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11 novembre 2017 6 11 /11 /novembre /2017 21:28

« Une erreur et un mensonge qu’on ne prend point la peine de démasquer acquièrent peu à peu l’autorité du vrai. »

Charles Maurras

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Beaucoup de personnes se laissent impressionner par des allégations gratuites qui concernent les catholiques tchécoslovaques vivant sous la botte soviétique du temps du Pape Pie XII, et Mgr Dominik Kalata (évêque sacré en 1955 et toujours vivant) en particulier.

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En effet, on prétend que lesdits catholiques s’organisaient comme si Pie XII n’existait pas, et que les évêques qui les régentaient avaient été sacrés sans mandat apostolique.

 

Ce serait ainsi la preuve qu'il est légitime, dans les temps actuels, de consacrer des évêques sans mandat apostolique (ce que le même Pie XII a tout de même rejeté avec les qualifications et les peines les plus sévères !).

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Voici la Chronique d’une polémique gélatineuse qui fait justice de ces faussetés.

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Et, pour mémoire, voici une Justification des Confirmations données par les évêques anté-conciliaires auxquels il est encore possible de recourir.

 

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9 février 2017 4 09 /02 /février /2017 21:28

Monsieur Michel Onfray (né le 1er janvier 1959) est un philosophe normand, professeur (il faudrait dire – c’est un de ses aspects sympathique – contre-professeur) et auteur prolixe d’ouvrages de réflexion philosophique aux objets étonnamment variés. Il est aussi un homme familier des plateaux de télévision et des studios de radio, ce qui lui assure une bonne notoriété et une large audience. Il est en outre connu (apprécié ?) pour son franc-parler.

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S’il professe un athéisme résolu, s’il adhère à des thèses hostiles à la foi catholique et incompatibles avec la simple rectitude naturelle, il a néanmoins une certaine connaissance de la religion catholique (de l’authentique comme de la dévoyée) pour avoir été pensionnaire chez les Salésiens et pour avoir enseigné pendant vingt ans dans un établissement privé catholique.

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Cet homme de paradoxes (il professe des opinions qui vont à l’encontre de celles qui sont communément reçues), cet homme donc vient de publier un fort ouvrage intitulé Décadence dont l’objet est la fin annoncée de l’Église catholique et de la civilisation chrétienne. Ce livre blasphème, évidemment, puisque selon la promesse véridique et toute-puissante de Jésus-Christ l’Église a les paroles de la vie éternelle et que les Portes de l’Enfer ne prévaudront point. Mais il montre bien que toutes les causes sont en place pour qu’inéluctablement disparaisse le catholicisme ; humainement parlant, il a parfaitement raison — mais il oublie que cette situation s’est déjà présentée dans l’histoire, et qu’à chaque fois la survie et la vitalité renouvelée de l’Église ont été et demeurent une preuve de son origine et de son essence divine. Parmi ces causes de mort, il place au premier plan…

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Je vous laisse lire l’entrevue qu’il a accordée au Figaro (7-8 janvier 2017, pp. 16-17). Il est interrogé par Vincent Trémolet de Villers qui, tel le bêta de service, lui objecte :

Le christianisme est très affaibli en Europe mais il reste un milliard de chrétiens sur terre. Le Pape François est plus populaire que jamais. Cette religion est-elle vraiment en voie d’extinction ? »

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La réponse fuse, cinglante :

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Il faut dire de quel christianisme il s’agit ! Il est loin le temps où la religion catholique rassemblait des fidèles qui croyaient dur comme fer à l’Immaculée Conception, à la transsubstantiation, à l’infaillibilité papale, au Paraclet de la Pentecôte, à l’Assomption de Marie, à la résurrection de la chair ! Le catholicisme post-Vatican II a laïcisé la religion catholique en faisant du peuple fidèle une force de vérité quasi égale à celle du pasteur. Le sacré, la transcendance, le mystère ont souvent disparu au profit d’une morale de boy-scout qui tient lieu de règle du jeu contractuelle, un genre de contrat social catholique. Benoît XVI, qui plaidait pour un retour feutré à ce qu’il avait contribué à détruire avec Vatican II, s’est trouvé dans la position de devoir démissionner — saura-t-on un jour quelles sont les raisons véritables de ce renoncement en rase campagne d’un pape qui survit physiquement (et tant mieux pour lui…) à cet étrange événement depuis fin février 2013, soit bientôt quatre ans…

« Son remplacement par un pape jésuite, tellement jésuite qu’il prend un nom franciscain, fait lui aussi sens. Le catholicisme triomphe médiatiquement parce que le Pape sait en user, en jésuite, mais pas parce qu’il rallie à lui les disciples d’un catholicisme épuisé. La quantité médiatique et le nombre de fidèles ne disent rien de la qualité théologique des croyances. Quand le pape François dit, il y a deux ans exactement, c’était le 15 janvier 2015 : “Si un grand ami parle mal de ma mère, il peut s’attendre à un coup de poing”, je ne suis plus très sûr que Rome soit encore dans Rome. »

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Dans son livre même, M. Onfray pose sur Vatican II un diagnostic plus net encore : « Ce concile évacue la transcendance et le sacré pour confiner le catholicisme dans l’immanence d’un moralisme politiquement correct. »

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Michel Onfray n’est pas le seul, parmi les philosophes contemporains labélisés, à constater une trahison de la civilisation chrétienne par les récents occupants du Vatican. Mais il est peut-être le seul à pointer le fait qu’il s’agit d’abord d’une trahison de la foi : non seulement trahison de la foi par la substitution d’un contenu édulcoré, tronqué gauchi et falsifié, mais aussi trahison de la foi dans son essence même (ce qu’il exprime en nommant la « qualité théologique des croyances ») ; il est peut-être le seul à remonter clairement à la source, à identifier la cause décisive, à fustiger le concile Vatican II qui a brisé l’ordre de la foi, qui a arraché au peuple chrétien – qui s’est bien facilement laissé faire – ce qui est réservé à Dieu (le sacré) et ce qui relève d’un ordre proprement surnaturel (la transcendance).

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L’analyse de Michel Onfray devrait sonner comme un coup de Trafalgar dans toutes les sacristies et les chaumières… Il n’en est rien, il n’en sera rien ; on préfère s’ensevelir la tête dans le sable. Ceux-là même qui déplorent à grands cris la situation se refusent à en énoncer la cause globale et déterminante, et à rompre avec elle, je veux dire les actes et l’esprit Vatican II, les réformes qui en sont issues, una cum ceux qui ont couvert tout cela ou le couvrent de leur autorité pontificale (qui ipso facto ne peut-être que pseudo).

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Le catholicisme post Vatican II est épuisé, exsangue, déthéologalisé et destiné à périr : Michel Onfray a raison. Mais la sainte Église catholique étrangère à l’usurpation de Vatican II, elle, est toujours jeune, irriguée du Sang de Jésus-Christ, maîtresse de vérité, porte de la vie éternelle. Le funeste concile et ses miasmes seront bientôt désavoués, éjectés, réfutés ; les auteurs et fauteurs d’une telle gabegie seront écartés, mis hors d’état de nuire.

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Prions instamment Notre-Dame de Lourdes, que nous fêtons le samedi 11 de ce mois, afin que nous demeurions fidèles à cette immuable Église, Corps mystique de Jésus-Christ plein de grâce et de vérité et âme de la Chrétienté, et que Monsieur Onfray la rejoigne.

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9 juin 2016 4 09 /06 /juin /2016 09:48

Une pétition adressée à Jésus-Christ Chef de l'Église catholique ;

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une pétition en forme de prière qui lui demande une grâce urgente et qui est de son ressort exclusif ;

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une pétition qui lui demande de rendre effective un anathème prononcé en son nom par le concile de Trente ;

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une pétition dont l'objet est le départ de celui qui, sous le nom de pape François, pervertit le peuple chrétien :

– en réduisant à rien et en niant la supériorité de la virginité sur le mariage ;

– en dénaturant la miséricorde pour en faire un cheval de Troie au service de la présence et de la puissance de l'islam et des invertis ;

– en prenant à son compte et en prolongeant le chaos doctrinal et liturgique issu de Vatican II...

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voilà ce que vous pouvez prier à coup sûr (et, pourquoi pas ?, signer) à l'adresse suivante :

https://www.change.org/p/les-%C3%A9v%C3%AAques-catholiques-p%C3%A9tition-adress%C3%A9e-%C3%A0-j%C3%A9sus-christ-implorant-le-d%C3%A9part-du-pape-fran%C3%A7ois

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Cette pétition s'adresse aussi aux évêques catholiques authentiques, c'est-à-dire, si je sais bien mon catéchisme, ceux qui ont été nommés par un vrai Pape et dûment consacrés par son délégué selon le rite de l'Église. Il n'en reste pas beaucoup. Domine, ad adjuvandum nos festina !

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14 décembre 2014 7 14 /12 /décembre /2014 19:13

 

Pour répondre à une telle question, deux choses bien distinctes sont à considérer : sa personne et son sacerdoce.

