour qualifier la distorsion d’un texte ou d’un acte avec la foi catholique. On le sait, le Saint-Office, et à sa suite les théologiens, emploient des notes précises qui permettent de situer un texte dans une sorte d'échelle de conformité à la doctrine catholique : hérétique, proche de l’hérésie, offensant aux oreilles pies, etc [1]. La qualification « trop dur » n’entre dans aucune liste, ce qui permet de laisser une grande marge de flou et de dénoncer sans avoir à justifier ses accusations. C’est tellement pratique ! Eh bien ! profitons-en !

Trop dur ? S’il s’agit de la personne de Benoît XVI, on sera en peine pour trouver sur mes lèvres ou sous ma plume des qualificatifs qui se rapportent à elle : je m’en abstiens délibérément, la laissant hors de cause. Je me contente d’observer ses actes et d’exercer la foi catholique, en laquelle je les vois totalement incompatibles avec la fonction pontificale, avec l’autorité de Jésus-Christ dont le Pape est surnaturellement revêtu à la tête de l’Église.

Parmi ces actes, il y a ceux dont Benoît XVI hérite (actes de Vatican II, réforme liturgique, code de droit canon de 1983…) et auxquels il donne valeur actuelle et active ; il y a ceux qu’il accomplit lui-même : enseignements, lois, nominations, faits publics.

Voyons donc où se situe la dureté. Benoît XVI n’est-il pas trop dur avec la doctrine catholique qu’il bafoue et nie, en reprenant l’héritage de Vatican  II et de ses erreurs (sur la liberté religieuse, sur la nature de l’Église catholique et son unité, sur le statut du peuple juif ) ?

Benoît XVI n’est-il pas trop dur avec rites et sacrements catholiques, en conservant et en utilisant la réforme liturgique qui les a évacués au profit d’un protestantisme mal camouflé ?

Benoît XVI n’est-il pas trop dur avec les pauvres âmes, auxquelles il prêche un indifférentisme à saveur d’apostasie par ses visites aux synagogues, mosquées et autres temples protestants ?

Et puis… ne sont-ils pas trop durs avec la doctrine catholique ceux qui prétendent qu’un vrai Pape peut enseigner, maintenir, appliquer des erreurs condamnées par le Magistère de l’Église ?

Ne sont-ils pas trop durs avec la doctrine catholique ceux qui prétendent qu’un concile œcuménique, organe du Magistère suprême de l’Église, puisse promulguer des erreurs contre la foi, ainsi que lancer (ou officialiser) un mouvement de destruction profonde de la vie chrétienne ?

Ne sont-ils pas trop durs avec la doctrine catholique ceux qui prétendent que la liturgie officielle, « ordinaire » et approuvée de l’Église catholique puisse être infestée par l’esprit de l’hérésie ?

Ne sont-ils pas trop durs avec la doctrine catholique ceux qui prétendent qu’on n’est pas tenu d’obéir à un Pape, qu’on peut jouir de la juridiction sans son agrément, sans son injonction, comme malgré lui et à son insu ?

Ne sont-ils pas trop durs avec l’être historique de l’Église ceux qui, pour tenter de trouver des précédents qui justifieraient leur refus de se soumettre, vont faire les poubelles – et qui n’y trouvent que ce qu’ils y mettent, en négation de la sainteté de l’Église ?

Ne sont-ils pas trop durs avec la constitution de l’Église catholique et avec son unité hiérarchique, ceux qui procèdent à des sacres épiscopaux sans mandat apostolique, ou qui en bénéficient ?

Enfin, ne sont-ils pas trop durs avec Benoît  XVI lui-même ceux qui, pour tenter de compenser leur carence doctrinale dans leur refus de se soumettre à lui, se croient obligés de dénigrer sa personne sans souci de justice et d’interpréter tout en mal, (tout en se laissant d’ailleurs habilement manœuvrer par lui, qui ne cède rien, qui divise et use leur résistance) ?

Trop dur ? Mais qui donc est trop dur ? Ne soyons ni durs ni mous, mais vrais, conséquents et humbles. Tout un programme à reprendre chaque jour…

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[1]     Les éditions Tradibooks viennent de rééditer l’ouvrage (en langue latine) du P. Cartechini, De valore notarum theologicarum, destiné aux auditeurs et consulteurs du Saint-Office, qui énumère, explique et illustre ces différentes notes, afin que l’usage en soit commun et précis. C’est du plus haut intérêt, et bien salutaire en donnant occasion de sortir du flou dans lequel se meuvent trop souvent ceux qui ont à connaître ces notes.

http://www.tradibooks.com     tradibooks@orange.fr

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22 mai 2010 6 22 /05 /mai /2010 20:18

Peut-on admettre, en fait, une exceptionnelle licéité de cette demande ?

C’est à cette question d’une grande gravité que répond l’article que le chanoine René Le Picard, docteur ès droits canonique et civil, a publié dans l’Ami du Clergé en 1947, et dont vous trouverez la transcription intégrale sous ce lien (étant excepté un post-scriptum hors sujet).

Cette gravité est tout d’abord objective ; elle tient à l’objet lui-même, puisque la loi civile sur le divorce, prolongeant l’œuvre impie des lois instaurant le « mariage civil », a été et demeure un des grands fers de lance de la secte tant contre la civilisation chrétienne – dont l’un des principaux fondements est la sainteté du mariage – que directement contre le salut éternel des âmes que ces lois entraînent dans des situations propres à engendrer le désespoir.

Mais la gravité de la question est aussi subjective, en ce sens que l’esprit de nombreux catholiques – je n’excepte pas ceux qui font profession d’être intégralement fidèles à la tradition de l’Église – est affecté par deux faiblesses.

