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24 janvier 2006 2 24 /01 /janvier /2006 20:39
Les Papes ont souvent rappelé aux parents chrétiens leurs graves devoirs en matière d’'éducation et de scolarisation de leurs enfants. Voici quelques textes bien caractéristiques du Magistère pontifical.


1. Léon XIII, encyclique Affari vos, 8 décembre 1897, aux évêques du Canada

Car il ne saurait être permis à nos enfants d’'aller demander le bienfait de l’'instruction à des écoles qui ignorent la religion catholique ou qui la combattent positivement, à des écoles où sa doctrine est méprisée et ses principes fondamentaux répudiés. Que si l’'Église l’a permis quelque part, ce n’'a été qu’'avec peine, à son corps défendant, et en entourant les enfants de multiples sauvegardes, qui, trop souvent d'’ailleurs, sont reconnues insuffisantes pour parer au danger. Pareillement, il faut fuir à tout prix, comme très funestes, les écoles où toutes les croyances sont accueillies indifféremment et traitées de pair, comme si, pour ce qui regarde Dieu et les choses divines, il importait peu d'’avoir ou non de saines doctrines, d'’adopter la vérité ou l'’erreur. Vous êtes loin d'’ignorer, Vénérables Frères, que toute école de ce genre a été condamnée par l’'Église, parce qu’'il ne se peut rien de plus pernicieux, de plus propre à ruiner l’'intégrité de la foi et à détourner les jeunes intelligences du sentier de la vérité.

Il est un autre point sur lequel Nous serons facilement d’'accord avec ceux mêmes qui seraient en dissidence avec Nous pour tout le reste : savoir, que ce n'’est pas au moyen d’'une instruction purement scientifique, ni de notions vagues et superficielles de la vertu, que les enfants catholiques sortiront jamais de l’école tels que la patrie les désire et les attend. C'’est de choses autrement graves et importantes qu’'il les faut nourrir pour en faire de bons chrétiens, des citoyens probes et honnêtes : leur formation doit résulter de principes qui, gravés au fond de leur conscience, s'’imposent à leur vie comme conséquences naturelles de leur foi et de leur religion.

Car, sans religion, point d’'éducation morale digne de ce nom, ni vraiment efficace : attendu que la nature même et la force de tout devoir dérivent de ces devoirs spéciaux qui relient l’'homme à Dieu, à Dieu qui commande, qui défend, et qui appose une sanction au bien et au mal. C’est pourquoi, vouloir des âmes imbues de bonnes mœœurs et les laisser en même temps dépourvues de religion, c'’est chose aussi insensée que d’'inviter à la vertu après en avoir ruiné la base.

Or, pour le catholique, il n'’y a qu'’une seule vraie religion, la religion catholique ; et c'’est pourquoi, en fait de doctrines, de moralité ou de religion, il n’'en peut accepter ni reconnaître aucune qui ne soit puisée aux sources mêmes de l’'enseignement catholique.

La justice et la raison exigent donc que nos élèves trouvent dans les écoles, non seulement l’'instruction scientifique, mais encore des connaissances morales en harmonie, comme Nous l’'avons dit, avec les principes de leur religion, connaissances sans lesquelles, loin d’'être fructueuse, aucune éducation ne saurait être qu’'absolument funeste. De là, la nécessité d’'avoir des maîtres catholiques, des livres de lecture et d’'enseignement approuvés par les évêques, et d’'avoir la liberté d’'organiser l’école de façon que l’'enseignement y soit en plein accord avec la foi catholique, ainsi qu'’avec tous les devoirs qui en découlent.

Au reste, de voir dans quelles institutions seront élevés les enfants, quels maîtres seront appelés à leur donner des préceptes de morale, c’'est un droit inhérent à la puissance paternelle. Quand donc les catholiques demandent, et c’'est leur devoir de le demander et de le revendiquer, que l’'enseignement des maîtres concorde avec la religion de leurs enfants, ils usent de leur droit. Et il ne se pourrait rien de plus injuste que de les mettre dans l'’alternative, ou de laisser leurs enfants croître dans l'’ignorance, ou de les jeter dans un milieu qui constitue un danger manifeste pour les intérêts suprêmes de leurs âmes.

Ces principes de jugement et de conduite, qui reposent sur la vérité et la justice, et qui sont la sauvegarde des intérêts publics autant que privés, il n'’est pas permis de les révoquer en doute ni de les abandonner en aucune façon.


2. Pie XI, encyclique Divini illius Magistri, 31 décembre 1929

Il est nécessaire, d’'une part, que les nouvelles générations soient instruites dans les arts et les sciences qui font la richesse et la prospérité de la société civile ; d’'autre part, la famille est incapable par elle-même d'’y pourvoir suffisamment. De là est sortie l’'institution sociale de l'’école. Mais qu’'on le remarque bien, ceci se fit d'’abord par l’'initiative de la famille et de l'’Église bien avant l’'intervention de l’'État. À ne considérer donc que ses origines historiques, l’'école est de sa nature une institution auxiliaire et complémentaire de la famille et de l'’Église ; partant, en vertu d’'une nécessité logique et morale, l’'école doit non seulement ne pas se mettre en contradiction, mais s’'harmoniser positivement avec les deux autres milieux, dans l’unité morale la plus parfaite possible, de façon à constituer avec la famille et l’'Église un seul sanctuaire consacré à l’'éducation chrétienne. Faute de quoi elle manquera sa fin, pour se transformer, au contraire, en œœuvre de destruction.

Cela a été manifestement reconnu même par un laïque, de grande réputation pour ses écrits pédagogiques, où tout n'’est pas à approuver, entachés qu'’ils sont de libéralisme. Il s’'exprime ainsi : « L'’école, si elle n'’est pas un temple, devient une tanière ». Et encore : « Quand la formation littéraire, la formation sociale, ou domestique, ou religieuse ne sont pas en parfait accord, l'’homme est sans bonheur et sans force » [Nic. Tommaseo,
Pensieri sull’ educazione, parte I. 3, 6].

[...…] Ainsi donc, le seul fait qu’'il s'’y donne une instruction religieuse (souvent avec trop de parcimonie) ne suffit pas pour qu’'une école puisse être jugée conforme aux droits de l’'Église et de la famille chrétienne, et digne d’'être fréquentée par les enfants catholiques. Pour cette conformité, il est nécessaire que tout l’'enseignement, toute l’'ordonnance de l'’école, personnel, programme et livres, en tout genre de discipline, soient régis par un esprit vraiment chrétien, sous la direction et la maternelle vigilance de l’Église, de telle façon que la religion soit le fondement et le couronnement de tout l’'enseignement, à tous les degrés, non seulement élémentaire, mais moyen et supérieur. « Il est indispensable, pour reprendre les paroles de Léon XIII, que non seulement à certaines heures la religion soit enseignée aux jeunes gens, mais que tout le reste de la formation soit imprégné du parfum de la piété chrétienne. Sans cela, si ce souffle sacré ne pénètre pas et ne réchauffe pas l'’esprit des maîtres et des disciples, la science, quelle qu'’elle soit, sera de bien peu de profit ; souvent même il n’'en résultera que de sérieux dommages » [
Militantis Ecclesiæ, 1 août 1897].


3. Pie XII. Allocution aux jeunes de l’'Action catholique italienne, 20 avril 1946.

Le cri que vous avez lancé Sauvons l'’enfant, exprime en ce temps les inquiétudes et les espoirs du présent, mais par-dessus tout ses nécessités impérieuses et urgentes.