1. La personne de ce prêtre

Un schismatique peut toujours – comme cela est nécessaire à son salut éternel – intégrer la sainte Église catholique. Il doit abjurer le schisme et se faire relever des censures qu’il a encourues. Cette absolution des censures est [relativement] facile, car il peut y avoir eu ignorance de la censure (ignorance qui fait que la censure n’est pas encourue — canon 2229  § 3) ; dans les circonstances présentes d’absence d’autorité pontificale, il y a cas urgent (canon 2254  § 1), et recours impossible à l’autorité (canon 2254  § 3).

La censure encourue par un schismatique est une excommunication spécialement réservée au Souverain Pontife.

Canon 2314

§ 1.  Tous les apostats de la foi chrétienne, tous les hérétiques ou schismatiques et chacun d’entre eux :

1°/  Encourent par le fait même une excommunication ;

2°/  Si après monition, ils ne viennent pas à résipiscence, qu’on les prive de tout bénéfice, dignité, pension, office ou autre charge, s’ils en avaient dans l’Église, et qu’on les déclare infâmes ; après deux monitions, ceux qui sont clercs doivent être déposés.

3°/  S’ils ont donné leur nom à une secte non catholique ou y ont publiquement adhéré, ils sont infâmes par le fait même ; en tenant compte de la prescription du Canon 188 n. 4, que les clercs, après une monition inefficace, soient dégradés.

§ 2.  L’absolution de cette excommunication, à accorder au for de la conscience, est spécialement réservée au Siège apostolique. Si cependant le délit d’apostasie, d’hérésie ou de schisme a été porté au for externe de l’Ordinaire du lieu, de n’importe quelle manière, même par un aveu volontaire, le même Ordinaire, mais non le vicaire général sans mandat spécial, peut, de son autorité ordinaire, absoudre au for externe le coupable venu à résipiscence après l’abjuration faite juridiquement et l’accomplissement des autres obligations du droit. Après cette absolution, le pénitent peut être absous de son péché au for de la conscience par n’importe quel confesseur. L’abjuration est tenue pour accomplie juridiquement, lorsqu’elle se fait devant l’Ordinaire du lieu ou son délégué ou au moins deux témoins. [Fin du canon 2314]

Il n’y a donc aucune difficulté à accepter de grand cœur et à chaleureusement féliciter une personne qui renie sincèrement le schisme pour intégrer la sainte Église catholique en se soumettant à sa loi ; c’est au contraire une grande miséricorde du Bon Dieu et un beau motif d’action de grâces.

2.  Le sacerdoce de ce prêtre

Il en va tout autrement de son sacerdoce, dont l’exercice lui est strictement interdit. En effet, il a contracté une irrégularité ex delicto (canon 985  § 3), qui est une inhabilité perpétuelle à tout exercice des saints ordres (canon 968  § 2). Perpétuelleveut dire que l’irrégularité ne cesse pas à la fin du schisme ou du scandale, mais uniquement par dispense (Capello, III, i, 7, 5 n. 281).

À la différence d’une censure comme l’excommunication, l’ignorance de l’existence de l’irrégularité n’empêche pas qu’elle ait été encourue (canon 988).

Dans ce cas précis, au for externe, il est toujours présumé que le schisme a été un péché formel (Capello, ibid.). S’il s’agit d’un catholique qui a quitté la sainte Église pour rejoindre le schisme et s’y faire ordonner, le péché n’est pas seulement présumé formel, il l’est (et l’Église est beaucoup plus rigoureuse pour lui interdire tout ministère).

La dispense des irrégularités ex delicto appartient au seul Souverain Pontife. L’Ordinaire (l’Évêque du diocèse ou, pour les religieux d’un ordre exempt, le Père Abbé ou le Supérieur majeur) ne peut donner la dispense à ses sujets que pour les cas occultes(canon 990  § 1) ; le confesseur, pour les cas occultes très urgents (canon 990  § 2).

L’appartenance à une « église » schismatique n’est pas du tout un cas occulte. Donc, seul le Pape peut autoriser un prêtre venant du schisme à exercer son sacerdoce. Il en décide souverainement et prudemment.

En effet, le Pape, s’il envisage de dispenser de l’irrégularité, prend auparavant en compte un autre aspect on ne peut plus important : l’examen de la validité de l’ordination sacerdotale. Certes les Orientaux ont scrupuleusement conservé les rites sacramentels en vigueur au XIe siècle, mais encore faut-il qu’il n’y ait pas interruption ni gauchissement. Une telle garantie ne peut être donnée que par un jugement de l’Église catholique.

Le Pape s’inquiétera aussi (et davantage) de la science sacerdotale du schismatique qui a abjuré, spécialement à propos des points que les schismatiques nient en théorie ou en pratique :

  des vérités dont son schisme était directement la négation : nature, unité et romanité de l’Église catholique ; primauté et infaillibilité du Pontife romain ; nature et détermination de la règle de la foi ;

  des vérités niées par les Orientaux, ou au moins certains d’entre eux puisque les obédiences sont nombreuses : Procession du Saint-Esprit Filioque ; distinction entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel ; Immaculée Conception et Assomption de la sainte Vierge Marie, existence et nature du Purgatoire, Indulgences.

Voici un extrait du diagnostic que fit Louis Jugnet en 1946 (texte complet dans le Cahier Louis-Jugnet n. 2 pp. 51-68). Ce texte est à lire en son entier pour ceux qui ne veulent ne pas parler « en l’air » et sans savoir de ce qui sépare les Orientaux schismatiques et la sainte Église catholique.

« Nos frères séparés d’Orient et nous, nous ne sommes pas opposés uniquement au sujet de l’autorité du Pape, comme le croient souvent les gens non avertis. Il y a d’abord une perpétuelle sous-estimation de notre connaissance de Dieu, qu’on nomme apophatisme (d’apophasis : négation) et qui méconnaît la connaissance réellement valable, quoique pauvre et analogique que nous pouvons acquérir des réalités divines. Ce point est très important et oppose grandement l’Orient à la théologie romaine. Il y a le Filioque et c’est un gros morceau ! Il y a le palamisme qui règne généralement en maître dans les “Églises d’Orient”. Il y a le rejet, plus ou moins affiché, mais réel, de l’Immaculée Conception. […] Il y a, à tout le moins, des ambiguïtés et des prétéritions au sujet de la transsubstantiation eucharistique. (Sans doute, l’Église d’Orient croit à la présence réelle, mais elle précise mal le mode de conversion du pain et du vin au corps et au sang du Christ, et les spécialistes catholiques ne sont pas d’accord sur le sens à donner aux assertions gréco-russes sur ce point). Il y a d’inquiétants silences, mêlés à des erreurs plus ou moins larvées sur le purgatoire et la vie de l’au-delà ; sur les indulgences ; sur le nombre des sacrements (la théologie sacramentaire de l’Orient est beaucoup plus flottante que la nôtre, et n’a pas un septénaire nettement déterminé). Il y a différends sur le rôle de l’épiclèse dans la consécration, sur le progrès dogmatique […].

« Enfin, reste le gros point d’opposition, c’est la haine souvent farouche de l’Église d’Orient envers Rome, son incompréhension totale du rôle du Pape dans l’Église, cette sorte d’orgueil figé qui caractérise l’épiscopat orthodoxe, et mène les popes à injurier le catholicisme d’une façon parfois incroyable (aux Lieux Saints, dans les Balkans, etc.). C’est là qu’on décèle tout le venin schismatique, et c’est là le point douloureux. De grands théologiens russes comme Serge Boulgakoff perdent visiblement leur sang-froid quand ils parlent de la Chaire de Pierre : là s’accumulent les reproches de papolâtrie, de juridisme romain, etc. »

  Mais si ce prêtre a été reçu et agréé par la fraternité Saint-Pie-X, si c’est devant un de ses évêques qu’il a abjuré, cela ne l’autorise-t-il pas à user du sacerdoce reçu dans le schisme ?

Les membres de la fraternité Saint-Pie-X n’ont aucun pouvoir particulier, les évêques qui en sont membres ne sont pas du corps épiscopal de l’Église catholique : jamais un souverain Pontife ne les y a agrégés, ni directement (par mandat pontifical) ni indirectement par le truchement des lois en vigueur dans la cooptation de l’épiscopat. Et donc le passage par la case fraterniténe modifie en rien la situation d’un prêtre venant du schisme.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’il n’y pas qu’une irrégularité à lever (c’est déjà beaucoup !) : il y a une légitimité fondamentale à assurer.

Selon la constitution même de l’Église et selon son droit, l’admission au ministère sacerdotal relève d’un évêque, d’un véritable évêque catholique successeur des Apôtres par son appartenance au corps épiscopal.

« En dehors d’une commission reçue de l’Église catholique, l’administration des sacrements est illicite et sacrilège. […] L’autorité pour dispenser les sacrements vient tout entière de la mission donnée aux Apôtres. […] La mission apostolique ne se trouve que dans l’Église catholique… Bien qu’il soit possible, de fait, de dispenser les biens d’un autre sans avoir reçu de lui une mission à cet effet, rien n’est plus sûr que le fait que personne ne dispense légitimement ce qui appartient à un autre si ce n’est par son mandat. Or, les sacrements sont le bien du Christ. Donc ils ne sont légitimement dispensés que par ceux qui ont une mission de la part du Christ, c’est-à-dire par ceux auxquels découle la mission apostolique » (Cardinal Billot, de Sacramentis, tome 1, thèse xvi).