En premier lieu, il faut placer l’ignorance : non pas la simple nescience, ni l’ignorance des caractéristiques et des devoirs essentiels de l’état de mariage, mais l’ignorance du droit public du mariage. Certes, nul n’est obligé d’avoir une connaissance approfondie du droit de l’Église et de ses rapports au droit civil, à moins que son devoir d’état ne le requière. Cette ignorance est donc d’ordinaire de peu de conséquence ; mais il en va tout autrement quand les ignorants se mêlent des donner de conseils, d’inciter des proches en situation conflictuelle à demander le divorce, ou de trancher des cas pour lesquels ils devraient se savoir incompétents : malgré qu’ils en aient, leur responsabilité est gravement engagée.

En second lieu, il faut regretter l’incapacité à envisager un problème dans la perspective du bien commun. L’anarchie dont nous souffrons n’est pas simplement un péril extérieur pour la foi et pour la pratique catholique, elle est un péril intérieur par la disparition progressive de la justice générale, partie de la vertu de justice qui nous ordonne au bien commun et nous y fait travailler. On a perdu de vue non seulement que le bien commun l’emporte sur le bien personnel, mais encore que le bien commun est, pour chacun des membres de la société, sa propre perfection : tant par les conditions extérieures qu’il assure que parce que – en raison de la nature foncièrement sociale de l’homme – il est objet de la vertu de chacun et la fin des membres.

Cette méconnaissance de la primauté du bien commun et cet individualisme ravageur ne datent pas d’aujourd’hui, nous en avons le témoignage de l’auteur de l’article présenté qui le déplore à plusieurs reprises et qui y voit l’une des causes principales du laxisme qu’il combat de façon très argumentée et très concrète.

En particulier, il y a grand dommage au bien commun, scandale pour la société et pour le prochain, et grand péril pour les protagonistes, de demander la suppression du lien civil (et des obligations conséquentes) d’un vrai mariage : cela n’est donc jamais permis, tout au moins dans les pays où existe le statut de « séparation de corps » (qui est déjà par elle-même un acte bien grave, sur lequel l’Église a légiféré avec beaucoup de sévérité — canons 1128-1132 — mais ce n’est pas notre propos d’aujourd’hui).

Il faut dire que les prétentions de l’État antichrétien ont tout embrouillé.

Le mariage est une institution divine naturelle, un contrat sacré parce que Dieu lui-même, en créant la nature humaine, en a marqué les propriétés essentielles : unité, indissolubilité, fécondité.

Notre-Seigneur Jésus-Christ n’a en rien supprimé le mariage naturel ni ses propriétés : il les a restaurés dans leur plénitude et leur a donné une fermeté plus grande. Surtout, il a élevé le mariage à la dignité de sacrement, c’est-à-dire qu’il en a fait l’instrument de sa grâce et le canal des mérites de sa Passion.

C’est ainsi que tout mariage valide entre deux baptisés est nécessairement un sacrement ; c’est ainsi que la juridiction sur le mariage des baptisés appartient à l’Église catholique, et à elle exclusivement.

C’est ici qu’interviennent l’équivoque et l’usurpation du « mariage civil ». Il est la mainmise outrageante sur le mariage chrétien, et il n’est même pas le mariage naturel (bien qu’il puisse l’être, entre des non-baptisés).

Mais la malice du prétendu « mariage civil » ne doit pas cacher que le mariage a une nature et des effets civils et doit en avoir, et qu’il est du rôle de l’État de les organiser et de les garantir : c’est là une exigence du bien commun due au fait que le mariage est par nature social et public.

La loi du divorce est abominable, non seulement parce qu’elle est la négation de l’indissolubilité du Mariage et l’organisation « légale » de l’adultère, mais aussi parce qu’elle prétend supprimer les effets civils des vrais mariages. C’est pour cela qu’imaginer qu’on y peut recourir à condition de proclamer l’indissolubilité du mariage et d’être résolu à ne pas « se remarier », comme on l’affirme bien souvent, c’est oublier non seulement le scandale et la tentation, mais aussi le dommage au bien commun qu’est la destruction de l’existence civile du mariage et de ses effets.

Une dernière chose. L’article du chanoine Le Picard (et le livre dont il est un résumé) commencent à être anciens (1946-1947), et l’on pourrait craindre que les arguments et conclusions n’en soient caduques. Il n’en est rien. Certes, la législation a évolué dans le sens du laxisme et de l’égalitarisme, mais si cette évolution a un impact sur la question qui nous occupe, c’est dans le sens du renforcement des arguments et conclusions de l’auteur.

La moralité de la demande en divorce

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13 avril 2010 2 13 /04 /avril /2010 22:40

Il est des questions qu’on finit par se poser à soi-même, non pour anticiper quelque demande, mais parce qu’elles sont l’occasion d’exprimer avec précision ce qui est plus ou moins diffus, plus ou moins implicite dans les convictions qu’on exprime çà et là.

 

Dans le dernier bulletin Notre-Dame de la Sainte-Espérance (n°243 d’avril 2010) je me suis donc demandé si je suis sédévacantiste. Voici la réponse (revue et augmentée) que j’y ai apportée. Il faut au préalable que le terme sédévacantiste, forgé voici 30 ou 40 ans, signifie : qui professe que le Siège apostolique est actuellement vacant.

 

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Je ne récuse ni ne revendique la qualification de sédévacantiste. Mais, puisque nous sommes dans le domaine du témoignage de la foi catholique, cette réponse est trop peu précise, et je m’en vais la développer.

 

Je ne récuse pas d’être qualifié de sédévacantiste, et cela pour deux raisons.

 

La raison première, principale, essentielle, est un fait : il n’y a actuellement personne sur le Siège de Saint-Pierre qui soit Pape, investi de l’autorité pontificale, revêtu de la puissance souveraine que Notre-Seigneur Jésus-Christ a confiée à saint Pierre et à ses successeurs, possédant la plénitude du triple pouvoir sur l’Église catholique.

Cette affirmation n’émane pas d’un jugement d’opinion, elle est la conclusion immédiate et inéluctable d’une impossibilité dans la foi : il est impossible d’être Pape et simultanément d’assumer l’héritage de Vatican II, ses hérésies explicites ou implicites, sa réforme liturgique protestante, sa praxis destructrice de la foi, des sacrements et de la vie chrétienne. Ce constat d’impossibilité est immédiatement fondée sur l’enseignement infaillible que l’Église donne à propos d’elle-même ; je connais donc cette impossibilité par et dans la lumière de la foi.