Autour de l’'enfant gravitent toutes les questions vitales, toutes les valeurs essentielles : le mariage et la famille, l’'épouse et la mère, l’'éducation et la moralité publique. Là où ces questions sont résolues selon la loi divine et l'’esprit chrétien, là où ces valeurs capitales sont protégées et défendues, là également l'’enfance et la jeunesse sont sauves. Mais en revanche, là où les forces de la dissolution et de la perversion s’'emparent des enfants, les tristes conséquences ne tardent pas à se manifester. Elles se montrent déjà par trop jusque dans les petits et les adolescents. Ne les voit-on pas chaque jour ? N’a-t-on pas constamment sous les yeux le spectacle angoissant d'’une jeunesse en grande partie déjà gâtée, contaminée, prête à transmettre, en vertu des lois tragiques de la nature, son infection physique et morale aux générations futures ?

[...…] L'’histoire signale invariablement comme élément précurseur des grandes catastrophes, non seulement économiques et politiques, mais également et principalement spirituelles et religieuses, la décadence de la moralité publique, la corruption des mœœurs qui s'’installe effrontément en souveraine et vise à séduire surtout les jeunes générations. L’'expérience présente ne fait que confirmer les leçons de l’'histoire. Nous ne Nous lassons pas de dénoncer, en toute occasion qui se présente à Nous, au moins trois des formes plus redoutables du monstrueux Moloch qui moissonne tant de victimes :
le divorce, l’'école sans Dieu, l’'immoralité de la littérature et des spectacles. Des mères dénaturées n'’hésitent pas à conduire des petits garçons et des fillettes à des représentations et à des « revues » les plus lascives !

Sans doute, même dans une jeunesse ainsi entourée d’'embûches, il y a toujours des miracles de la grâce, des héros et des saints victorieux de toutes les séductions et des appâts du monde qui les entoure. Mais ces miracles sont rares, et ces héros et ces saints sont l’'exception. Ce serait une illusion fatale de croire que de telles exceptions puissent devenir la règle générale sans une amélioration des conditions publiques, et il serait injuste de vouloir attribuer aux déficiences du ministère pastoral toute la responsabilité des ruines spirituelles que, dans les enfants et les adolescents de 6, de 10, de 15 ans, produisent comme inévitablement l’'influence continue de l’école areligieuse ou antireligieuse, les dangers de la rue, l'’air moralement malsain ou peut-être même corrompu de l’'usine et de l'’atelier. Dans l’'ordre naturel des choses disons mieux : selon les dispositions de la Providence divine, – l'’enfant doit naître et croître dans le climat salubre d’'une famille et d’'une société chrétienne et s’y' développer progressivement jusqu’'à ce qu'’il atteigne la maturité qui le rende capable, à son tour, de maintenir, propager et perfectionner un ordre social juste et chrétien.


4. Pie XII, radio-message à la clôture de la Journée de la famille en Italie, 23 mars 1952.

La famille est le berceau où naît et se développe la vie nouvelle, qui a besoin, pour ne pas périr, d’'être soignée et éduquée – c'’est là un droit et devoir fondamental, donné et imposé immédiatement par Dieu aux parents. L'’éducation dans l’'ordre naturel a pour contenu et but le développement de l'’enfant pour devenir un homme complet ; l’'éducation chrétienne a pour contenu et but la formation du nouvel être humain, régénéré par le Baptême, pour en faire un parfait chrétien. Une telle obligation, qui fut toujours une réglé et un honneur pour les familles chrétiennes, est solennellement prescrite par le canon 1113 du Code de droit canon, qui déclare : «
Parentes gravissima obligatione tenentur prolis educationem tum religiosam et moralem, tum physicam et civilem pro viribus curandi, et etiam temporali eorum bono providendi. Les parents ont la très grave obligation de veiller selon leurs moyens à l’'éducation religieuse et morale, physique et civique de leurs enfants, et de pourvoir également à leur bien-être temporel ».


5. Enfin – et surtout – il faudrait citer l’allocution de Pie XII Davanti a questa aux mères de famille italiennes, du 26 octobre 1941. Elle est d’'une grande importance, et tout serait à citer : cela serait trop long. Aussi on pourra s’'en procurer le texte ici : la lecture en est réconfortante et salutaire.
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24 janvier 2006 2 24 /01 /janvier /2006 11:20
Le Pape Léon XIII affirmait que le degré de christianisme d'’une société se manifeste à la façon dont celle-ci favorise la sanctification du dimanche. D’'où l’'on voit que notre société n'’a plus que de vagues vestiges chrétiens : d’'une part le travail du dimanche s'’étend ; d’'autre part le repos dont beaucoup bénéficient encore est tout orienté vers une profanation du jour saint.

C’est pourquoi il n'’est pas rare d'’entendre la question suivante : « Mes obligations professionnelles me retiennent souvent (ou parfois) le dimanche et m'’empêchent d'’assister à la sainte Messe. Que dois-je faire ? à quoi suis-je tenu ? »

Il vaut la peine de s'’arrêter un peu à cette question, car les principes et les vérités en cause sont nombreux.

L’'obligation de sanctifier le dimanche est une loi divine ; c’'est une obligation qui tient à la nature que nous avons reçue de Dieu (l’'obligation de consacrer un temps suffisant au culte du vrai Dieu), avec une détermination positive – fortement fondée en nature – issue de la loi mosaïque quant à la période (un jour sur sept) et une autre détermination issue de la loi chrétienne quant au jour précis (le dimanche en souvenir de la résurrection de Notre-Seigneur).

L’'obligation d’'assister à la sainte Messe est une obligation que nous avons contractée au Baptême, et qui est devenue effective le jour de nos sept ans (ou le jour de notre première communion si celle-ci a précédé l’'âge de sept ans).

C'’est une obligation grave– sous peine de péché mortel en cas d’'omission – et il faut une raison proportionnée pour en être dispensé. Comme le rappelait le Pape Pie XII le 10 novembre 1940, le sport, la chasse ou les excursions ne sont pas des raisons qui excusent du précepte dominical.

Si l’'on a une raison impérieuse de s'’abstenir de l’'assistance à la Messe, on n'’est pas dispensé pour autant de l’'obligation de sanctifier le dimanche. Car l’'obligation fondamentale est bien celle de sanctifier le dimanche : l'’assistance à la sainte Messe et l’'abstention des œœuvres serviles ou foraines sont les deux moyens obligatoires, mais l’'impossibilité d'’user de l’'un ou de l’'autre de ces moyens ne supprime pas le précepte dominical. On doit donc encore sanctifier la journée du dimanche, en s’'adonnant plus particulièrement à la prière, à la lecture spirituelle, à l'’étude de la sainte doctrine, aux œœuvres de miséricorde, à la vie de famille.

— À la vie de famille ? Qu'’est-ce que vous me chantez-là ?
— Je vous chante que le dimanche, l’'homme doit plus particulièrement se souvenir qu’'il a été créé à l’'image de Dieu –de Dieu qui est esprit, qui est vérité, qui est miséricorde, qui est « famille » ainsi qu'’il nous l'’a révélé dans le mystère de la sainte Trinité. Notons au passage le vice des mouvements de jeunesse qui ôtent les enfants ou les jeunes gens de leur famille précisément le dimanche.

— Suis-je tenu d’'assister à la Messe en semaine, si je n’'ai pu m’'y rendre le dimanche ?
— Il n'’y a pas d'’obligation canonique, puisque le précepte est
ad finiendam obligationem, c'est-à-dire qu'’il cesse quand le temps prescrit est passé (à la différence, par exemple, du précepte de la communion pascale qui continue d’'obliger même si l'’on a dépassé le temps prescrit, et qu'’on dit pour cela ad urgendam obligationem).

Mais il ne faut pas oublier que le précepte canonique est l’'expression d’'une nécessité morale, et que celle-ci demeure. Voilà pourquoi la « compensation » de l'’absence à la Messe dominicale par l’'assistance à la Messe dans le cours de la semaine est hautement souhaitable, davantage encore si l’'absence est fréquente. La vie de l’'âme ne saurait se limiter au respect des lois canoniques (bien qu'’elle le suppose, évidemment).