De plus, pour que soit admis un prêtre venant du schisme, les Papes se sont réservé l’examen et la résolution du cas. En raison de la gravité – tant doctrinale que sacramentelle – de l’enjeu, ils n’ont pas laissé aux évêques d’en décider (ce qui aurait été possible au vu de la mission épiscopale).

  Oui mais, vous la ramenez toujours avec le droit canon et compagnie. Vous ne vous apercevez donc pas qu’il y a nécessité, urgence, besoin des âmes ? Votre juridisme va à l’encontre du bien même de l’Église, il n’est donc pas de mise !

  Comme il vient d’être expliqué, il y a bien plus qu’une loi en jeu : il y a l’ordre des choses qui s’enracine dans la constitution même de l’Église telle que Jésus-Christ l’a institué. Le cardinal Billot ne vous a pas caché la gravité de l’affaire.

Et puis, il faut bien que je vous le dise, il y a quelque chose de mille fois pire que le juridisme, c’est l’anarchisme. Il n’est pas étonnant que cette tendance, qui existe déjà dans la nature humaine comme séquelle du péché originel, se développe avec une dynamique qui fait peur : l’absence prolongée d’autorité en est un puissant facteur. Mais cela ne rend pas l’anarchisme moins dangereux et moins corrosif de l’esprit chrétien.

Cet anarchisme se manifeste de différentes manières, dont voici quelques-unes (hélas ! cumulables).

La première consiste à dire que puisqu’il n’y a plus de pape, il n’y a plus de loi… C’est un anarchisme radical, destructeur, qui oublie un simple petit fait : le chef de l’Église est Jésus-Christ ! Le Siège à la droite du Père n’est pas vacant ! Le Pape a une autorité souveraine sur le Corps de l’Église, mais une autorité vicaire par rapport à Jésus-Christ. Ce que le pape lie ou délie sur la terre est lié ou délié dans les cieux par le pouvoir de Jésus-Christ et le demeure, même quand le Pape cesse d’être (sauf stipulation particulière). Et donc la loi de l’Église demeure avec toute sa force, et elle demeure en l’état où l’a laissé le dernier acte pontifical.

La seconde forme d’anarchisme, plus courante, consiste à décréter qu’il y a nécessité et donc que toute loi qui entrave le caprice sacerdotal, euh ! pardon ! le ministère sacerdotal, est d’application suspendue. Rapidement, cette anarchie devient habituelle et aveugle, et on décrète l’inapplication de la loi sans même se mettre en peine d’examiner la teneur de la loi, sans même rechercher ce qu’a permis ou interdit l’Église dans des cas particuliers. C’est un anarchisme de paresse et d’ignorance, mais un véritable anarchisme.

La troisième forme consiste à ne voir aucune distinction entre la Constitution de l’Église et la législation de l’Église, entre ce qui tient à la nature des choses et ce qui tient à la discipline, entre ce qui relève du droit divin et ce qui relève du droit purement ecclésiastique. On n’est plus en face d’une épikie pratique (et souvent illégitime) comme dans le cas précédent, mais dans le cas d’une épikie quasi-théologale qui fait de chacun un « Constitutionnel » qui tient l’Église à sa merci.

L’anarchisme est une épidémie parfois revendiquée, souvent sourde et sournoise, qui rend toute discussion impossible — ne serait-ce que parce que l’anarchiste (de droit divin !) dégaine plus vite que son ombre l’accusation de juridisme… sans bien savoir ce que veut dire le mot, mais peu importe, l’essentiel étant l’impact pour décrédibiliser celui qui s’efforce d’avancer en se disant :

Le vrai bien des âmes, celui qui est fructueux et durable même s’il est moins visible (ou entravé par mes défauts), c’est celui qui se fait selon la volonté de Dieu. Et cette volonté de Dieu, elle ne se décrète pas suivant l’humeur du moment ; elle est inscrite dans la nature des choses telle que Dieu l’a instituée, telle qu’elle se manifeste à qui veut bien la chercher là où elle est enseignée : dans l’Évangile de Jésus-Christ, dans le Magistère de l’Église catholique romaine, dans la préservation de l’unité de l’Église, dans le droit canonique, dans la théologie de saint Thomas d’Aquin, dans l’exemple des saints.

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  Au moins, les Orientaux schismatiques ont échappé à l’influence du modernisme : quand ils se convertissent, ils sont donc d’une orthodoxie à laquelle on peut se fier, et leur doctrine est vraiment sûre !

  Voilà une dernière illusion qu’il faut dissiper, par laquelle on tente de rassurer les braves gens qui auraient encore quelque hésitation. Illusion sotte, mais l’expérience montre qu’elle est tenace.

Louis Jugnet nous a énuméré plus haut les erreurs doctrinales qui séparent les schismatiques de la vérité catholique. Elles sont abondantes. Mais encore plus qu’abondantes, elles sont profondes et concernent ce qui est fondamental dans l’intelligence de la foi (cette intelligence qui est précisément la cible du modernisme). Il serait d’ailleurs étonnant qu’il en soit autrement, parce qu’il serait invraisemblable que dix siècles de schisme n’aient laissé aucune trace grave dans les mentalités et dans les doctrines.

Un rapide examen fait apparaître trois erreurs de ce type. La première porte sur la nécessité même de la doctrine. Est-elle une référence externe (l’appartenance à une obédience) ou une nécessité interne, vitale, pour la vie de la foi et la conduite de la vie ? La seconde est une indistinction permanente entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, qui est pourtant un point crucial et permanent de la doctrine catholique. La troisième est le fidéisme, erreur qui prétend que Dieu (son existence et ses attributs) n’est pas connaissable par la lumière de la raison mais seulement par la Révélation divine. Et ces trois erreurs sont aux sources du modernisme…

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Le texte qu’on vient de lire est la reproduction quasi inchangée d’un article paru dans le n. 298 du bulletin Notre-Dame de la Sainte-Espérance (décembre 2014).

Vous aurez noté la grande importance et la grande clarté du texte du Cardinal Billot qui est cité à peu près au milieu. Sinon, relisez-le. Il énonce la clef nécessaire pour discerner de ce qui est catholique et de ce qui ne l’est pas.

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8 octobre 2014 3 08 /10 /octobre /2014 09:33

—  Mais pourquoi, pourquoi donc ne parlez-vous pas de l’« union sacerdotale Marcel-Lefebvre », de ces prêtres courageux qui ont choisi la voie de la fidélité en se séparant de la fraternité Saint-Pie-X qui va vers le ralliement ? Auriez-vous quelque défiance à leur égard ?

—  Mais pourquoi donc en parlerais-je ? Serait-ce pour dire la tristesse d’une nouvelle division qui a comme effet de scandaliser les âmes et d’introduire une guerre sans aucun profit pour la doctrine catholique, ni pour la sanctification des chrétiens, ni pour la splendeur de l’Église ?

L’opposition entre la Résistance et le Loyalisme(les deux partis se nommant eux-mêmes plus ou moins de cette manière – majuscules de rigueur !) est une opposition à l’intérieur du même monde, avec les mêmes carences doctrinales et les mêmes aberrations canoniques.

La déclaration initiale de l’union sacerdotale n’amorce aucun retour vers la doctrine catholique ; elle ne contient aucun désaveu de l’édification d’une hiérarchie acéphale ; aucun reniement des prétendues annulations de vœux et de mariages, ou des dispenses d’empêchements de mariage ; aucun regret des confirmations (à coup sûr invalides) conférées par de simples prêtres. Si bien qu’entre Résistanceet Loyalisme, c’est blanc bonnet & bonnet blanc. Il y a une effrayante disproportion entre les maux (réels) produits par une lutte fratricide et le bien (imaginaire) censé justifier tout ce tintamarre. On critique blanc bonnet, on appelle à quitter blanc bonnet, on voue blanc bonnet aux gémonies, et on fait bonnet blanc.

Pour passer de l’un à l’autre, on a semé division, confusion, détraction et rivalités ; on a développé un comportement (encore plus) anarchique. C’est grande tristesse de voir les familles déchirées, les chapelles divisées, les guerres surgies de partout – et les âmes froissées – pour rien.

Et puis… quelle obligation y aurait-il, pour qui que ce soit, d’avoir une opinion sur telle personne, tel mouvement, telle position ? Chacun d’entre nous est tenu de professer la foi catholique dans son intégrité (et donc de la connaître, de l’étudier, de la méditer, de l’appliquer), mais non point d’émettre un jugement ni d’avoir un avis à propos de faits contingents, mal connus, fluctuants, tristement humains (trop humains…). C’est d’autant plus vrai que l’union sacerdotale en question renvoie au domaine de l’opinion des vérités qui intéressent de façon vitale l’exercice de la foi catholique, comme la papauté d’un Pape ou l’œcuménicité d’un concile [1].

D’ailleurs… j’ai déjà deux fois abordé le sujet, anticipant sur les événements. Je n’ai rien à ajouter, car rien n’a changé et que tout était aisément prévisible. Je reproduis ci-dessous ces deux textes.