Ce n’est pas le lieu de donner les preuves, de réitérer les raisonnements, de manifester les points clefs de cette impossibilité : je me contente de répondre à la question posée. Oui, le Siège est vacant.

 

À cette raison j’ajoute une seconde, accidentelle, anecdotique. L’étiquette de sédévacantiste est infamante, elle sonne généralement comme une condamnation. Comme elle est attribuée à ceux qui, malgré leurs défauts, leurs insuffisances voire leurs égarements, s’efforcent dans la situation actuelle d’exercer l’intégrité de la foi catholique : alors, je la prends et je ne la récuse pas. Je ne vais pas, Dieu m’en préserve, me désolidariser des combattants alors que les coups pleuvent ; je ne vais pas proférer un « je ne connais pas cet homme » : ce serait lâcheté. Je réclame ma part d’infamie.

 

Mais ma réponse ne s’arrête pas là. Car, pour trois raisons, je ne revendique pas non plus la qualification de sédévacantiste.

 

Tout d’abord, je n’aime pas le néologisme sédévacantisme, parce qu’il donne l’impression d’être une doctrine particulière, un courant parmi d’autres, un parti théologique : or il n’en est rien. C’est même l’inverse qui est vrai : pour affirmer qu’aujourd’hui nous avons un Pape qui gouverne la sainte Église, il faut controuver des doctrines anti-infaillibilistes, désobéissantistes, liberté-religieusistes, liturgico-protestantiste et tutti quanti ; tandis que le sédévacantisme se caractérise par la volonté d’appliquer la doctrine universelle, pérenne, obligatoire de l’Église catholique à la situation du Siège apostolique. Même si quelqu’un pense qu’ils ont tort, il ne trouvera chez les sédévacantistes en tant que tels aucune doctrine nouvelle.

 

Le sédévacantisme n’est pas un principe ni un système, il est une conclusion ; il est la constatation raisonnée d’un fait qu’on désire voir disparaître au plus tôt. Voilà pourquoi l’appellation sédévacantiste me semble incongrue.

 

Un apologue me fera comprendre. Je regarde par la fenêtre et dis à un ami plongé dans son journal : il pleut. Lui qui regarde la météo à la télévision – et s’en contente – me dit que c’est impossible : on a annoncé le beau temps pour la journée. Je regarde à nouveau, je vérifie que ce n’est pas le voisin du dessus qui me fait une farce, que ce n’est pas l’arrosage du voisin d’à côté qui est mal réglé, que mes lunettes sont propres, puis j’affirme à nouveau qu’il pleut, puisque de l’eau tombe d’un nuage flottant dans le ciel ! Et mon ami de me dire : tu n’es qu’un pluvialiste ! Pluvialiste ? Non, mais réaliste, certainement. Sédévacantiste ? Non, mais catholique, certainement.

 

Le seul qualificatif que je revendique est celui de catholique, et catholique romain. Avec la grâce de Dieu, je n’ai pas d’autre volonté, je n’ai pas d’autre doctrine, je n’ai pas d’autre appartenance.

 

Une seconde raison me fait grandement hésiter à accepter une qualification de ce genre, c’est l’extrême variété de positions et d’opinions que regroupe cette étiquette mal ajustée. Les sédévacantistes affirment l’actuelle et provisoire absence d’autorité pontificale, mais cela ne leur suffit pas pour échapper à la conséquence inéluctable de cette absence : la dispersion. « Je frapperai le Pasteur, et les brebis seront dispersées » (Matth. XXVI, 31).

 

On trouve donc un peu de tout chez les sédévacantistes, et c’est là un nom tout à fait insuffisant pour identifier ce que je crois être l’attitude pleinement catholique face à la crise de l’Église. Car il y a deux lignes de fracture qui partagent les sédévacantistes, lignes qui marquent des divergences très graves à propos desquelles je veux « prendre parti » autant (sinon davantage) que pour l’affirmation de l’absence d’autorité :

– d’une part je refuse tout sacre épiscopal accompli sans mandat apostolique (et donc tout sacre avant la restauration de l’Autorité) ainsi que tout ce qui en découle (confirmations, ordinations etc.) ;

– d’autre part, je refuse de considérer comme non catholiques, comme hors de l’Église, les personnes qui professent la foi catholique mais qui sont en désaccord avec ce que je crois être la vérité et la ligne de conduite catholiques : je n’ai aucun titre à leur refuser les sacrements pour ce seul motif, ni d’ailleurs à accepter leurs erreurs ou à me taire à leur propos.

 

Ensuite, c’est la troisième raison de tempérer mon oui, j’éprouve une sympathie, je donne une adhésion à ce qu’on nomme (d’un terme bien malheureux à mon avis) la thèse de Cassiciacum. J’adhère surtout à son principe fondamental : l’intention théologale. Quand le R. P. Guérard des Lauriers a élaboré cette thèse pour rendre compte de la situation de l’Église, il a mis en œuvre le principe adéquat : devant une crise dont l’ampleur et la profondeur obligent à remettre en cause l’existence de l’autorité pontificale dans un sujet paraissant en jouir (pour une autre cause que l’invalidité de l’élection), il faut que le regard porté soit vital, qu’il se tienne à l’intérieur même de l’acte de foi théologale : il aura une portée réelle, il fera discerner la vérité, il permettra de conclure.

Autrement dit, il faut affirmer tout ce que la foi catholique nous contraint d’affirmer, nier tout ce qu’elle nous contraint de nier… et s’en tenir là. Recourir à des éléments qui sont d’une certitude d’ordre inférieur – des faits non certifiés, des raisonnements qui n’atteignent pas à cette lumière théologale, des théories théologiques (comme celles sur le Pape hérétique) que l’Église n’a pas intégrées à sa propre doctrine etc. – peut aider à comprendre, peut conforter dans la certitude de la légitimité de la conclusion, mais ne permet pas de conclure catégoriquement.