L'’Église rend obligatoire l’'assistance à Messe dominicale pour de multiples raisons :
– les grâces reçues sont indispensables à la vie chrétienne, à la sanctification, à la persévérance ;
–– l'’offrande d’'un sacrifice est nécessaire à l’'homme et il n’'y a que le Sacrifice de Jésus-Christ qui soit agréable à Dieu et digne de lui ;
–– pour être racheté, nous devons personnellement coopérer à l’'acte même de notre rachat, au sacrifice rédempteur renouvelé et rendu présent sur l’'autel ;
–– notre appartenance à l'’Église de Jésus-Christ doit être exercée, revivifiée et manifestée : cela se fait dans l'’acte le plus haut et le plus saint de la vie de l'’Église.

J'’insiste sur ce dernier point, car il est très important et son oubli (fréquent) fait négliger que nous devons jalousement veiller à la catholicité de la Messe à laquelle nous prenons part : catholicité du rite (conforme à la foi), catholicité du ministre (dans la profession de la foi et dans l'’origine du sacerdoce), catholicité de l'’allégeance.

Le Concile de Trente enseigne que le saint Sacrifice de la Messe est offert par l’'Église par le ministère des prêtres :
ab Ecclesia… per sacerdotes. Assister délibérément à une Messe où l’'on fait allégeance à une fausse « autorité » (à Benoît XVI, pour parler clair) met en péril notre adhésion à la sainte Église catholique, puisque nous participons à l’'offrande censément faite par l’'église una cum Benedicto ; que nous le voulions ou non, nous faisons acte d'’adhésion à cette église qui ne saurait être identifiée à l’'Église catholique.

Il est vraiment triste de constater la fragilité des convictions et de la pratique de ceux qui pourtant, par ailleurs et par grâce de Dieu, refusent tout ce qui corrompt la foi. Il ne faut pas abuser de cette grâce de Dieu, il ne faut pas se laisser aller, il ne faut pas se laisser entraîner par des considérations humaines, par la recherche de la convivialité, de la facilité, de la mondanité. L'’enjeu est trop grave : il s’'agit de la foi, de l’'honneur de Dieu, de notre salut éternel.
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21 janvier 2006 6 21 /01 /janvier /2006 22:51
Dans la situation présente de l’'Église plus qu'’en temps ordinaire, on doit veiller à la vérité et à la catholicité des principes qu'’on professe avec encore plus de rigueur et de vigueur qu'’on ne s'’attache aux conclusions qu'’on en tire bon an mal an. Or c’'est souvent l'’inverse qui se passe, et l’'on est prêt à invoquer des principes faux ou douteux, à les inventer, à les emprunter même aux ennemis de l’'Église, pour parvenir aux conclusions qu’'on estime justes, ou prudentes, ou confortables. C'’est un grand malheur parce que même si la droiture ou l'’inconséquence d’'une personne peuvent momentanément endiguer l’'effet mauvais des faux principes, ceux-ci finiront toujours par porter leurs fruits délétères – et plus tôt et plus profondément qu’'on ne s'’y attend.
C’'est donc un devoir de charité de dénoncer et d’'occire les faux principes, même si ceux qui les utilisent sont des amis, même si ceux qui les professent en tirent illogiquement des conséquences qui sont par ailleurs de bon aloi.
Voici un de ces principes.

On entend parfois ceux qui ne veulent pas se soumettre à telle loi de Pie XII (par exemple), se justifier ainsi : les lois ecclésiastiques tenant leur vigueur de l’'autorité de l'’Église, l’'absence actuelle d’'autorité fait que ces lois n’'ont plus de force exécutoire. Est-ce bien vrai ?

Une telle affirmation me paraît fausse, dangereuse, arbitraire.

Fausse.

L’'Église n'’est pas privée d'’autorité purement et simplement, parce que le chef de l’Église est Jésus-Christ qui demeure dans le ciel et qui continue à maintenir son Église dans son être, dans sa structure, dans sa mission. Notre-Seigneur gouverne par le Pape, mais c’'est lui qui gouverne : « Le divin Rédempteur gouverne son Corps mystique visiblement et ordinairement par son Vicaire sur la terre » (Pie XII, Mystici Corporis). L'’Église demeure donc sous l’'autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, identique à elle-même. L'’Église est en ces tristes jours privée de l’'autorité vicaire du Souverain Pontife – et de tout ce qui en découle. Cette autorité est souveraine dans son ordre, rien ne peut lui être préféré, rien ne peut la remplacer. Mais elle est vicaire.

Cette autorité vicaire lie et délie sur la terre, liant et déliant dans les cieux. Mais ce qu’'elle a lié demeure lié en vertu de l’'autorité fondamentale de l’'Église qui est Jésus-Christ – tant qu'’elle ne le délie pas. Et ce qu'’elle délie sur la terre demeure délié dans les cieux en vertu de l'’autorité de Jésus-Christ – tant qu'’elle ne le lie pas.

Ainsi, lorsqu’'un Pape meurt, le corps des lois ecclésiastiques est figé dans le
statu quo, avec toute sa force exécutoire qui demeure comme émanant de l’'autorité même de Jésus-Christ. Je ne sache pas que quelqu'’un ait jamais prétendu le contraire.

Il y a bien quelques actes qui cessent à la mort de leur auteur (les actes avec une formule du genre
ad beneplacitum nostrum [canon 183 § 2], ou encore les nominations des vicaires généraux [canon 371]). Si l’'Église prend alors le soin de le préciser, c’'est qu'’il n’'en est pas ainsi dans le cas général, qu'’il n'’en est pas ainsi pour les lois, même les lois ecclésiastiques.

Cette affirmation est fausse, donc, parce que l’'Église ne l’'a jamais faite sienne ; parce qu’'elle a toujours agi de façon diamétralement opposée ; parce que ce serait, à chaque interrègne, une anarchie presque totale.

Dangereuse

Un simple exemple suffira à montrer le danger d’'un tel principe. Si aujourd’'hui, gagné par une grande tiédeur, je n’'ai pas envie de réciter mon bréviaire, je pourrais donc me dire : «… Voilà une loi purement ecclésiastique, qui donc n'’a plus de force exécutoire en raison de la privation d'’autorité…... ma conscience peut donc dormir en paix ! » On voit bien que ce n'’est pas sérieux. C’'est d'’autant moins sérieux et plus grave que la frontière entre
droit divin (naturel [selon la nature surnaturelle des choses] ou positif) et droit purement ecclésiastique n’'est pas toujours facilement discernable, loin s'’en faut. Et nous voici en plein libre examen.

Arbitraire

D’'ailleurs, pourquoi limiter l’'application de ce beau principe aux réformes de Pie XII ? Car si les réformes de Pie XII sont des lois ecclésiastiques, c’'est qu'’elles modifiaient des lois ecclésiastiques antérieures. En vertu de quoi ces lois antérieures auraient-elles davantage de force exécutoire ? Leur situation est exactement la même. Et on peut remonter loin comme cela, il n’'y a aucune raison de s’'arrêter.

Il faut refuser d'’entrer dans une telle logique destructrice de toute la vie de l’'Église, qu'’elle soit liturgique ou morale. Car si l’'on n’'admet pas que les lois purement ecclésiastiques demeurent pleinement obligatoires et exécutives, il ne reste plus qu’'un squelette de droit canon et qu’'un squelette de liturgie (ce qui relève du droit divin).