La seule chose positive de l’affaire est que le (pseudo-)dogme (jamais énoncé mais toujours agissant) « Hors de la fraternité Saint-Pie-X pas de salut » qui depuis des décennies détourne tant d’âmes et de cœurs de l’étude sereine et objective de la doctrine catholique, a volé en éclats.

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[1]  Le fait que untel est Pape est un fait dogmatique, un fait qui, bien que contingent, constitue la règle prochaine de la foi catholique. Même si, dans un temps de confusion, il est difficile de discerner du premier coup, rien ne change dans la nature des choses.


Extrait de Notre-Dame de la Sainte-Espérance n. 268 du mois de mai 2012

… Si donc une partie des prêtres de la Fraternité refuse ou le préambule doctrinal ou la situation canonique qui s’ensuivra, et fait sécession, il reste plusieurs possibilités :

1.  Se constitue une Fraternité-bis, par exemple une fraternité Saint-Marcel, sous l’obédience d’un, de deux voire de trois évêques, qui se proclame l’unique et l’authentique fondation de Mgr Lefebvre (car enfin, c’est la référence intangible).

Deux choses sont alors à craindre : la reconduction des mêmes erreurs doctrinales ; la grosse guerre pour la possession des prieurés, des avoirs bancaires et autres biens matériels : les avocats vont s’enrichir et les ennemis de l’Église se réjouir.

2.  Les « dissidents » demeurent dispersés, continuant çà et là un apostolat personnel. Que sera-t-il possible de faire alors pour les aider ? Quiconque en effet s’est trouvé dans une situation analogue sait combien le soutien de la charité sacerdotale est précieux.

Voici donc ce qu’il me semble.

–  Je ne vois rien que je puisse faire (hormis la prière) pour ceux que je nomme les néo-prêtres (ordonnés par un évêque sacré sans mandat apostolique) ; seule l’autorité suprême de l’Église (quand elle sera rétablie et si elle le veut) pourra réparer ce qui manque à leur ordination sacerdotale : l’intégration dans le clergé catholique ;

–  les autres prêtres ont été imprégnés, pendant une trentaine d’années au moins, de fausses doctrines, et de l’habitude d’un libre examen qui choisit entre les actes qu’il affirme provenir de l’autorité légitime ceux qui lui conviennent.

C’est là qu’il convient de venir à leur aide, pour qu’ils puissent se rendre compte des erreurs qu’on leur a enseignées, martelées au point qu’ils n’en discernent plus la malice ni l’opposition à la tradition catholique.

Quand, par la grâce de Dieu, ils auront pénétré la gravité de l’una cum du Canon de la sainte Messe, compris l’exigence de l’unité de l’Église en sa hiérarchie, professé l’intégrité de la foi catholique, nous nous réjouirons de pouvoir profiter de leur zèle et de leurs vertus.


Extrait de Notre-Dame de la Sainte-Espérance n. 289 du mois de mars 2014

Un désert doctrinal

Le 7 janvier 2014, une petite cinquantaine de prêtres de la fraternité Saint-Pie-X (ou assimilés) a signé une Adresse aux fidèles, proclamant : « Selon l’exemple de ce grand prélat [Mgr Marcel Lefebvre], intrépide défenseur de l’Église et du Siège apostolique, nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le Concile Vatican II, et, après le Concile, dans toutes les réformes et orientations qui en sont issues. »

Cette adresse est spécialement motivée, disent-ils, par le fait que : « Depuis l’an 2000 et surtout à partir de 2012 les autorités de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X font le chemin inverse en se rapprochant de la Rome moderniste. »

L’affirmation claire et ferme d’un refus des erreurs qui sont contenues dans Vatican II ou qui en sont issues ne peut qu’attirer la sympathie. Mais ce premier mouvement d’estime ne suffit pas pour qu’on s’aveugle sur le grand vide doctrinal que manifeste cette Adresse, tant en elle-même qu’en ses attendus et les explications qui l’accompagnent.

La fraternité Saint-Pie-X souffre d’un gros problème doctrinal : depuis des décennies elle tait (dans le meilleur des cas) ou nie (en théorie et en pratique) tout un pan de la doctrine catholique : celui qui concerne l’autorité de l’Église et celle du souverain Pontife en particulier, celui qui concerne l’infaillibilité, l’unité de la hiérarchie catholique (qui est épiscopale), la nature et la dévolution de la juridiction, et l’obligation de l’obéissance.

L’Adresse aux fidèles, non seulement ne souffle mot de ce problème, mais se place exactement dans la même perspective hétérodoxe. Cela revient à dire que le fond de leur opposition n’est pas un désir de revenir à la vérité de l’enseignement de l’Église, mais uniquement une question de « politique ecclésiastique », de tactique face à Rome, d’évaluation de ce qu’il faut dire ou ne pas dire aux fidèles pour qu’ils continuent à suivre et à se croire en sécurité.

Cela va augmenter la confusion et engendrer des inimitiés, sans aucun profit pour la doctrine catholique, pour l’amour de l’Église, pour le témoignage de la foi.

—  Mais vous n’y êtes pas du tout ! Et vous le faites exprès ! Il s’agit d’arrêter la Fraternité sur la voie du ralliement, il s’agit de mettre en garde les fidèles contre cette pente dangereuse, mortelle même.

—  J’avoue : je le fais exprès. Mais c’est pour vous donner l’occasion de réfléchir trente secondes. Pour s’opposer au ralliement…au ralliement à qui ? Se rallier au Pape est le b-a-ba du catholicisme : le Pape est la règle vivante de la foi, la source de la juridiction, la référence de l’unité de l’Église. Être rallié au Pape, c’est tout simplement être catholique.

—  Vous ne voyez pas donc que se rallier à François Ier, c’est accepter le modernisme, la religion conciliaire, le libéralisme ; c’est nier la royauté sociale de Jésus-Christ, c’est entrer dans l’univers de sacrements douteux, de vide doctrinal ?

—  Pour le vide doctrinal, vous y êtes déjà. Se rallier au Pape, c’est tout simplement se rallier à Jésus-Christ : ouvrez l’Évangile, interrogez la Tradition (celle qui mérite vraiment une majuscule), écoutez le Magistère permanent de l’Église : ce sont presque deux mille ans de Parole divine que vous entendrez et qui vous le répéteront sans variation, sans atténuation, sans hésitation.

Si vraiment se rallier à François Ier c’est être conduit à se séparer de Jésus-Christ – et là je ne peux nier que vous ayez raison – alors soit Jésus-Christ nous a menti, soit François Iern’est pas le Pape. Comme Jésus-Christ est la Vérité éternelle et la Sainteté subsistante, il ne reste qu’une solution. Et si donc vous voulez continuer à affirmer la réalité du pontificat de François Ier, vous vous condamnez à errer (dans les deux sens du terme) : pour affirmer une vérité de foi vous en nierez une autre, et réciproquement, et sans fin : cela ne se peut que mal finir.

—  Là encore vous n’y êtes pas, là encore vous le faites exprès ! Si l’adresse aux fidèles ne se réfère pas au magistère de l’Église, elle fait mieux : elle se réfère à Mgr Marcel Lefebvre. N’est-ce pas lui le grand modèle du combat, la seule référence qui puisse unir les catholiques fidèles. Et précisément c’est cette fidélité-là que l’Adresse revendique. D’ailleurs les questions doctrinales ne sont pas du ressort des laïcs.

—  Si vous exprimez la pensée des auteurs de l’Adresse, il y a du souci à se faire. Essayons de démêler l’imbroglio que recèle votre objection.

Les questions doctrinales ne sont pas pour les laïcs…Mais pour qui les prenez-vous ? Ils sont baptisés, ayant reçu la lumière de la foi en Jésus-Christ, appartenant à son Église militante, devant pétrir leur vie quotidienne de cette foi. Comment être et faire cela sans connaître quelle est la règle de la foi, sans rectitude doctrinale, sans que la foi domine et vivifie toute leur intelligence ? […]

Mgr Marcel Lefebvre… Oui, ce fut un homme de grand mérite. Mais enfin, il n’est pas et n’a jamais été au-dessus du Magistère de l’Église, au-dessus de l’autorité du souverain Pontife : il n’a jamais ni envisagé ni revendiqué une telle chose. Le Bon Dieu a rappelé Mgr Lefebvre à lui voici plus de vingt ans, et on prétend qu’il exerce encore une sorte de magistère qu’il n’a jamais possédé de son vivant, et qu’aucun pape n’a jamais possédé après la mort : c’est insensé. […]

La carence de l’Adressea une certainement une autre raison […] : ayant pris l’habitude de vivre sans vraie référence doctrinale, les signataires sont loin d’être d’accord entre eux sur les grandes questions de l’Église. Et comme leur propos est tactique, ils font l’impasse sur la doctrine. C’est peut-être habile, mais c’est catastrophique. Les mêmes causes produiront les mêmes effets.