 

Si cette intention théologale exclut les jugements sur les personnes et les conclusions hasardeuses, elle permet d’atteindre une certitude qui relève de la foi catholique. Ce qu’on « perd » en extension, on le gagne en compréhension. Au demeurant, je n’entends pas prouver la thèse de Cassiciacum, mais exposer en quel sens je suis sédévacantiste.

 

Une précision s’impose cependant. Le Père Guérard des Lauriers, tant en raison de son principe qu’en raison de son argument (induction fondée sur l’ensemble des actes de Vatican II-Paul VI) a usé de la distinction pape materialiter-Pape formaliter qui est au cœur de sa thèse. Cette distinction doit être « mise à jour » : le materialiter attribué Paul VI incluait une réalité juridique du fait qu’il était le sujet canoniquement élu. Mais par la suite, l’élection a disparu avec la disparition des cardinaux (les nouveaux nommés ne l’étant pas vraiment parce que la nomination est un acte de juridiction). Le materialiter qu’on peut attribuer à Benoît XVI est beaucoup plus ténu : il ne reste rien de l’ordre juridique, il ne reste qu’un fait public (l’être-là) qui n’est qu’une disposition prochaine à être reconnu par l’Église universelle en cas de rupture avec la nouvelle religion de Vatican II. Il y a encore une continuité (qui n’est pas sans incidence sur l’apostolicité de l’Église) mais cette continuité est une continuité en puissance.

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16 mars 2010 2 16 /03 /mars /2010 15:52

Bref Sæpenumero considerantes du Pape Léon XIII à propos des études historiques.

Après l’invasion sacrilège des États pontificaux et la honteuse spoliation du Saint-Siège (1871), la situation italienne est très difficile : en signe de protestation, les papes sont prisonniers volontaires dans le palais du Vatican ; le Saint-Siège a demandé aux catholiques italiens de se retirer de la vie publique, le gouvernement usurpateur siège au Capitole.

Au surplus, pour se justifier et poser en sauveur de l’Italie, la secte multiplie les attaques contre la sainte Église en général, et contre les Pontifes romains en particulier. Elle a appelé les historiens à la rescousse, afin qu’ils exposent combien la Papauté a été corrompue tout au long de l’histoire, combien la présence du Siège apostolique a été néfaste à l’Italie, combien les Papes ont usurpé le pouvoir dont ils ont joui et abusé jusqu’à récemment.

C’est contre le déferlement de ces calomnies éhontées que s’élève Léon XIII (1810-1878-1903), dénonçant la manœuvre et se proposant de stimuler les études d’histoire, afin que soit remise en honneur et solidement établie la vérité historique, qui est toute différente. Le Pape, au passage, rappelle la grandeur et les lois de la science historique, ainsi que les obligations des historiens. Ce n’est pas le moindre intérêt de ce bref qui semble bien être le premier document pontifical directement consacré à l’histoire. Plus tard, Pie XII y consacrera plusieurs discours.

L’histoire est un des grands domaines où s’affrontent les deux étendards, celui de la vérité et celui du mensonge, celui de Jésus-Christ et celui de Lucifer.

La sainte Église trouve dans l’histoire les preuves de son origine et de sa mission divines, les marques de la volonté miséricordieuse de Dieu sur la pauvre humanité, les exemples des saints et de nos prédécesseurs dans la foi catholique, les leçons salutaires du passé dont nous pouvons, avec un peu d’attention, tirer grand bénéfice.

Aussi, à l’inverse, le monde et son prince se servent de l’histoire pour cacher Dieu et ses œuvres, pour perpétuer les péchés et les injustices, pour entretenir la haine et la discorde, pour fabriquer des idoles et de fausses raisons de vivre et de mourir. Ils ont donc fait de l’histoire un recueil de blasphèmes et de mensonges.

Voilà pourquoi il est de grande importance d’entendre l’enseignement salutaire de l’Église.

Sæpenumero considerantes 

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21 janvier 2010 4 21 /01 /janvier /2010 05:37
Dans la revue La Cigale de Saint-François (*) n°27 (janvier 2010), figure en bonne place un article susceptible d'intéresser le lecteurs de Quicumque. Cette « Chronique de l'oncle Armand » rappelle quelques vérités souvent méconnues à propos du mérite. En voici le texte intégral, avec le consentement de son auteur.

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 (*) cigaledesaintfrancois@gmail.com. Voyez ici la présentation de cette modeste mais vaillante revue spécialement destinée aux familles catholiques.
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« Mais, oncle Armand, puisque c’est facile, il n’y a pas de mérite à le faire ! » Voilà une phrase, très chers neveux et nièces, qu’un oncle digne de ce nom ne peut laisser passer sans relever la confusion qu’elle recèle. Car c’est une confusion très répandue, qui souvent s’exprime d’une façon symétrique : puisque c’est difficile, c’est méritoire.

Il peut, bien sûr, exister une qualité spéciale dans une action difficile, mais le mérite n’en découle ni directement ni nécessairement. Piller une banque est affaire difficile, risquée, demandant une préparation minutieuse : ce n’est pourtant pas méritoire !

Il faut donc, pour bien comprendre, rappeler quelques vérités du catéchisme. Cela ne fera de mal ni à vous, ni à moi : nous nous laissons tellement user par les erreurs qui courent le monde qu’il faut sans cesse revenir à l’enseignement de la raison droite et de la foi catholique. Sans cela on finit par ne plus rien comprendre et à se laisser entraîner dans le laisser-aller de l’intelligence – celui qui est le pire de tous.

Le mérite est le droit à une récompense. Faire une action méritoire, c’est acquérir le droit d’en être récompensé.

On peut parler, bien entendu, un certain mérite d’ordre naturel, qui découle soit de la nature des choses (la satisfaction d’avoir accompli son devoir, la reconnaissance de ceux qu’on a aidés) soit d’une promesse ou d’un contrat (tout ouvrier mérite son salaire) ; mais c’est de façon impropre.