Bien sûr, la situation actuelle fait que certaines lois –– celles qui ont besoin de la présence actuelle de l’'Autorité pour atteindre leur effet –– pourront être objet d'’épikie. Mais c’'est au cas par cas, avec une immense prudence. Ce ne peut être le cas de la liturgie, ou des lois du jeûne, ou d'’autres du même genre, qui n'’ont pas besoin de l’'exercice actuel de l’'autorité apostolique pour produire leurs fruits.

Chacun, autant qu’'il le peut, a le devoir de chercher quelle est la loi actuelle de l’'Église, quel est le dernier état dans lequel l'’a laissée l’'Autorité catholique : ce qui est actuellement lié ou délié dans les cieux est ce qui a été en dernier lieu lié ou délié sur la terre par l’'Autorité légitime.

Prendre connaissance de cet état est un devoir (accompli par soi-même, ou par d’'autres en qui on a confiance selon des principes qu’'on juge être catholiques). Puis il faut s’'y conformer comme étant la loi de l'’Église et la voie du salut éternel.

Il faut ajouter que puisque c’'est un devoir, c’'est possible. C'’est possible à la condition de rester dans l’'ordre théologal (la vie théologale étant le sommet et la lumière de la vie chrétienne) :
––  dans la
foi exercée (nonobstant ses goûts, sentiments, préférences, habitudes et amitiés) parce que seule la foi discerne l’'état de l’'Église et la présence de l’'Autorité ;
––  dans
l’'espérance, c’'est-à-dire non par satisfaction intellectuelle ou appétit de controverse, mais comme principe d'’orientation vers Dieu notre unique fin dernière et notre unique Sauveur ;
–– dans la
charité, à l'’égard du prochain auquel nous devons rendre justice et que nous devons chérir en Dieu ; davantage encore dans le souci de l’'unité de l’'Église, puisque c'’est la charité qui fait l'’unité de l’'Église.

Qu'’après cela, il y ait des divergences d’'appréciation… c’'est bien regrettable, mais c'’est inévitable. Que chacun d'’entre nous, sous le regard de Dieu, examine ses motifs. Et Notre Seigneur sera ainsi aimé et servi.
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21 janvier 2006 6 21 /01 /janvier /2006 15:19
À l'’occasion d'’une controverse au sujet de Jacques Maritain, j’'ai été amené à traiter du statut de la philosophie chrétienne ainsi que des rapports entre la philosophie et la théologie : ce sont là questions importantes, car la distinction entre la philosophie et la théologie est analogue avec la distinction entre la raison et la foi, avec la distinction entre la nature et la grâce, entre l'’Église et l'’État. Bien saisir l’'une, c’'est éclairer les autres, c'’est vraiment pénétrer au cœœur de l’œ'œuvre divine ici-bas. Achopper sur l’'une, c'’est brouiller les autres, et se fermer à la compréhension de l’'ordre établi par Dieu.

Voilà pourquoi je crois que la lecture de
Maritain et la philosophie sera profitable à tous ceux qui désirent connaître la nature des choses et approfondir ces questions pour en avoir une idée claire et juste. Le pis, en cela, est de demeurer dans le flou et l’'à-peu-près : toute l’'intelligence de la foi en est blessée et affaiblie.
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20 janvier 2006 5 20 /01 /janvier /2006 19:23
Tout au long de sa présence à Rome, Jean-Paul II a canonisé à tour de bras ; et Benoît XVI semble emboîter le pas. Une telle abondance en a mis plus d'’un dans l'’embarras, d'’autant plus qu’'on peut émettre les plus expresses réserves sur l’'un ou l’'autre –– on pense bien entendu à José Escriva de Balaguer. Devant de tels faits, de vieilles et pernicieuses erreurs (guère assoupies) se sont réveillées, erreurs qui consistent à travestir ou à diminuer la doctrine de l’'Église dans un but précis et chimérique : simultanément et reconnaître l’'autorité pontificale en Jean-Paul II (ou Benoît XVI) et récuser ses actes et décisions. C’'est ainsi qu'’on lit çà et là, au mépris de la doctrine catholique unanime, que les canonisations prononcées par le Souverain Pontife ne sont pas des actes infaillibles ; et, sans vergogne, on prétend même obtenir le soutien de saint Thomas d’Aquin. Voyons cela de plus près.

En canonisant un saint, le Pape porte un jugement définitif qui le propose à l'Église universelle comme modèle et comme intercesseur, et il en instaure le culte. Ce faisant, il garantit que le saint en question est dans la gloire du Ciel – puisqu'il est proposé comme intercesseur ; et il garantit que ce saint a pratiqué (au moins après une éventuelle conversion) les vertus chrétiennes de façon héroïque – puisqu'il est proposé comme modèle.

Un tel acte est nécessairement infaillible. Il ne relève pas directement de l'infaillibilité magistérielle de l'Église (et du Pape, c'est la même) qui a comme objet les vérités révélées et les vérités connexes à la Révélation. La canonisation relève de l'infaillibilité pratique de l'Église (celle qui couvre également les lois générales, l'approbation des ordres religieux, les rites liturgiques etc.) parce qu'il est impossible que l'Église nous propose comme modèle et intercesseur quelqu'un qui ne l'est pas.

Saint Thomas d’Aquin s’'attache davantage à la connexion de la canonisation avec la foi, et la fait rentrer dans l’'objet secondaire de l’'infaillibilité de l’Église. Après avoir affirmé qu’'il est impossible que l’'Église et le Pape se trompent en matière de foi, mais que cela est possible dans les sentences qui concernent des faits particuliers à cause des faux témoins, il ajoute : « La canonisation des saints est entre les deux. Parce que l'’honneur que nous rendons aux saints est une certaine profession de foi par laquelle nous croyons en la gloire des saints, on doit croire avec piété qu'’en cette matière là aussi le jugement de l'’Église ne peut pas être faux » [
Quodlibet. IX, 16]. Et voici que certains glosent sur le « on doit croire avec piété… : pie credendum est », prétendant que cette piété serait une atténuation de la nécessité exprimée par le credendum. Cela n'’a pas de sens : dans la réponse aux objections placée juste après, saint Thomas affirme en effet que le Pape agit sous la motion du Saint-Esprit (per instinctum Spiritus Sancti) et que l’'Église est préservée d'’être trompée par le témoignage faillible des hommes.

Signalons au passage qu'il y a une troisième infaillibilité de l'Église et du Pape (puisque l'Église est infaillible selon ses trois pouvoirs –– tout comme elle est une, sainte, catholique et apostolique selon ses trois pouvoirs), c'est une infaillibilité sacramentelle, qui garantit la réalité et l'efficacité des rites sacramentels.

Contrairement à la canonisation, la béatification ne s'adresse pas à l'Église universelle : elle permet le culte du bienheureux en certains lieux ou en certains diocèses. Elle n'est pas un acte définitif, mais un acte préparatoire. Pour ces raisons, elle n'est pas infaillible. Un signe en est qu'après la béatification, la cause du serviteur de Dieu est soumise à un nouvel examen complet en vue de la canonisation – ce qui n'aurait pas de sens si la béatification était infaillible. Mais, en raison de la sagesse et de la rigueur de l'Église, il serait fort téméraire de nier le salut ou l'héroïcité des vertus d'un bienheureux.