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7 septembre 2014 7 07 /09 /septembre /2014 14:36

 

Un triste phénomène humain – dû à l’ignorance du paresseux, à la prétention de l’imbécile ou à l’aveuglement de l’orgueilleux – accompagne la vie de l’Église catholique pendant son pèlerinage sur la terre. Lorsque paraît une erreur, quelques-uns de ceux qui la veulent combattre tombent dans une erreur contraire et s’y retranchent avec d’autant plus d’entêtement qu’ils veulent (ou prétendent) combattre l’erreur. C’est même un funeste enchaînement qui peut se produire.

Ainsi, lorsqu’Arius a nié la divinité de Jésus-Christ, un certain Apollinaire s’est dressé contre son erreur en affirmant que Jésus-Christ est Dieu (ce qui est vrai) parce qu’il n’a pas d’âme humaine et que la divinité en tient lieu (ce qui est faux). Cette nouvelle erreur, qui est une négation du mystère de l’Incarnation et donc de la Rédemption, fut à son tour combattue par Nestorius qui affirmait qu’en Jésus-Christ il y a deux natures intègres qui n’ont pas fusionné (ce qui est vrai) et que l’union entre ces deux natures est simplement morale (ce qui est faux), ce qui le faisait blasphémer en niant la maternité divine de la sainte Vierge Marie.

On comprend donc qu’il ne suffit pas de s’opposer à l’erreur : il faut encore le faire sans tomber dans une autre erreur, laquelle peut être tout aussi destructrice de la vérité de la foi.

  Où voulez-vous donc en venir ?

  Ce diagramme peut s’observer dans de nombreuses oppositions doctrinales qui émaillent la confusion actuelle, où le Pasteur étant frappé, les brebis sont terriblement dispersées. C’est cependant une erreur bien précise que je vise par ce propos général.

Il est un dogme de foi bien établi, mille fois enseigné et attesté depuis les origines de l’Évangile, que hors de l’Église catholique il n’y a pas de Salut éternel. Le monde a beau hurler à l’intolérance, les libéraux ont beau aseptiser ce dogme au nom de l’œcuménisme ou d’une prétendue charité, rien ne peut y faire : c’est une vérité de la foi catholique bien nette, bien franche, bien universelle.

Pour appartenir à la sainte Église catholique, Corps mystique de Jésus-Christ, il faut être baptisé (et aussi professer la foi catholique ainsi qu’être soumis à l’autorité légitime, mais ce n’est pas mon propos aujourd’hui).

Le Baptême est un des sept sacrements institués par Jésus-Christ pour appliquer les mérites de sa Passion, et il est le sacrement qui incorpore à son Église (et aussi, entre autres effets, imprime un caractère qui rend capable de recevoir les autres sacrements et de prendre une part réelle au saint sacrifice de la Messe).

Et donc le Baptême est nécessaire au Salut éternel.

Le sacrement de Baptême peut être suppléé, quant à l’effet de grâce, par le Baptême de sang et par le Baptême de désir. Le Baptême de sang est le martyre ; le Baptême de désir (ou de feu ou d’esprit) est la contrition parfaite, accompagnée du vœu ou désir du Baptême : c’est ainsi que les définit saint Alphonse de Liguori dans sa Théologie morale (livre VI de Sacramentis, traité ii de Baptismo et Confirmatione, chapitre i de Baptismo, n. 95).

Il enseigne au numéro suivant : « Le baptême de feu est la parfaite conversion à Dieu, par la contrition ou l’amour de Dieu par-dessus tout, accompagnée du vœu explicite ou implicite du vrai baptême d’eau, à l’effet duquel il supplée, dit le concile de Trente (session vi, c. 4). Cette suppléance concerne la rémission de la coulpe du péché, non le caractère à imprimer ni la totalité de la peine due au péché à supprimer. […] Il est de foi que les hommes sont aussi sauvés par le baptême de feu. »

Voilà qui est bien clair. Le Baptême de désir est un acte surnaturel de charité (ou de contrition parfaite, c’est équivalent) qui, parce qu’il inclut un acte de la foi théologale, fait réellement appartenir à l’Église catholique et, pour autant, procure le Salut.

On comprend dès lors que l’Office divin fasse l’éloge de martyrs qui n’ont pas reçu le baptême d’eau (par exemple, sainte Émérentienne, 23 janvier [1]) ; de même saint Ambroise a procédé aux obsèques chrétiennes de l’empereur Valentinien  II encore catéchumène, en déclarant : « Si martyres suo abluuntur sanguine et hunc sua pietas abluit et voluntas — de même que les martyrs sont purifiés par leur sang, de même sa piété et sa volonté ont purifié celui-ci. »

Ceux que le dogme Hors de l’Église pas de Salut hérisse ont trouvé dans la doctrine du Baptême de désir le prétexte rêvé pour réduire à un vain mot la nécessité de l’appartenance à l’Église catholique : n’importe quel désir du Baptême, ou n’importe quelle « bonne foi » sans désir, ou la simple vertu naturelle, ou n’importe quelle générosité dans l’incrédulité ont été étiquetés Baptême de désir, et donc ont été promus comme ouvrant la porte du Salut. C’est là un abus dévastateur pour l’intégrité de la foi catholique, pour l’honneur de l’Église et pour le Salut des âmes.

Contre cette dernière erreur, d’aucuns ont réagi en niant la réalité et l’efficacité pour le Salut du Baptême de désir. Ils sont tombés ainsi dans le déni de ce que toute la Tradition de l’Église proclame, et qui relève de la foi catholique, comme nous le rappelle opportuné­ment saint Alphonse. Voulant combattre une erreur pernicieuse, ils sont tombés dans une erreur contraire tout aussi pernicieuse. Notre diagramme s’observe une fois de plus.

  Pourquoi nous parlez-vous de cela ici et maintenant ?

  Cette erreur – la négation du Baptême de désir comme produisant le Salut – qui s’accompagne d’un vrai mépris pour ceux qui, humblement, s’en tiennent à la doctrine certaine, commune et antique de l’Église catholique, a eu comme porte-drapeau un jésuite américain de Boston, le Père Léonard Feeney (1897-1978). Son influence s’est exercée principalement en Amérique du Nord. Ce sont de jeunes prétentieux, bénédictins autoproclamés, qui ont repris au Canada le flambeau vénéneux de l’erreur ; et si leur influence s’est bien étendue, elle est restée marginale en Europe.

Mais voici qu’il y a du nouveau : ces contempteurs de la doctrine catholique viennent d’établir une tête-de-pont sur le vieux continent, dans le Jura français, profitant de la naïveté d’un prêtre, honorable par ailleurs. Ils semblent s’être aussi assuré les services d’un pseudo-prêtre qui a laissé en Aquitaine un souvenir très amer. Voilà la double raison pour laquelle j’en parle hic et nunc. Il est à craindre que leur propagande n’impressionne les esprits peu au fait de la doctrine catholique, parce qu’ils se présentent comme des « durs », des anti-Vatican  II, des sans-compromission : ce qui séduit souvent les esprits superficiels qui ne vont pas chercher plus avant.

S’il faut donner des précisions, j’en donnerai. Mais il ne s’agit pas d’une question de personnes. C’est la doctrine et même l’intégrité de la foi catholique qui sont en cause : voilà qui est plus grave et plus urgent que tout le reste.

Pour que la doctrine catholique soit bien comprise et bien claire, je place à la suite de cet avertissement deux textes d’inégale valeur.

Le premier, transcris ci-dessous, émane du Saint-Office. Le décret d’excommunication du Père Feeney (1953) fait suite à une lettre adressée en 1949 par le même Saint-Office à l’archevêque de Boston, pour établir dans les faits et réfuter dans la doctrine les menées du Père Feeney. Bien que ce texte ne parût pas aux Acta Apostolicæ Sedis, son autorité est grande et son exposé lumineux.

Le second est de votre serviteur, et date de la première moitié des années 1980 : il expose l’autorité, le sens et la portée du dogme Hors de l’Église pas de Salut.

http://ddata.over-blog.com/0/18/98/43/quicumque/HEPDS.pdf

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[1] Éloge de la sainte au bréviaire : « Émérentienne, vierge romaine, sœur de lait de la bienheureuse Agnès, et encore catéchumène, était animée d’une foi et d’une charité ardentes. Comme elle reprochait avec véhémence aux adorateurs des idoles les violences qu’ils exerçaient contre les chrétiens, elle fut lapidée par une multitude ameutée. Priant au milieu de ses souffrances, elle fut baptisée dans son propre sang, qu’elle répandit courageusement pour Jésus-Christ et rendit son âme à Dieu près du tombeau de sainte Agnès. »


Pourquoi et comment

le Saint-Office a fulminé, le 13 février 1953,
l’excommunication du R. P. Léonard Feeney, s. j.

Quelques années auparavant un groupe d’étudiants de l’Université de Harvard se réunissait régulièrement au Centre d’accueil Saint-Benoît, à Boston, dont l’aumônier était le R. P. Léonard Feeney s. j.

Trois professeurs laïques furent exclus du collège des Pères Jésuites par décision du recteur, parce que professant à propos de l’affirmation Hors de l’Église pas de salut des doctrines erronées.