Car le véritable mérite, le mérite au sens strict, c’est celui qui est accordé à notre fin dernière réelle, c’est le mérite surnaturel : celui qui nous donne droit à la gloire céleste…

— Mais, comment peut-on avoir droit à ce qui vient de Dieu, puisqu’il donne tout gratuitement, puisque devant lui nous ne sommes rien ?

— Il est bien vrai que tout don de Dieu est gracieux, et que nulle créature ne saurait le revendiquer. Mais Dieu a établi un ordre des choses, il a fait des promesses : et donc à l’intérieur de cet ordre, nous pouvons mériter ce que Dieu a promis.

Et l’ordre établi par Dieu, c’est celui de la charité, c’est celui de l’amour surnaturel et souverain que nous devons porter à Dieu en retour de celui qu’il nous donne avec une infinie surabondance.

Ce qui fait donc le mérite d’une action, c’est la charité : la charité que possède celui qui fait l’action, la charité qu’il met dans l’action qu’il accomplit.

Pour mériter, il faut donc être en état de grâce. Celui qui est en état de péché mortel peut faire une action bonne, mais il ne peut pas faire d’action méritoire. Remarquez au passage qu’on ne peut donc pas mériter d’être en état de grâce (ce serait contradictoire) : le Salut éternel, la Foi, l’Espérance et la Charité sont des dons divins non seulement gratuits mais immérités de notre part (mérités cependant par la Rédemption de Jésus-Christ). Ils sont donc infiniment précieux, et nous devons mettre toute notre énergie, tout notre amour, toute notre prière pour ne pas les perdre, car il nous serait impossible de mériter de les recouvrer.

— Mais que deviennent les mérites de celui qui commet un péché mortel ?

— Ils sont perdus : non seulement le malheureux ne peut plus mériter, mais il perd tous ses mérites antérieurs. Il ne lui reste que la prière, car l’efficacité de la prière repose non sur le mérite, mais sur la promesse divine.

— Tout ce qu’il a fait auparavant ne lui sert donc de rien ?

— Les mérites qu’il avait acquis avant son péché ne lui serviront à rien s’il ne se convertit pas : il ne les emportera pas en Enfer. S’il se convertit (par la grâce de Dieu qu’il doit implorer dans la prière et aller chercher dans le sacrement de Pénitence), ses mérites lui seront rendus, plus ou moins selon la ferveur de sa conversion. La planche de salut du pécheur, c’est donc la prière – et spécialement la prière à la sainte Vierge Marie, médiatrice de toute grâce ; par elle, il obtiendra de la miséricorde divine la conversion, et la ferveur de cette conversion.

Venons-en à la seconde condition pour qu’une action soit méritoire : il faut que cette action soit bonne. Et pour qu’une action soit bonne, il faut qu’elle le soit dans son objet, dans l’intention qu’on y met, dans les circonstances au milieu desquelles on l’accomplit. S’il manque une de ces trois « bontés », l’action n’est pas bonne. Par exemple, si je fais une aumône par vanité, pour être vu du prochain, l’objet est bon, l’intention ne l’est pas : l’action n’est pas bonne. Si je prends un bain en public, l’objet est peut être bon, les circonstances en font un grave scandale.

L’action doit donc être bonne… et c’est tout ! Toute action bonne accomplie en état de grâce est méritoire. L’intensité du mérite proviendra de trois sources : la charité que possède celui qui fait l’action, la charité qu’il met dans l’action qu’il accomplit, le rapport de l’action elle-même avec la charité divine.

C’est ainsi que les actions les plus simples accomplies par la sainte Vierge Marie au cours de sa vie terrestre étaient plus méritoires que la mort des martyrs ou la persévérance des solitaires : parce que sa charité était plus grande, surpassant celle de toutes les créatures.

C’est ainsi encore que la difficulté d’une action peut être l’occasion du mérite, parce qu’elle force d’y mettre plus de cœur, plus de charité actuelle, plus de pureté d’intention. Comme vous le voyez, cette difficulté est occasion de mérite, elle n’en est pas la cause. Il faut donc savoir en profiter pour intensifier notre amour de Dieu, il ne faut pas imaginer que lorsqu’on a surmonté quelque difficulté, on a automatiquement mérité davantage.

Pour éclairer et compléter mon propos – et pour m’abriter – voici ce qu’en dit un grand théologien commentateur de saint Thomas d’Aquin, le cardinal Louis Billot :

« L’acte méritoire est d’autant plus méritoire qu’il est informé par la charité, qu’il procède d’une volonté mieux disposée, et qu’il a pour objet un bien plus parfait… Mais il faut observer avec soin que parmi les conditions qui confèrent un accroissement de mérite, il ne faut pas compter la difficulté de l’œuvre entreprise. Et la raison en est que cette difficulté, en soi et par elle-même, n’ajoute rien au mérite. Si elle ajoutait quelque chose en soi et par elle-même, il s’ensuivrait que plus quelqu’un avance en vertu et par là éprouve moins de difficulté à vivre surnaturellement, moins il mériterait devant Dieu. Or, quoi de plus absurde qu’une telle affirmation, puisque c’est le contraire qui est évidemment vrai ? Donc, la difficulté dans l’œuvre accomplie ne peut ajouter au mérite qu’en raison d’autres considérations. Et tout revient, en somme, à l’une des conditions énumérées plus haut. Tout d’abord, la difficulté éprouvée peut ajouter au mérite parce que, la plupart du temps, elle indique un bien meilleur : quia quanto aliquid melius est, dit saint Thomas, tanto supra vires hominis operantis est elevatum. Ensuite, parce que, toutes choses égales d’ailleurs, elle requiert une volonté plus parfaitement disposée : quia in id quod difficile est, majori attentione aliquis consurgit, et cum majori conatu voluntatis (Sent., II, dist. 29, q. 1, a. 4). Mais, est-il besoin de le redire, l’acte n’est pas plus ou moins méritoire, précisément parce que plus ou moins difficile. » (De Gratia, thèse XX, § 3, p. 27l).