Comme on le voit aisément, il est nécessaire, si l'’on récuse quelque canonisation accomplie par Jean-Paul II (ou Benoît XVI) ou bien si l’'on en doute, il est nécessaire de nier qu'’ils puissent être de véritables Papes, qu’'ils sont les dépositaires de l’'autorité de Jésus-Christ sur toute l'’Église. Il est impossible de tergiverser, et cette cohérence importe au plus haut point à la foi catholique. Il faut en tous les cas cesser de « boiter des deux côtés » comme le reprochait le prophète Élie à Israël [III Reg. XVIII, 21] et de tordre la sainte doctrine au gré de la commodité ou du caprice. Cela ne peut venir de Dieu et fait beaucoup de tort à sa cause.
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20 janvier 2006 5 20 /01 /janvier /2006 11:42
L’autorité pontificale est d’essence surnaturelle : elle est directement communiquée par Jésus-Christ à l’élu du Conclave, elle est constituée par l’assistance divine, par l’« être avec » Jésus-Christ annoncé par Notre-Seigneur à ses Apôtres (Matth. XXVIII, 21) : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation du siècle. »

Cette assistance divine s’exerce d’une double façon :
1°/ Absolument dans l’exercice plénier du pouvoir pontifical, dont l’infaillibilité est alors strictement garantie en chaque cas :
– Magistère soit solennel ou locution ex cathedra, soit ordinaire et universel, enseignant une vérité comme révélée par Dieu directement ou indirectement, ou enseignant une vérité d’ordre naturel nécessaire à la garde du dépôt de la foi, ou condamnant une erreur, ou affirmant un fait dogmatique, ou certifiant la loi morale ;
– constitution des rites sacramentels (infaillibilité quant à la conformité à la foi catholique et quant à l’efficacité de grâce) ;
– promulgation des lois générales de l’Église (infaillibilité pratique qui garantit que la loi n’est ni mauvaise, ni nocive, ni insupportable ; autrement dit, qui garantit que celui qui s’y conforme est [en cela] dans la voie du salut éternel) ;
– approbation définitive des ordres religieux.
2°/ Habituellement, dans la conduite quotidienne de l’Église, de telle sorte qu’est vraie l’assertion de Pie XII dans Mystici Corporis : « Le divin Rédempteur gouverne son Corps mystique visiblement et ordinairement par son Vicaire sur la terre. »

Il n’est donc pas impossible qu’en dehors des cas où l’assistance divine s’exerce de façon absolue il y ait défaillance du souverain Pontife (bien évidemment, s’il arrivait une défaillance de ce genre, celle-ci n’est pas imputable à l’assistance du Saint-Esprit).
Selon les notions, une défaillance
ponctuelle du Pape ne s’oppose pas formellement à l’assistance habituelle du Saint-Esprit, et ne la remet pas en cause (il en serait tout autrement d’une défaillance durable).
Cela n’est pas impossible. Mais cela est-il arrivé ? et de quelle manière ? Sujet bien difficile.

Le problème du « Ralliement » que d'aucuns soulèvent pourrait être un de ces cas. S’il en était ainsi, il ne faudrait pas affirmer trop vite que cette défaillance dispenserait de l’obéissance : il n’y a pas de lien nécessaire entre infaillibilité et obéissance, sinon c’en serait fait de toute autorité.

Pour ma part cependant, je ne crois pas que le « Ralliement » soit une défaillance de ce genre. En effet, l’enseignement de Léon XIII dans ses encycliques
Au milieu des sollicitudes et Notre consolation est irréprochable. Je trouve les écrits de Robert Havard de La Montagne (Étude sur le ralliement, librairie de l’Action Française, 1926) et de Jean Madiran (On ne se moque pas de Dieu, NEL 1957, pp. 91-119) fort éclairants.
L’objet de l’intervention de Léon XIII est un appel au combat et le rappel des priorités à observer parmi les catholiques : il faut donner la première place à la lutte contre la législation perverse, avant les querelles politiques sur le régime.
S’il y a eu erreur de Léon XIII, c’est une erreur de fait : illusion sur l’esprit de foi des catholiques français d’une part, méconnaissance de la raison profonde de leur division d’autre part – et peut-être aussi méprise sur la malice de la politique de la république et la méchanceté des républicains.

L’opposition entre les catholiques de différentes tendances tenait beaucoup plus fondamentalement à la question du libéralisme qu’à la question du régime politique. Le résultat de l’intervention de Léon XIII fut le triomphe du libéralisme ; en effet, c’est l’interprétation libérale du « Ralliement » qui prévalut partout : chez les libéraux qui ont escamoté l’appel au combat ; chez leurs adversaires qui ont rejeté d’un même geste l’interprétation libérale (à raison) et l’enseignement de Léon XIII (à tort). Le bilan est catastrophique, mais je ne crois pas qu’on puisse l’attribuer à Léon XIII – certainement pas à sa doctrine en tous les cas.

De toutes les manières, ce qu’on a nommé le
Ralliement (le mot ne se trouve pas chez Léon XIII) ne saurait être un prétexte pour diminuer l’Autorité pontificale, pour borner son champ d’application, pour restreindre son infaillibilité, pour se soustraire à l’obéissance.

À voir, sur un sujet apparenté :
–
Deux lettres de Léon XIII
–
Léon XIII et saint Thomas d’Aquin
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19 janvier 2006 4 19 /01 /janvier /2006 17:24
Dans l’'abondante œœuvre de Pie XII, l’'encyclique Sacra Virginitas du 25 mars 1954 brille d'’une douceur particulière. À un monde immergé dans le matérialisme, avide de jouissance et de liberté dévoyée, le Pape rappelle la gloire de la virginité chrétienne, triomphe de l’'amour de Dieu sur l’'infirmité de la chair.

C'’est par les vierges consacrées, c'’est par les âmes pures que l’'Église renouvelle et proclame sans cesse son amour pour Jésus-Christ son époux. Cette fonction d'’Église, ce chant d'’amour perpétuel est l’'objet de ce texte splendide, chef d’œuvre de doctrine et de contemplation.

L'’encyclique, toute baignée de la lumière de la sainte Vierge Marie, réjouit le cœœur chrétien qui goûte en elle une anticipation de la vie du Ciel.
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18 janvier 2006 3 18 /01 /janvier /2006 19:24
Énoch, ou Hénoch, fils de Jared, est un des premiers patriarches de l'humanité. Il ne faut pas le confondre avec son homonyme, fils de Caïn, petit-fils d'Adam. Le Hénoch dont nous parlons est le sixième descendant d'Adam, né 622 ans après la création de l'homme. Il est père de Mathusalem – mort à 969 ans – et bisaïeul de Noé.

Il ne faut pas penser que la manière de compter les ans était alors différente de la nôtre : l'année a toujours été le cycle des quatre saisons. Seulement, la race humaine était plus près de ses origines et donc plus vigoureuse ; de plus, Dieu maintenait l'homme en vie si longtemps pour que la tradition primitive soit transmise et que la terre se peuple rapidement. Après le déluge, la durée de la vie humaine s'est mise à décroître régulièrement pour se stabiliser rapidement.

Hénoch vécut 65 ans, engendra Mathusalem, puis vécut encore 300 ans. « Il marcha donc avec Dieu et il disparut, parce que Dieu l'enleva », dit le livre de la Genèse [V, 24]. Il n'est donc pas mort, et ce fait est confirmé par le livre de l'Ecclésiastique [XLIV, 16] : « Hénoch fut agréable à Dieu, et il fut transporté dans le paradis, afin de prêcher la pénitence aux nations ». Saint Paul enseigne très nettement la même chose : « C'est par la foi qu'Hénoch fut enlevé, pour qu'il ne vît point la mort, et on ne le trouva plus parce que Dieu l'avait transporté ; car avant son enlèvement il reçut le témoignage d'avoir plu à Dieu » [Heb. XI, 5]. Hénoch a donc survécu au déluge.

Le même sort fut réservé au prophète Élie. Après la mort de Salomon, fils de David, Israël est partagé en deux royaumes [vers 936 avant Jésus-Christ] : d'un côté les tribus de Juda et de Benjamin forment le royaume de Juda ; les dix autres tribus se constituent en royaume d'Israël de l'autre côté.