Mais bientôt le Père Feeney prit fait et cause pour ces professeurs et il les intégra dans le corps professoral de son Centre, se rebellant ainsi contre son supérieur. L’archevêque de Boston, Mgr Cushing, se vit obligé de condamner le Père Feeney et de lui enlever à partir du 1er janvier 1949 les pouvoirs d’entendre les confessions.

Une lettre du Saint-Office à l’archevêque de Boston dénonça l’hérésie du Père Feeney, mais celle-ci ne fut pas rendue publique au moment de sa publication en août 1949.

Voici le texte de cette Lettre du Saint-Office du 8 août 1949.

Cette Suprême Sacrée Congrégation a suivi très attentivement le commencement et le cours de la sérieuse controverse, soulevée par certains associés du St. Benedict Center et du Boston College, concernant l’interprétation de la maxime : Hors de l’Église point de salut.

Après avoir examiné tous les documents nécessaires ou utiles sur ce sujet – entre autres le dossier envoyé par votre chancellerie, les recours et rapports où les associés du St. Benedict Center exposent leurs opinions et leurs réclamations, et en outre beaucoup d’autres documents se rapportant à cette controverse recueillis par voie officielle, – la Sacrée Congrégation a acquis la certitude que cette malheureuse question a été soulevée parce que le principe « hors de l’Église point de salut » n’a pas été bien compris ni examiné et que la controverse s’est envenimée par suite d’un sérieux manquement à la discipline, provenant du fait que certains membres des associations mentionnées ont refusé respect et obéissance aux autorités légitimes.

En conséquence, les Éminentissimes et Révérendissimes Cardinaux de notre Suprême Congrégation ont décrété en session plénière, le mercredi 27 juillet 1949, et le Souverain Pontife, en l’audience du jeudi suivant 28 juillet 1949, a daigné approuver l’envoi des explications doctrinales, de l’invitation et des exhortations suivantes.

Nous sommes obligés par la foi divine et catholique à croire toutes les choses que contient la Parole de Dieu, Écriture ou Tradition, et que l’Église propose à la foi comme divinement révélé non seulement par un jugement solennel, mais encore par son magistère ordinaire et universel (Denzinger 1792).

Or, parmi les choses que l’Église a toujours prêchées et ne cessera pas d’enseigner, il y a aussi cette déclaration infaillible où il est dit qu’il n’y a pas de salut hors de l’Église.

Cependant, ce dogme doit s’entendre dans le sens que lui attribue l’Église elle-même. Le Sauveur, en effet, a confié l’explication des choses contenues dans le dépôt de la foi, non pas au jugement privé, mais à l’enseignement de l’autorité ecclésiastique.

Or, en premier lieu, l’Église enseigne qu’en cette matière il existe un mandat très strict de Jésus-Christ, car il a chargé explicitement ses apôtres d’enseigner à toutes les nations d’observer toutes les choses qu’il avait lui-même ordonnées (Matth. XXVIII, 19-20).

Le moindre de ces commandements n’est pas celui qui nous ordonne de nous incorporer par le Baptême au Corps mystique du Christ qui est l’Église, et de rester unis avec lui et avec son Vicaire par qui lui-même gouverne ici-bas son Église de façon visible.

C’est pourquoi nul ne se sauvera si, sachant que l’Église est d’institution divine par le Christ, il refuse malgré cela de se soumettre à elle ou se sépare de l’obédience du Pontife romain, Vicaire du Christ sur la terre.

Non seulement notre Sauveur a-t-il ordonné que tous les peuples entrent dans l’Église, il a aussi décrété que c’est là un moyen de salut sans lequel nul ne peut entrer dans le royaume éternel de la gloire.

Dans son infinie miséricorde, Dieu a voulu que, puisqu’il s’agissait des moyens de salut ordonnés à la fin ultime de l’homme non par nécessité intrinsèque, mais seulement par institution divine, leurs effets salutaires puissent également être obtenus dans certaines circonstances, lorsque ces moyens sont seulement objets de « désir » ou de « souhait ». Ce point est clairement établi au Concile de Trente aussi bien à propos du sacrement de Baptême qu’à propos de la Pénitence (Denzinger 796 & 807).

Il faut en dire autant, à son plan, de l’Église en tant que moyen général de salut. C’est pourquoi, pour qu’une personne obtienne son salut éternel, il n’est pas toujours requis qu’elle soit de fait incorporée à l’Église à titre de membre, mais il faut lui être uni tout au moins par désir ou souhait.

Cependant, il n’est pas toujours nécessaire que ce souhait soit explicite comme dans le cas des catéchumènes. Lorsque quelqu’un est dans une ignorance invincible, Dieu accepte un désir implicite, ainsi appelé parce qu’il est inclus dans la bonne disposition de l’âme, par laquelle l’homme désire conformer sa volonté à celle de Dieu.

Ces choses sont clairement exprimées dans la Lettre dogmatique publiée par le Souverain Pontife Pie  XII, le 29 juin 1943, « sur le Corps mystique de Jésus-Christ » (AAS. XXXV, pp. 193 sqq.). Dans cette Lettre, en effet, le Souverain Pontife distingue clairement ceux qui sont actuellement incorporés à l’Église comme membres et ceux qui lui sont unis par le désir seulement.

Parlant des membres qui forment ici-bas le Corps mystique, le même auguste Pontife dit : « Seuls font partie des membres de l’Église ceux qui ont reçu le Baptême de régénération et professent la vraie foi, qui, d’autre part, ne se sont pas pour leur malheur séparés de l’ensemble du Corps ou n’en ont pas été retranchés pour des fautes très graves par l’autorité légitime » (Mystici Corporis).

Vers la fin de la même Encyclique, invitant à l’unité, avec la plus grande affection, ceux qui n’appartiennent pas au corps de l’Église catholique, il mentionne ceux qui « par un certain désir et souhait inconscient, se trouvent ordonnés au Corps mystique du Rédempteur » (Mystici Corporis). Il ne les exclut aucunement du salut éternel, mais il affirme par ailleurs qu’ils se trouvent dans un état « où nul ne peut être sûr de son salut éternel » (ibid.), et même qu’« ils sont privés de tant et de si grands secours et faveurs célestes, dont on ne peut jouir que dans l’Église catholique » (ibid.).

Par ces paroles, le Pape condamne aussi bien ceux qui excluent du salut éternel les hommes qui ne sont unis à l’Église que par le désir implicite, que ceux qui affirment erronément que tous les hommes peuvent se sauver à titre égal dans toutes les religions (Cf. Pie  IX, Singulari quadam, Denzinger 1642 sqq. ; Pie  IX, Quanto conficiamur mœrore, Denzinger 1677).

Cependant, il ne faudrait pas croire que n’importe quelle sorte de désir d’entrer dans l’Église suffise pour le salut. Le désir par lequel quelqu’un adhère à l’Église doit être animé de charité parfaite. Un désir implicite ne peut pas non plus produire son effet si l’on ne possède pas la foi surnaturelle « car celui qui s’approche de Dieu doit croire qu’il existe et qu’il rémunère ceux qui le cherchent » (Heb. XI, 6). Le Concile de Trente déclare : « La foi est le principe du salut de l’homme, le fondement et la racine de toute justification. Sans elle, il est impossible de plaire à Dieu et de compter parmi ses enfants » (Session VI, c. 8 ; Denzinger 801).

Il est évident, d’après ce qui précède, que les idées proposées par le périodique From the Housetops (n. 3) comme l’enseignement authentique de l’Église catholique, sont loin de l’être et sont très dangereuses aussi bien pour ceux qui sont dans l’Église que pour ceux qui vivent en dehors d’elle.

De cet exposé doctrinal découlent certaines conclusions touchant à la discipline et à la conduite, que ne peuvent méconnaître ceux qui défendent avec vigueur la nécessité d’appartenir à la véritable Église et de se soumettre à l’autorité du Pontife romain et des évêques « que l’Esprit-Saint a désignés pour gouverner l’Église » (Act. XX, 28).

C’est pourquoi il est inexplicable que le St. Benedict Center puisse prétendre être un groupe catholique et désirer être considéré comme tel et qu’en même temps il ne se conforme pas aux prescriptions des canons 1381 et 1382 du Code de droit canonique, et continue d’être une cause de discorde et de révolte contre l’autorité ecclésiastique, et de trouble pour beaucoup de consciences.

En outre, il est difficile de comprendre qu’un membre d’un Institut religieux, le P. Feeney, se présente comme « défenseur de la foi » et qu’en même temps il n’hésite pas à attaquer l’enseignement donné par les autorités légitimes et ne craigne même pas d’encourir les graves sanctions dont le menacent les sacrés canons pour les violations graves de ses devoirs de religieux, de prêtre et de simple membre de l’Église.

Enfin, il n’est pas prudent de tolérer que certains catholiques revendiquent pour eux-mêmes le droit de publier un périodique, dans l’intention d’y exposer des doctrines théologiques, sans la permission de l’autorité ecclésiastique compétente, que l’on appelle imprimatur et qui est prescrite par les sacrés canons.