Ah, mes très chers ! ce que je vous écris là vous semblera un peu difficile (est-ce méritoire ?), mais faites-vous l’expliquer par qui sait lire et comprendre ce qu’il lit (c’est une race en voie de disparition). Surtout ne dites plus qu’une action est méritoire parce qu’elle est malaisée : c’est parce qu’elle est faite avec l’amour du Bon Dieu qu’elle mérite une récompense dans le beau Ciel auquel nous aspirons tous. Allez, je vous embrasse, ce n’est pas difficile et j’y mets tout le mérite possible. 
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30 décembre 2009 3 30 /12 /décembre /2009 12:29
Le dix-neuvième siècle, en triste héritier de la Révolution, a vu se répandre une vaste entreprise de démolition du saint Mariage. Les perversions que nous voyons maintenant tenir le haut du pavé et triompher n'en sont que les ultimes conséquences : « Ôtez le surnaturel, disait Chesterton, il reste tout ce qui n'est pas naturel. »

Le Pape Léon XIII, à la suite de Pie IX, s'est élevé avec force contre la profanation du sacrement et le renversement de l'ordre naturel : il le fait dans son encyclique Arcanum divinæ Sapientiæ du 10 février 1880, où la doctrine catholique est abondamment justifiée et lumineusement exposée.

C'est une lecture des plus salutaire et instructive.

Je saisis l'occasion de cette publication pour présenter mes meilleurs vœux aux lecteurs réguliers ou occasionnels de Quicumque : je souhaite pour nous tous que l'année nouvelle soit toute illuminée de la grâce de Noël et remplie de la douce paix que Notre-Seigneur est venue répandre dans nos âmes, afin de faire de nous des combattants : cela semble contradictoire, et c'est pourtant la gageure quotidienne de toute vie vraiment chrétienne. La foi méditée et active, le zèle pour la sainte Église catholique et l'amour de la sainte Vierge Marie nous la feront réaliser.

Arcanum divinæ Sapientiæ
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3 décembre 2009 4 03 /12 /décembre /2009 17:03
Les encycliques pontificales, comme nombre de documents importants, sont souvent victimes de leur notoriété : on a entendu parler du thèmes qu'elles traitent, on en connaît deux ou trois idées maîtresses, et on néglige de les lire, de les étudier, d'en tirer profit.

L'encyclique de Pie XI Casti Connubii fait partie de ces victimes : on sait qu'elle traite du mariage chrétien et puis... plus rien.

Et c'est grand dommage, car le Pape a écrit là un admirable texte qui est une synthèse et une mise en lumière de l'institution fondamentale de l'ordre social : le mariage, et la famille qui en découle. Il en étudie, à la lumière de la Révélation divine et de la droite raison, la nature, les propriétés et les obligations. Puis il montre combien la société moderne et la mentalité contemporaine sont une immense conspiration contre la sainteté du mariage : les conséquences en sont gravissimes tant pour le salut éternel des âmes que pour la santé et la stabilité de la société.

C'est donc à une [re]-lecture que je vous invite : si vous êtes engagé dans l'état de mariage, il est de votre devoir d'en connaître  la doctrine et ses applications ; si vous vous y destinez, alors cette lecture sera une préparation salutaire, le prélude d'une vie heureuse, et un avertissement contre la dénaturation du mariage par laquelle il est si facile d'être impressionné tant elle est omniprésente.

Lisez la plume à la main et la prière au cœur ces paroles pontificales qui expriment avec tant de précision et d'autorité souveraine la doctrine de l'Église, reçue de Dieu pour sa gloire et notre salut.

Casti Connubii 
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17 novembre 2009 2 17 /11 /novembre /2009 10:57
En mai 2007, Quicumque vous annonçait la naissance d'une revue pour les familles intitulée La Cigale de Saint-François. Ladite revue se porte bien, merci : elle a publié son 25e numéro (sans compter deux numéros spéciaux pour l'été).

Précisément, ce numéro 25  recèle un concours organisé en faveur des âmes du Purgatoire, auquel tout le monde peut participer. C'est donc l'occasion, non seulement de renouer avec La Cigale, mais encore d'œuvrer pour les saintes âmes qui attendent nos suffrages.

En voici donc la teneur.

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CONCOURS POUR LES ÂMES DU PURGATOIRE

 

Jusqu’au 30 novembre 2009, la Cigale de Saint-François organise un petit concours dont la raison d’être est triple :

– la première est de réunir quelques honoraires de Messes qui seront célébrées pour les saintes âmes du Purgatoire. Voilà pourquoi c’est un concours payant (mais oui !) : participer vous coûtera 3,92 euros (sous la forme de 7 timbres à 0,56 ou bien par virement ou chèque) : cela ne vous ruinera pas, et vous fera prendre part à l’une des meilleures bonnes œuvres qui soit ; vous serez tenu informé du nombre et de la date des saintes Messes que, ensemble, nous aurons ainsi fait célébrer ;

– la seconde est de vous proposer un moment d’intense fermentation intellectuelle qui vous fera le plus grand bien, et qui vous détendra agréablement ;

– la troisième est d’avoir le plaisir de distribuer de jolis prix.

Invitez vos amis : copiez généreusement ce formulaire et distribuez-le autour de vous ! Chacun peut concourir séparément et autant de fois qu’il le veut ! 

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CONCOURS A pour les moins de 15 ans (inclus)

Les concurrents, désignés par le sort, recevront un joli prix (un prix en jeu pour dix bulletins gagnants). Le prix sera adapté à leur âge ; aussi nous leur demandons de bien vouloir faire connaître leur date de naissance.  ! Pour pouvoir être tiré au sort, il faut répondre juste aux trois questions. Bien sûr, tout le monde peut vous aider, si vous n’y arrivez pas ! 