Dans ce royaume d'Israël, sous le règne d'Achab et de Jézabel, vers 890 avant Jésus-Christ, Élie fut suscité par Dieu pour s'opposer à l'idolâtrie comme un mur d'airain : les souverains avaient en effet introduit le culte de Baal. Après une vie de lutte et de pénitence, Élie fut enlevé sur un char de feu, ainsi qu'il est rapporté dans le quatrième livre des Rois [II, 11] : « Et lorsqu'Élie et Élisée poursuivaient leur chemin et que, marchant, ils s'entretenaient, voilà un char de feu et des chevaux de feu qui les séparèrent l'un de l'autre ; et Élie monta au ciel dans le tourbillon ». Le livre de l'Ecclésiastique rapporte aussi ce fait dans son éloge d'Élie [XLVIII, 9] : « Vous qui avez été reçu dans un tourbillon de feu, dans un char conduit par des chevaux de feu... »

Selon toute la tradition catholique, Élie et Hénoch sont les deux témoins annoncés dans le livre de l'Apocalypse [XI, 3-7] qui doivent venir au temps de l'Antéchrist et mourir martyrs : « Et je donnerai à mes deux témoins de prophétiser pendant mille deux cent soixante jours, revêtus de sacs [...] et quand ils auront achevé leur témoignage, la bête qui monte de l'abîme leur fera la guerre, les vaincra et les tuera, et leurs corps seront gisants sur la place de la grande cité. »

Cette tradition s'appuie, pour Hénoch, sur l'annonce que celui-ci doit revenir prêcher la pénitence aux nations [Eccli. XLIV, 16]. Quant à Élie, le prophète Malachie [IV, 5] annonce : « Voici que je vous enverrai le prophète Élie, avant que ne vienne le jour du Seigneur, le grand et terrible jour ». En saint Matthieu [XVII, 11] Notre Seigneur lui-même le confirme : « Élie reviendra et il rétablira toutes choses ».

En attendant de reparaître à la fin du monde pour payer le tribut que chaque homme doit à la mort, Élie et Hénoch ont été transportés dans une partie inconnue de l'univers, semblable au paradis terrestre ; là, ils ne voient pas Dieu face à face comme les élus, mais ont recouvré un état analogue à celui d'Adam et Ève avant le péché originel. Affranchis des conditions actuelles de la vie humaine, ils attendent, dans une grande paix du corps et de l'âme et dans un bonheur qui dépasse toute joie de la terre, le moment de revenir pour confesser Jésus-Christ et de verser leur sang en témoignage de la foi catholique. C'est là le sentiment commun des Pères de l'Église.

Le rappel du destin d'Élie et d'Hénoch doit entretenir en nous l'espérance théologale : l'histoire humaine est tout entière dominée par la souveraine Providence de Dieu. La véritable histoire est cachée.

 
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17 janvier 2006 2 17 /01 /janvier /2006 10:43
Parler de la vocation est fort délicat, puisque cette question touche au dessein de Dieu sur chacun d'’entre nous, à l'’intimité que Dieu veut établir avec nous, à la médiation de l'’Église, à la liberté de chacun et à la crise de l'’Église.

Pour traiter complètement de la question, il faudrait remonter à la vocation éternelle du Fils de Dieu puis à la vocation de Notre-Seigneur et Notre-Dame dans le mystère de l'’Incarnation rédemptrice, mais cela nous mènerait bien trop loin, et hors de mes compétences. Je vais donc commencer à la vocation de l'’Église.

Antérieurement à la destinée de chacun et à la vocation de quelques-unes, il y a la vocation de l'’Église. Le dessein de Dieu est de constituer à son Fils unique une Église qui lui soit un « plérôme », une plénitude, un rayonnement de gloire, une société céleste qui sera pour lui Corps et Épouse. C'’est dans cette élection de l'’Église que la vocation de chacun d'’entre nous prend sa source : Dieu nous destine à prendre telle place dans son Église –– place quant au degré de charité et de gloire, place quant à un office particulier. L'’élection à tel degré de gloire demeure mystérieuse, un grand mystère de la Sagesse infinie de Dieu.

Dieu a sur chacun d’'entre nous une volonté, qui est la raison d'’être de notre création, et c'’est la volonté de nous faire participer à sa gloire. En raison de cette volonté, il nous a destinés à atteindre un degré donné de gloire (ou de charité, cela revient au même) et a ordonné les moyens nécessaires pour cela. Ni ce degré de gloire ni ces moyens ne nous sont connus, ou plus exactement Dieu ne nous les fait connaître que quand il le juge bon. Certains moyens sont d’'ailleurs connaissables par nature (époque, lieu et famille de naissance) mais nous ne savons pas toujours comment ils vont concourir à l’œ'œuvre de Dieu. Remarquons au passage que comme la volonté de Dieu arrive toujours, si nous refusons obstinément de participer à la gloire de Dieu, nous y participerons tout de même en manifestant sa justice….

Mais cette élection divine n'’est pas ce qu’'on nomme strictement la vocation. La vocation au sens strict concerne une fonction dans l’'Église, et c’'est là qu'’il faut lire la méditation de l’'Abbé Berto : « Il y a entre le Christ et l'’Église unité de vie (ce qu’'exprime l’'idée de Corps Mystique) et réciprocité d'’amour (ce qu'’exprime l’'idée des Épousailles Mystiques). Ces deux grandes réalités surnaturelles trouvent chacune leur expression dans les deux institutions les plus essentielles de l'’Église : le sacerdoce et la virginité sacrée. Par le sacerdoce, en effet, c’'est Notre-Seigneur qui incessamment vivifie son Église, entretient en elle, au moyen des sacrements, la vie de la grâce, et la gouverne. Par la virginité sacrée, c'’est l’'Église qui incessamment aussi se présente comme Épouse au Christ son Époux et lui redit sa fidélité et son amour ». [Abbé V.A. Berto,
Pour la Sainte Église Romaine, p. 166. Cet extrait est tiré du texte d'’un cours donné aux enfants de Notre-Dame de Joie, qui est une pure merveille.]

Tout est marqué dans ce texte admirable : l’'origine et la distinction des deux grandes vocations, la vocation sacerdotale et la vocation religieuse, qui sont irréductibles entre elles comme les deux aspects du mystère de l’'Église qu'’elles réalisent. Car, quand on parle de vocation, il faut distinguer dès l’'origine la vocation
sacerdotale et la vocation religieuse, qui présentent plus de différence que de ressemblance.

À la première s’'applique la parole de Notre-Seigneur : « Ce n’'est pas vous qui m'’avez choisi, mais c’'est moi qui vous ai choisis » (Jo. XV, 16). Cette vocation est donc un véritable appel, mais là encore il ne faut pas se tromper. L'’appel intérieur, je veux dire le désir du sacerdoce, l’'attrait vers lui n'’est que préparatoire au seul appel qui constitue la vocation sacerdotale : l’'appel de l’Église en la personne de l’'évêque légitime. C'’est ce qu'’enseigne très clairement le Catéchisme du Concile de Trente : «
Vocari autem a Deo dicuntur qui a legitimis Ecclesiæ ministris vocantur – ceux-là sont dits être appelés par Dieu, qui sont appelés par les ministres légitimes de l’'Église » (de Ordine §1). Bien sûr, l’'évêque n’'appelle que ceux qui se présentent librement, qui ont les qualités et la science requise, qui ont une intention droite ; mais la vocation proprement dite est donnée par l’Évêque, elle est l'’appel qu'’il donne au nom de l'’Église.