Ceux, donc, qui s’exposent au grave danger de s’opposer à l’Église, doivent méditer sérieusement qu’une fois que « Rome a parlé », ils ne peuvent passer outre même pour des raisons de bonne foi. Leur lien à l’Église et leur devoir d’obéissance sont certainement plus stricts que pour ceux qui adhèrent à elle « seulement par un désir inconscient ». Qu’ils comprennent qu’ils sont les enfants de l’Église, affectueusement soutenus par elle avec le lait de la doctrine et les sacrements, et que, après avoir entendu la voix de leur Mère, ils ne peuvent donc pas être excusés d’ignorance coupable. Qu’ils comprennent que le principe suivant s’applique à eux sans restriction : La soumission à l’Église catholique et au Souverain Pontife est nécessaire au salut.

Ce document fut rendu public le 4 septembre 1952. Le Père Feeney, au lieu de se soumettre, se révolta davantage et commença une campagne de violence contre l’autorité de l’Église. Le 25 octobre 1952, il fut mandé à Rome mais refusa de s’y rendre ; après un dernier avertissement, il fut excommunié.

Il continua à occuper le Centre Saint-Benoît et eut une centaine d’adeptes qui, au milieu de leurs prières, lançaient des invectives. Ils prirent le nom d’Esclaves du Cœur Immaculé de Marie. Le Père Feeney fut absous par Paul  VI en 1972, sans qu’aucune rétractation lui soit demandée ! Belle collusion…

Décret du Saint-Office

Comme le prêtre Léonard Feeney, résidant à Boston (Saint Benedict Center), lequel à cause du grave refus d’obéissance à l’Autorité ecclésiastique avait été déjà suspendu a divinis, nonobstant les avertissements réitérés et l’instante menace d’excommunication à encourir ipso facto, n’est pas venu à résipiscence, les Éminentissimes et Révérendissimes Pères préposés à excommunié avec la sauvegarde de la foi et des mœurs, dans la séance plénière du mercredi 4 février 1953, l’ont déclaré tous les effets de droit.

Et le jeudi 12 février 1953, Sa Sainteté Pie  XII, Pape par la Providence de Dieu, a approuvé, confirmé le décret des Éminentissimes Pères et ordonné qu’il fût rendu public [AAS XLV, 1953, p. 100].

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4 mars 2014 2 04 /03 /mars /2014 17:27

 

Dans cinq articles récents de son blog Kyrie eleison (http://www.dinoscopus.org/), mgr Richard Williamson a entrepris une tâche qui dépasse manifestement ses compétences théologiques et qui donne à penser sur son adhésion à la doctrine catholique ; en effet, il porte à leur paroxysme les faux principes professés et mis en œuvre dans la fraternité Saint-Pie-X.

Il a dessein de réfuter les sédévacantistes – ce qui est un droit que personne ne lui conteste – sans même sembler se rendre compte que l’origine séparatiste de son épiscopat est mille fois plus problématique, puisqu’une telle origine est explicitement condamnée par l’Église, et qu’elle constitue un « attentat contre l’unité de l’Église » dixit Pie XII. Quoi qu’il en soit et indépendamment de cela, la diatribe williamsonienne échoue totalement, pour la simple raison qu’elle revient à nier la doctrine catholique et à vider le sens des textes dogmatiques pour les rendre inopérants : elle ne peut être que fausse et néfaste.

*

On sait que je goûte peu ce mot de sédévacantisme, en ce qu’il donne à croire qu’il désigne un principe présentant quelques traits originaux, que ses partisans veulent promouvoir et voir durer. La réalité est au rebours de cela : l’affirmation que le Saint-Siège est vacant de toute autorité pontificale est une conclusion (conclusion qui demeure à l’intérieur de la lumière de la foi), que les sédévacantistes désirent voir finir au plus vite (par des moyens primordialement surnaturels, conformes à la constitution de l’Église) ; c’est une conclusion qui les attriste mais qu’ils croient indispensable de reconnaître pour professer la foi catholique dans son intégrité et pour ne pas gauchir la doctrine de l’Église.

Si mgr Williamson s’était avisé de cela, il se serait placé au point de vue de l’acte de foi et de la doctrine que l’Église professe sur elle-même, au lieu de se laisser aller à un naturalisme qui lui fait multiplier les sophismes (c’est-à-dire les raisonnements qui ont une apparence de sagesse, mais qui sont trompeurs et erronés). Je me contente d’en mentionner quelques-uns.

« La question [des papes conciliaires] n’est pas d’une importance primordiale. S’ils n’ont pas été Papes, de toute manière la foi catholique et la morale, au moyen desquelles je dois “faire mon salut avec crainte et tremblement” (Phil. II, 12) n’ont pas changé d’un iota. Et, s’ils ont été Papes, de toute façon je ne peux leur obéir dans la mesure où ils se sont éloignés de cette foi et de cette morale, car “nous devons obéir à Dieu avant que d’obéir aux hommes” (Act. V, 29). »

Voilà un paragraphe qui ne manque pas d’impressionner quiconque a le souci du salut de son âme… mais qui en réalité n’est qu’un grossier sophisme. Car voici la foi catholique : « En conséquence nous déclarons, disons et définissons qu’il est absolument nécessaire au salut, pour toute créature humaine, d’être soumise au pontife romain » (Boniface VIII, bulle Unam Sanctam, 18 novembre 1302). Dissocier le salut éternel d’avec la soumission au Souverain Pontife, c’est injurier Jésus-Christ qui a fondé l’Église sur saint Pierre et ses successeurs, et perdre les âmes.

Invoquer les Actes des Apôtres (« il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ») contre le Souverain Pontife ne manque pas d’impressionner tous ceux qui veulent obéir à Dieu par-dessus tout, mais c’est en réalité un grossier sophisme. Car voici la foi catholique : « Bien au contraire, le divin Rédempteur gouverne son Corps mystique visiblement et ordinairement par son vicaire sur la terre » Pie XII, Mystici Corporis, 29 juin 1943. Dissocier l’autorité du souverain Pontife d’avec l’autorité de Jésus-Christ, ou prétendre qu’obéir au Pape c’est simplement « obéir aux hommes », c’est injurier Jésus-Christ qui a communiqué sa propre autorité à saint Pierre et à ses successeurs, et perdre les âmes.

Et mgr Williamson d’appeler au passage saint Augustin à la rescousse, en lui attribuant le principe : in dubiis libertas. Non seulement l’attribution est fausse [1], mais plus encore saint Augustin tiendrait que le doute, en matière de doctrine et d’action, n’engendre pas la liberté mais la nécessité de chercher plus intensément la vérité. Le doute n’est pas un bien désirable (ce qui pourrait justifier la liberté qu’on lui attache) mais une carence de l’esprit, à laquelle on doit remédier — si ce peut être l’objet d’une quête vertueuse.

Fort de cela, mgr Williamson entreprend une démolition systématique du Magistère de l’Église : le Magistère ordinaire et universel n’existe plus, parce qu’il veut entendre ordinaire dans un sens trivial, et qu’il entend universel dans un sens explicitement écarté par le (premier) concile du Vatican et adopté par le magistère post-conciliaire [2]. Les jugements ex cathedra du souverain Pontife n’existent plus, puisqu’ils doivent se fonder (prétend-il) sur le magistère ordinaire et universel (qui n’existe plus) ; il soutient cette prétention en contradiction avec la définition du (premier) concile du Vatican qui précise que « ces définitions du Pontife romain sont irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église ».

Cette démolition continue par la confusion de l’ordre de la connaissance et l’ordre de l’être, par la confusion entre l’infaillibilité et l’inerrance [3] ; par la prétention de faire de la conformité à la Tradition une condition de l’infaillibilité du magistère, alors qu’elle en est la conséquence [4] etc.

Il n’y a plus de magistère, plus d’obéissance, plus d’unité de la hiérarchie… plus rien. Vider le dogme catholique par l’intérieur, en altérant les notions que Dieu et le Magistère de l’Église utilisent pour s’adresser à l’intelligence humaine, cela a un nom dans l’histoire des doctrines : cela s’appelle le modernisme. Modernisme au sens précis du terme, tel que le forge saint Pie X. Je n’utilise pas le terme au sens mondain ni au sens qu’on rencontre dans les polémiques menées par des ignorants : mais bien au sens de la destruction de l’intelligence de la foi.

Il n’y a plus d’Église catholique non plus. Car, comme bouquet final, pensant « regarder vers l’infinie hauteur et profondeur de Dieu Lui-même », voilà que mgr Williamson nous livre le fond de sa pensée : depuis sept siècles, l’Église catholique s’est placée à la remorque de l’humanité qui tourne le dos à Dieu ; l’Église est sur une mauvaise pente, et, pour compenser ou camoufler cela, elle renforce l’infaillibilité du Magistère. Que voilà une fine théologie, un profond amour de l’Église. Le chevalier Williamson se retrouve, à travers les siècles, seul à combattre de façon efficace et adéquate « l’hérésie universelle du libéralisme ». Mais à quel prix !

Nous en sommes rendus à un triste niveau. Kyrie eleison, c’est le cas de le dire et de le répéter sans cesse : Seigneur, ayez pitié de nous.

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[1]  Souvent, on voit çà ou là attribuer à saint Augustin l’adage : « In necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas », unité dans les choses nécessaires, liberté dans les choses douteuses, charité en toutes choses.