1. La machine à réparer

Il faut absolument réparer cette machine à écrire ! Trois lettres ne marchent jamais et, pour comble de malheur, la barre d’espacement aussi. Ainsi, quand la fourmi a voulu copier un texte pour sa chère amie la Cigale, voici ce qu’il en résulte : 

·in··ent·in·uante·in··ui··e··e·a··i·e··urle·bord·duMi··i··ipi

Avouez que c’est incompréhensible. Cependant nous comptons sur vous pour reconstituer le texte entier. Si vous trouvez que c’est trop difficile, lisez ce qui suit : Il manque en tout 24 lettres dont 17 fois la même, 4 fois une autre et 3 fois une autre. 

2. Indulgences

Quelle indulgence gagne-t-on en faisant le signe de la Croix sans eau bénite et en disant : « Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. »

- une indulgence de 7 ans et 7 quarantaines ?
- une indulgence 3 ans ?
- 300 jours d’indulgence ? 

3. Mots en triangle : Les définitions sont valables dans les deux sens.

 

¨¨¨¨¨¨¨   Air inspirant le respect

¨¨¨¨¨¨   Prénom féminin

¨¨¨¨¨   Format de papier

¨¨¨¨   Choisis

¨¨¨   Situé

¨¨   Dans les règles

¨   Voyelle
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CONCOURS B pour tous ceux au-dessus de 15 ans

Trois prix seront attribués à ceux totalisant le plus de points.

Les ex-aequo seront départagés par le sort.

 

1. Les métiers (25 points)

Reconstituez le nom d’un métier ou d’un art, en replaçant les lettres de chaque numéro dans l’ordre nécessaire. Avec les premières lettres des dix noms trouvés, reconstituez le nom d’un onzième métier. Exemple : BRU ENOCH vous donnera bûcheron. 

1. LAIT PEU CRU

2. INRI MEUSE

3. MURI PRIME

4. TANGO NICE

5. RONDO ECRIN

6. GIN RUINEE

7. LAIT TRUC VUE

8. SUCRE REMI

9. VAUT GRAINE

10. ÉTAT GLAISE 

2 points pour chacun des 10 premiers noms trouvés, et 5 points pour le dernier. 

 

2. Indulgences (5 points)

Quelle indulgence gagne-t-on en récitant le chapelet devant le S.-Sacrement ?

- une indulgence de 7 ans et 7 quarantaines ?
- une indulgence plénière ?
- 500 jours d’indulgence ? 

Adresse pour la réponse : 

ASJ - LA CIGALE

B.P. 11

F - 33490  SAINT-MACAIRE

Participation : 3,92 euros  par bulletin-réponse

Clôture du concours : 30 novembre 2009

Bonne chance ! Soyez nombreux ! 
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7 novembre 2009 6 07 /11 /novembre /2009 09:50

En réponse à la question d’un lecteur, l’Ami du Clergé (1922, pages 289 à 296) a publié une chronique de grand intérêt dont on trouvera ici le texte. Les deux coupures qui y sont notées ne suppriment que des nomenclatures de références aux publications antérieures de l’Ami du Clergé.

L’intérêt et l’abondante documentation de cet article n’empêche pas qu’il réclame – à mon humble avis – quelques précisions ou corrections : j’en ai placé quelques-unes en notes dûment identifiées, et j’en donne une plus générale ci-dessous.

Bonne, sainte et instructive lecture qui nous rappelle que nous sommes ici bas dans la nécessité de combattre : par les armes surnaturelles de la foi, de la prière et des sacrements ; et aussi par les armes naturelles de l’effort, de la vigilance et de la persévérance.

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Faisons abstraction de la restauration de la nature accomplie par voie surnaturelle de Rédemption ; faisons aussi abstraction du fait que cette restauration est pour partie volontaire, laborieuse, progressive, et objet de prière et de vertu. Il reste que l’état de la nature humaine après le péché originel est celui d’une nature déchue ; elle est déchue non seulement par comparaison avec l’état antérieur de perfection liée à la justice originelle, mais aussi par comparaison avec la « pure nature » qui, bien que n’étant qu’hypothétique comme état concret séparé, demeure cependant toujours réelle et sous-jacente.

Autrement dit, le dépouillement subi par la nature – étant l’effet d’une séparation violente – a le caractère d’une véritable détérioration : il n’aboutit pas à la nature simplement nue, mais à une nature affaiblie et blessée. La nudité de la nature dépouillée ne contredit à pas son intégrité : elle est toujours ordonnée à son propre bien ; mais voilà qu’elle est devenue inclinée en sens inverse, incapable de se procurer l’intégralité de son bien naturel par ses propres forces [1]. La nature déchue est donc non seulement une nature dépouillée ; elle est aussi, par le seul fait du dépouillement, une nature véritablement détériorée : les canons du concile d’Orange en attestent sans que le moindre doute soit possible, et le concile de Trente le confirme solennellement. C’est là une vérité qu’on ne peut diminuer sans une grande témérité [2].

Cette détérioration n’est pas l’effet d’une corruption intrinsèque : affirmer une telle corruption serait admettre un changement dans la constitution même de la nature de l’homme, ce qui est une grave erreur. La nature demeure intègre en chaque individu, intelligente, libre, responsable, capable du vrai et du bien naturels, capable de connaître avec certitude le vrai Dieu par ses seules lumières, et capable de l’aimer.

Mais elle est détériorée par le désordre qui règne entre ses facultés : intelligence, volonté, appétits sensibles. Celles-ci n’ont pas changé de nature ni d’objet ; mais l’objet des facultés supérieures – intelligence et volonté – subit un « éloignement » (qui le rend plus ardu) à cause d’une double déficience qui relève des deux causes extrinsèques (finale et efficiente) :

– d’abord parce qu’il n’y a plus l’attraction d’une véritable fin dernière, puisqu’en raison de notre élévation à l’ordre surnaturel la nature n’a pas de fin concrète indépendante de la fin surnaturelle – dont la nature déchue est séparée ;

– ensuite parce que le sujet qui opère par cette nature (nous !) est aussi sujet de volontarisme aveuglant et de passions désordonnées qui s’interposent entre les facultés et leur objet : soit en tendant à les détourner de l’objet contraignant, soit en tendant à en gauchir l’exercice dans le sens de l’égoïsme, de la sensualité ou du caprice.