À la vocation religieuse s'’applique cette autre parole de Notre-Seigneur : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel ; viens ensuite et suis-moi » (Matth. XIX, 21). Là, la vocation est dans la volonté de perfection. Cette volonté, comme toute volonté normale, doit procéder de la compréhension de l'’intelligence : «
Qui potest capere capiat », dit Notre-Seigneur en parlant de la chasteté parfaite pour le Royaume de Dieu, « que celui qui peut comprendre comprenne » (Matth. XIX, 12) Il faut aussi que cette volonté soit raisonnable, stable et droite ; il n’'en reste pas moins que la vocation religieuse consiste dans la volonté.

On voit donc ainsi la différence fondamentale entre la vocation sacerdotale où l’Église appelle elle-même au nom de Jésus-Christ, et la vocation religieuse, où Dieu donne la volonté de se consacrer à lui et où l’'Église ne fait qu’'organiser (en approuvant, en guidant et en surveillant les ordres religieux) la vie de ceux qui répondent à l’'appel général fait par Notre-Seigneur.

La vocation, soit sacerdotale, soit religieuse, ne consiste pas dans l’'attirance intérieure. En outre cette attirance (qui est une pré-vocation) n'’est pas nécessairement (ni même principalement) un attrait sensible ; elle peut être conviction de l'’intelligence malgré une certaine répugnance du cœœur. Elle joue un rôle, mais seulement un rôle préparatoire. Cette pré-vocation est nécessaire, soit parce qu’elle conduit à « provoquer » l’'appel de l’Église en se présentant au sacerdoce, soit parce qu’'elle va entraîner la volonté et la déterminer fermement à se consacrer tout entière à Jésus-Christ. Quelqu'’un qui a eu cette attirance (sensible ou spirituelle) et qui ne l’'a plus n'’a pas « perdu la vocation » (qu'’il n’avait pas encore) ; mais il se peut qu'’il soit infidèle à une grâce de choix que lui réservait Notre-Seigneur. Il faut y réfléchir sérieusement.

Dans la vocation, la sainte Église est particulièrement présente parce qu'’il s’'agit de la place de chacun dans l’'Église de Jésus-Christ. Notre-Seigneur fait sentir particulièrement à ceux auxquels il réserve une place particulière dans son Église qu'’il les attend ; il les appelle. Cet appel de Notre-Seigneur a son achèvement soit dans la volonté qu'’il donne, soit dans l’'appel de l'’Évêque. Cet appel achevé est la vocation.

Dans ce qu’'on est convenu d’'appeler la crise de l’'Église, le problème de la vocation, surtout de la vocation sacerdotale, est beaucoup plus épineux, et il convient d’'en dire un mot. Se consacrer à Dieu et à son Église ne peut être vertueux et conforme à la volonté de Dieu que dans la droite doctrine, dans les vrais sacrements et dans la juste appartenance à son Église ; c’'est une évidence. Mais alors où se tourner ?
–– du côté des « Saint-Pierre » ? Hélas, l’'allégeance à Benoît XVI (fausse règle de foi) entraîne l'’adhésion à Vatican II destructeur de l'’intelligence de la foi et porteur d’'erreurs graves condamnées par l'’Église, comme la liberté religieuse, et une fausse conception de l’'Incarnation et de l’'Église elle-même. De plus, l’'acceptation des nouveaux sacrements dans leur principe fait légitimement douter de la validité de certaines ordinations sacerdotales ;
–– du côté des « Saint-Pie-X » ? Hélas, l'’allégeance à Benoît XVI et le refus simultané des erreurs de Vatican II conduisent à inventer des doctrines hétérodoxes qui détruisent l'’autorité du Magistère de l'’Église et du Souverain Pontife. De plus, c’'est s’'engager dans la voie épiscopale dont il va être question ;
–– du côté de « la voie épiscopale » ? Hélas, des sacres sans le mandat du souverain Pontife sont contraires à la constitution même de l’Église : « Le Pape seul institue les évêques. Ce droit lui appartient souverainement, exclusivement et nécessairement, par la constitution même de l'’Église et la nature de la hiérarchie » [Dom Adrien Gréa,
L’'Église et sa divine constitution, Casterman 1965, p. 259]. Des évêques sans vocation ne peuvent donner ce qu'’ils n’'ont pas, et ordonnent des prêtres sans vocation ; on peut beaucoup craindre pour l'’avenir…

Les indications données ci-dessus ne sont qu’un résumé trop rapide de convictions doctrinales que je voudrais écrire en lettres de sang, tant elles me semblent importantes. On ne fera jamais rien de durable, de fructueux, de bénéfique pour la gloire de Dieu contre la doctrine catholique ou en dehors d’elle.

Le problème est grave, donc, mais non point désespéré. Il est toujours possible de se consacrer à Dieu, même si cela est rendu plus difficile ; il n'’y a jamais eu autant de motifs de se consacrer à lui, pour consoler son cœœur, pour la splendeur de son Église si défigurée, pour l'’immolation de soi-même au milieu d’un monde de jouissance, pour le rayonnement de la doctrine catholique au moment où elle est niée, diminuée, bafouée de toutes parts. Quant au sacerdoce, il est possible d’'y songer voire de s'’y préparer de façon lointaine, en ayant le ferme propos de ne rien désirer ni faire qui soit contre la doctrine catholique ou la constitution de la sainte Église. Dieu qui n’abandonne pas son Église n’abandonnera jamais ceux qui veulent travailler pour elle et s’'y consacrer.

Il faut au passage tordre le cou à deux erreurs, qui sont même plus ou moins des lieux communs :
––
le célibat dans le monde n'’est pas un état normal : il faut ou se consacrer à Dieu, ou se marier. Mais pourquoi donc ne serait-ce pas un état normal ? Pourquoi ne pourrait-on pas y demeurer délibérément ? Une telle affirmation n'’a aucun fondement, et on pourrait énumérer de nombreux cas où cette situation est parfaitement justifiée.
––
En dehors du sacerdoce, on ne peut se consacrer à Dieu que dans une communauté religieuse. Mais non, mais non ! Il y a toute une tradition chrétienne de la virginité consacrée dans le monde. À quel ordre religieux appartenaient donc sainte Agnès, sainte Cécile, sainte Luce ou sainte Martine ?

On n’'a peut-être pas assez remarqué que quand Notre-Seigneur appelle à se donner à lui, il parle de commencer par donner aux pauvres. Il ne s'’agit pas uniquement (ni même principalement) des pauvres qui manquent d'’argent. Il ne s'’agit pas uniquement (ni même principalement) du don des biens matériels dont on dispose. Il s'’agit de donner de sa personne, de son temps, de ses compétences. Il s’'agit de rendre et de transmettre ce qu’'on a reçu : ceux qui ont bénéficié d'’une éducation chrétienne et d'’une instruction catholique ne devraient-ils pas songer à donner aux pauvres, à ces pauvres que ce sont les enfants qui n'’ont pas (encore) d’'instruction et d’'éducation ? Des familles et des écoles réclament de l’'aide. N'’est-il pas opportun de leur répondre, pour que chacun travaille au bien commun des catholiques et non pas seulement à son petit univers égoïste ? Le service militaire est mort (ne pleurons pas) mais qui donc songera à un
service catholique ? N’'est-il pas possible de donner un an de sa vie (ou davantage) pour la patrie surnaturelle qui est l’'Église ?

« Cherchez d'’abord le Royaume de Dieu et sa Justice,
et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Matth. VI, 33).
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14 janvier 2006 6 14 /01 /janvier /2006 11:02
Une des grandes causes de la faiblesse des catholiques, un des motifs qui les rendent si tièdes et si peu soucieux de l'’honneur de Dieu, est l'’illusion de vouloir marier l’'Évangile de Jésus-Christ avec l’'esprit du monde, malgré l’'avertissement des Apôtres :
« Conservez-vous purs du siècle présent, mais réformez-vous par le renouvellement de votre esprit, pour discerner la volonté de Dieu, qui consiste en ce qui est bon, et agréable à ses yeux, et parfait [Rom. XII, 2].»
« Je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes courageux, et que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu le mauvais. N'’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde. Si quelqu’'un aime le monde, la charité du Père n'’est pas en lui. Car tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, et concupiscence des yeux, et orgueil de la vie –: ce qui ne vient pas du Père, mais du monde. Or le monde passe, et sa concupiscence ; mais qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement [I Jo. II, 14-17].»

Cet esprit du monde se manifeste de différentes façons suivant les époques, les milieux sociaux ou les circonstances. Pour discerner si telle attitude d'’esprit, telle activité ou telle façon de faire est une manifestation de l’'esprit du monde, il suffit de se poser la question : est-ce le péché qu’'on y craint le plus ? Si la réponse est non, il n’'y a aucun doute sur le caractère mondain de la chose.

Appliquons cela à la danse, non à la danse classique ou artistique qui est hors de notre propos, mais de la
danse de bal ou de salon.
Cela n'’est pas inopportun : trop rares en effet sont les mariages qui ne se terminent pas par un bal ; trop rares sont les familles où l'’on n'’envoie pas les jeunes gens en soirées dansantes, quand on n'’en organise pas soi-même. Pour de telles pratiques, les prétextes sont nombreux ; les plus tristes sont ceux qui relèvent de la présomption :
dans nos milieux, on sait se tenir… nous sommes entre gens bien élevés ! Comme s'’il y avait des milieux exempts du péché originel, comme si celui-ci n’'y avait pas laissé des séquelles après le Baptême !

La danse est doublement vicieuse : elle est occasion de péché – et parfois ou souvent occasion prochaine – et cela suffit pour qu'’on ne puisse s’'y exposer ni y exposer son prochain ; elle est aussi manifestation de l’'esprit du monde, c’'est-à-dire contraire à toute l’'orientation de la vie chrétienne. L'’Évangile et la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ nous attirent à l'’amour intérieur de Dieu et à la discipline des sens ; la danse est au contraire imprégnée de l’'exaltation des sens et dirigée vers elle : cela est incompatible avec l’'esprit de l'’Évangile, même si cette exaltation n'’entraîne pas toujours des pensées, des désirs ou des actions peccamineux.

Pour affermir ce propos, voici deux textes irrécusables.

Le premier est extrait de la prédication du saint Curé d’Ars, telle qu’elle est rapportée dans les
Catéchismes du saint Curé d’Ars de Mgr H. Convert [Lyon, E. Vitte, 1921, pp. 41-42] :
« Pour règle de conduite dans le monde, il ne faut faire que ce que l’'on peut offrir au bon Dieu. On ne peut pas lui offrir des médisances, des calomnies, des injustices, des haines, des vengeances, des impuretés, des spectacles et des danses.
« En parlant des danses, saint François de Sales disait qu’'elles étaient comme les champignons, que les meilleures ne valaient rien. Les mères disent bien : “Oh ! je veille sur mes enfants.” Elles veillent sur leur toilette, mais elles ne peuvent pas veiller sur leur cœœur. Voyez-vous, mes enfants, les personnes qui entrent dans une salle de danse, laissent leur ange gardien à la porte, et un démon le remplace : en sorte que ce n'’est plus qu’'une réunion de démons.
« Ceux qui font danser dans leurs maisons se chargent d’'une responsabilité terrible devant Dieu : ils sont responsables de tout le mal qui se fait, des mauvaises pensées, des paroles déshonnêtes, etc.
« Ah ! s'’ils comprenaient bien cette responsabilité, ils ne feraient pas danser.
« Tout comme ceux qui font de mauvais écrits, de mauvais tableaux, de mauvaises statues : ils sont responsables de tout le mal que ces objets produisent pendant tout le temps qu’ils dureront. Ça fait trembler ! »

Notez au passage cet universel principe de conduite, si clair et si simple :
Il ne faut faire que ce que l’'on peut offrir au bon Dieu.

Le second texte provient d’une courte notice biographique sur l’'Abbé Léon Philippe, écrite par l’'Abbé Victor-Alain Berto en 1940. Ce dernier rapporte ses conversations avec son ami, et notamment ses considérations à propos de la danse :
« Il vient à me demander ce que je croyais qu’'on pût permettre en fait de danse […...]. Appuyé sur le solide contrefort d'’une tradition presque deux fois millénaire, je répondis fort tranquillement que je ne connaissais qu'’une façon chrétienne de danser, à savoir de ne point danser ou de ne danser que par force. […...] C’est qu’'en effet on ne fera jamais que la danse ne soit une manifestation de l’'esprit du monde auquel il nous est commandé de ne point nous conformer : Nolite conformari huic sæculo. [...…] Ce n’'est pas le péché seulement, mais le monde, qu'’il nous est prescrit de détester et d'’éviter.
« Être engagé dans le mariage ou une carrière temporelle, garder l’'usage des biens et la maîtrise de son vouloir, ce n’'est pas de la mondanité parce que ce n'’est pas de soi opposé à l’orientation foncière du christianisme [...…]. Mais le bal, mais les plaisirs raffinés et recherchés des salons, mais les soupers de minuit, mais les casinos et les plages, holà ! Ici il s'’agit de choses qui sont de soi, non pas toujours et nécessairement des péchés, mais toujours et essentiellement orientées autrement que le Baptême n’'oriente les âmes. Tout cela relève d’'une conception de la vie qui n’'est pas la conception chrétienne ; tout cela est impossible à intégrer dans la synthèse évangélique, rien de cela ne provient, assurément, de l'’incessante opération de l'’Esprit-Saint dans l'’Église.
Le monde, dit saint Augustin à sa splendide manière, est ce que l’'on aime moins à mesure que l’'on aime Dieu davantage et ce que l’'on aime davantage à mesure que l’'on aime moins Dieu. Quelque écervelée pourra soutenir qu'’elle ne communie jamais avec plus de ferveur qu’'au retour d'’une nuit de bal ; il y a aussi une tradition d’'amour dans l’'Église, et quel ami de Dieu, déclaré tel par l’Église, a jamais dit, écrit ou pensé que son goût pour le bal soit allé croissant du même mouvement que son amour pour Dieu ?
« Non, on n'’a pas « christianisé » un bal parce qu'’on a réussi à en exclure les danses ouvertement déshonnêtes ou parce qu’'on a remis en place quelques jeunes gens hardis. Pour que le bal fût chrétien, il faudrait qu'’il ne fût pas mondain. »

Pour conclure ces paroles lumineuses voici un fait significatif.
Si sainte Thérèse de l’'Enfant-Jésus a connu le Carmel où sa sainteté s'’est épanouie et consommée, si elle est à tout jamais sainte Thérèse
de Lisieux, c'’est à la suite d'’un acte véritablement héroïque de son père. Celui-ci, demeuré veuf avec cinq filles, quitte Alençon où se trouvent ses attaches familiales, tous ses amis, son patrimoine et le frais tombeau d’'une épouse profondément aimée ; c’'est pour un motif de prudence toute surnaturelle qu'’il se décide à s'’arracher sans une plainte à tant de légitimes affections. Ainsi témoigne Céline :
« Je désirais savoir pourquoi, malgré les instances qui lui furent faites, mon père se décida à quitter Alençon. Il me répondit qu’'il voulait nous soustraire à l’'''influence mondaine de quelques familles et aux idées libérales des autres. Combien nous lui sûmes gré de sa décision si sage et si désintéressée » [Le Père de sainte Thérèse de Lisieux, Carmel de Lisieux, 1953, p. 40].

Quelle leçon pour les lâches et les tièdes que nous sommes devenus, prisonniers du monde, de son esprit, de ses modes, de ses exigences :– de ce monde que nous craignons souvent plus que la justice de Dieu !
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