Cette véritable détérioration (qui ne l’a ressentie ?) a un caractère de châtiment ; elle est en outre la porte ouverte à l’action du démon – qui n’en obtient pas pour autant de pouvoir direct sur la volonté humaine, mais qui trouve une efficace ambassade dans les quatre blessures de la nature qu’énumère saint Thomas d’Aquin (ignorance, malice, faiblesse, concupiscence) ; elle est occasion de lutte et de mérite ; enfin elle est atténuée et partiellement corrigée par la vertu.

Cette détérioration ne sera définitivement corrigée – pour les élus – qu’à la résurrection des corps, laissant place à un état naturellement et surnaturellement bien supérieur à celui qui avait été perdu par le péché : la vision directe et béatifiante de Dieu Trinité (et l’amour qui l’accompagne nécessairement) dans la gloire du Corps mystique de Jésus-Christ, et la possession d’un corps glorieux à l’instar du corps physique de Jésus-Christ ressuscité, Fils éternel de Dieu à qui soient louange et adoration pour les siècles des siècles.

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[Note 1] C’est ainsi que par les forces de la nature déchue laissée à elle-même, l’homme peut observer chacun des commandements de Dieu (rappelons que le Décalogue est le résumé de la loi naturelle) mais il est incapable de tous les observer simultanément. C’est une situation tragique : il est coupable de chacun des manquements (puisqu’il aurait pu observer le commandement auquel il a manqué) et pourtant il est incapable de ne point pécher. Pour sortir de cette impasse (et plus encore pour recouvrer la grâce divine et le chemin du Ciel), il lui faut un Rédempteur et une Rédemption…

[Note 2] « Comment cela s’est fait ? Un mot des psaumes nous donne l’explication de l’énigme :
Diminutæ sunt veritates (Ps. xi, 2). Les vérités ont été diminuées. Les enfants des hommes, suivant l’énergique expression de l’Apôtre, eurent aux oreilles une démangeaison, une démangeaison d’entendre du nouveau, et il surgit des docteurs nouveaux, et ils se mirent à dire que le péché d’Adam ne nous avait pas fait un si grand mal, que les grâces de Jésus-Christ n’avaient pas un caractère médicinal si prononcé…

« On alla loin, et très loin, et trop loin dans cette voie. Exemple : le saint concile de Trente prononce l’anathème contre qui dira que par le péché d’Adam l’homme n’a pas été détérioré selon son corps et selon son âme (session v, canon 1). Et il n’y a pas longtemps nous lisions, dans une publication dévote, au sujet du péché originel, cette assertion incroyable : « Gardez-vous d’y voir une détérioration de la nature ! »

« Certes, on a fait du chemin depuis le concile de Trente. Alors la nature était détériorée, aujourd’hui on nous dit pieusement : Gardez-vous d’y voir une détérioration ! Ce qui était hérésie il y a trois siècles est aujourd’hui devenu de la piété.

« Comment a-t-on pu parcourir un tel chemin ? La voie des nouveautés fut ouverte par les docteurs de la grâce, par les théologiens ; profitant habilement de leurs concessions, les docteurs de la nature, les philosophes arrivèrent et tirèrent bravement toutes les conséquences des principes nouvellement admis, et les choses en vinrent au point où nous les voyons.

« Le péché originel n’est plus guère que l’absence d’un des ornements de la nature ; la grâce elle-même n’est plus qu’une beauté s’additionnant à d’autres beautés. Le surnaturel, cela fut dit, le surnaturel n’est que le perfectionnement divin de tout ce qu’il y a de pur et de purifié dans la nature. On commença par dire que la chute originelle n’avait pas été si lourde, si profonde, si funeste ; que les plaies n’avaient pas la profondeur, la gravité, l’étendue, qu’on avait cru jadis ; d’autres, enchérissant toujours sur les conquêtes de la science, dirent qu’il n’y avait pas eu de plaies proprement dites. La loi du progrès amena successivement ces assertions : qu’il pouvait bien ne pas y avoir eu de chute, qu’effectivement il n’y en avait pas eu. Avançant ainsi toujours dans la voie que lui avaient ouverte les docteurs en divinité, le naturalisme en profita si bien, qu’aujourd’hui le surnaturel est éliminé, précisément par tout ce qui se croit et se dit pur et purifié dans la nature.

« Vivant au milieu de ces confusions de doctrines naturalistes, les chrétiens du jour ne savent pas assez ni ce qu’ils tiennent d’Adam, ni ce qu’ils doivent à Jésus-Christ. Ils ne sont pas assez chrétiens.

« Quand dans leurs prières de chaque jour ils disent à Dieu : Délivrez-nous du mal !  ils ne croient pas à tout le mal dont ils ont besoin d’être délivrés : ils ne croient pas à toute la puissance nécessaire à leur délivrance. Ils disent à Dieu : Délivrez-nous, et ils s’imaginent, pieusement peut-être, qu’ils effectueront eux-mêmes leur délivrance ; leur illusion est grande, leur prière n’est pas humble.

« Semblablement quand ils disent à Dieu : Que votre règne arrive, ils ne le disent pas avec une pensée en tout conforme à la pensée de Dieu. Pour eux, le règne de Dieu n’est pas chose aussi urgente que le croyait, par exemple, l’auteur du livre de la Cité de Dieu, saint Augustin. Pour eux, le règne de Dieu n’est pas chose d’application immédiate. Ils aimeraient à ne le concevoir que dans la vie future, et en attendant ils trouveraient des moyens naturels d’arranger les choses. Ils sont si habiles, et on les voit faire de si belles choses, en lieu et place du règne de Dieu que les chrétiens de l’Évangile demandent tous les jours à Dieu dans leurs prières. »

Père Emmanuel du Mesnil-Saint-Loup,
Le chrétien du jour et le chrétien de l’Évangile, chapitre 4.

La chute des anges et la chute des hommes 

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