Or cette formule est introuvable dans saint Augustin. En fait, elle est due au protestant Peter Meiderlin (Rupertus Meldenius) (22 mars 1582 – 1 juin 1651) à propos des controverses entre protestants.

Référence : Joseph Leclerc s.j. dans Recherches de sciences religieuses, tome XLIX, décembre 1961, pp. 549-560. Note complémentaire dans le tome LII-3 page 432 (1964). Cf. Esprit et Vie (ex Ami-du-Clergé) du 20 mars 1973, page 98 (couverture).

Hypothèse : c’est le titre de l’œuvre [Paraenesis votiva pro pace ecclesiæ ad theologos augustanæ confessionis] d’où est tirée cette phrase qui l’aurait fait attribuer à saint Augustin — mais par grossière confusion, car « Augustanæ Confessionis » ne désigne pas les « Confessions de saint Augustin » mais la « Confession d’Augsbourg », manifeste doctrinal du protestantisme luthérien.

Il est d’ailleurs difficile d’attribuer ce texte à saint Augustin, pour peu qu’on y réfléchisse un peu.

Il n’aurait bien sûr fait aucune difficulté pour « in omnibus caritas », bien au contraire.

Mais la distinction entre « dubiis » et « necessariis » relève du grand écart : non seulement ce sont deux notions qui ne sont pas du même genre (l’une ressortit à la connaissance, l’autre à l’être) mais aussi entre les deux, il y a tout le probable, et le certain contingent. Et puis il y a des choses douteuses qu’on peut (ou même qu’on doit) laisser en l’état, tandis qu’il y a des doutes qu’on a le devoir de lever : quand il y va de l’honneur de Dieu, de la validité des sacrements, de la conduite à suivre en justice, de ce qui est nécessaire à la compréhension de la foi et de la parole du Magistère.

En fait, cette distinction n’a de sens que dans l’optique du libre examen protestant : là où la Bible ne souffre aucune divergence d’interprétation, nécessité et unité. Le reste est rejeté dans le domaine du douteux et du libre, chacun étant juge de ce qui est nécessaire et ce qui est douteux.

[2]  Concile du Vatican, Dei Filius, Denzinger 1792 : « On doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu écrite ou transmise par tradition, et que l’Église, soit dans un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel propose à croire comme vérité révélée. » Le sens de l’expression Magistère ordinaire et universel est précisé dans les interventions et rapports officiels de la Députation de la foi, chargée d’expliquer aux Pères avant le scrutin le sens exact de ce qu’ils allaient définir. La Députation renvoie à la Lettre apostolique de Pie  IX Tuas libenter du 21 décembre 1863 : « Quand il ne s’agirait que de la soumission qui doit se manifester par l’acte de foi divine, on ne pourrait pas la restreindre aux seuls points définis par les décrets des Conciles œcuméniques ou des Pontifes romains et de ce Siège apostolique ; il faudrait encore l’étendre à tout ce qui transmis, comme divinement révélé, par le corps enseignant ordinaire de toute l’Église dispersée dans l’univers » Denzinger 1683. Universel indique dans cette expression l’universalité de l’Église enseignante le Pape et les évêques subordonnés. Le Magistère universel est donc le pouvoir d’enseignement de l’Église exercé par le Pape et l’ensemble des évêques actuellement vivants. Il est ordinaire parce qu’il a lieu par mode d’exposé, et non par mode de jugement solennel.

Voici que mgr Williamson veut entendre ordinaire au sens où on l’emploie dans l’expression triviale : Ça, c’est pas ordinaire ! et qu’il se rallie au sens post-conciliaire du mot universel, à savoir l’universalité dans le temps et non simplement dans l’espace — diachronique et non simplement synchronique (Note doctrinale de la Congrégation pour la doctrine de la foi jointe à la lettre apostolique Ad tuendam fidem de Jean-Paul II, 18 mai 1998).

[3]  Cette confusion lui avait déjà été signalée en 1979 par le R. P. Guérard des Lauriers (Cahiers de Cassiciacum, n°2, novembre 1979, pp. 88-91) et je lui en avais moi-même montré qu’elle rend vaine l’infaillibilité du Magistère de l’Église, tant celle du Pape que celle de l’Église enseignante dans toute son extension : c’était au cours d’une retraite, au moment de prendre congé, le 20 (ou 21 ?) novembre 1979 à Écône.

[4]  Cette prétention, non seulement détruit l’infaillibilité du Magistère, mais rend impossible la foi catholique elle-même. Voyez http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/0/18/98/43/La-foi-est-infrangible/A-5-Ruine-de-la-foi.pdfet aussi http://www.quicumque.com/article-la-sainte-eucharistie-et-le-nouveau-jansenisme-75355722.html.

[5]  Tout au long de ces cinq articles, on assiste à une invocation répétée, incantatoire, de la lutte contre le libéralisme. Au mépris de la doctrine, au mépris du Magistère, au mépris de l’être historique de l’Église. Tout cela ne laisse pas d’être inquiétant.

On connaissait un « antilibéralisme » qui permet de juger et de dénigrer son prochain. On connaissait un « antilibéralisme » qui permet de s’immiscer dans toutes les affaires du prochain. On connaissait un « antilibéralisme » qui permet d’occulter des situations matrimoniales irrégulières, d’effacer de graves déviations morales ou de faire comme si de lourdes censures avaient été absoutes (« l’aumône antilibéralisme couvre une multitude de péchés »). On a maintenant un « antilibéralisme » qui se nourrit de modernisme… Le caractère commun de ces « antilibéralismes », c’est qu’ils ne définissent jamais ce qu’est le libéralisme. C’est pourtant par là qu’il faut commencer si l’on veut se garder de lui et le combattre vraiment.

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5 décembre 2013 4 05 /12 /décembre /2013 20:14

La collection Magnificat (mallette contenant des fiches consacrées à la doctrine et à la culture catholique – vous pouvez toujours souscrire, cliquez ici) poursuit son bonhomme de chemin ; elle aborde parfois des sujets qui revêtent une importance particulière en ceci qu’ils concernent des erreurs qui couvent plus ou moins sous la cendre de gens désireux de conserver la foi catholique, mais peu éclairés sur l’enseignement précis de l’Église catholique.

En voici un bon exemple dans la fiche consacrée au Millénarisme dont voici, en avant première, le texte.

I.  Le millénarisme « dur »

Le millénarisme est une transposition « baptisée » du messianisme temporel que les Juifs se sont mis à professer à partir de l’exil de Babylone : messianisme qui a empêché la majorité d’entre eux de reconnaître en Jésus-Christ le Messie et le Fils de Dieu. Le millénarisme est la même erreur, rapportée au deuxième avènement de Jésus-Christ — celui où il doit revenir en puissance et majesté pour juger les vivants et les morts.

Voici un extrait très instructif du Sens mystique de l’Apocalypse de Dom Jean de Monléon (pp. 324-327) à propos du chapitre XX du livre de saint Jean.

« Tous ces serviteurs restés fidèles à Dieu malgré les persécutions [au temps de l’Antéchrist] sont morts, il est vrai, aux yeux des hommes : mais, en réalité, aussitôt franchies les portes de l’autre monde, ils ont trouvé, dans l’union de leur âme avec leur Créateur, une vie nouvelle bien plus parfaite que celle d’ici-bas. Et ils ont régné mille ans avec le Christ.

« Ces derniers mots demandent quelques explications, car c’est sur eux que s’est greffée la doctrine dite du millénarisme ; doctrine rejetée par l’Église depuis des siècles, et qui voit cependant de temps à autre, de nouveaux champions se lever en sa faveur, sous le fallacieux prétexte qu’elle a pour elle l’opinion de plusieurs Pères authentiquement orthodoxes. Ses tenants, les millénaristes, appelés aussi chiliastes, soutiennent que bien avant le jour de la résurrection générale, les justes reprendront leurs corps, et ainsi ressuscités, régneront mille ans sur cette terre, dans Jérusalem restaurée, avec le Christ. Ensuite viendra la dernière révolte de Satan, le combat suprême mené contre l’Église par Gog et Magog, l’écrasement des rebelles par Dieu, enfin la résurrection universelle suivie du Jugement dernier. Il y aurait ainsi deux résurrections successives, séparées par un intervalle de mille ans : celle des martyrs d’abord, celle ensuite du reste de l’humanité.

« La théorie du millénarisme avait des racines dans la littérature juive, hantée toujours par l’idée d’un Messie régnant glorieusement sur la terre. Reprise, au temps de saint Jean, par l’hérésiarque Cérinthe, il est exact qu’aux IIe et IIIe siècles de l’ère chrétienne, quelques Pères, et non des moindres, l’adoptèrent, sous des formes diverses et plus ou moins atténuées. On peut citer parmi eux saint Justin, saint Irénée, Tertullien et alii

« Mais le sentiment de ces écrivains ne peut en aucune façon être regardé comme représentant la croyance de l’Église : pour qu’en effet le témoignage de plusieurs Pères puisse être considéré comme l’expression de la Tradition catholique, il faut, disent les théologiens, “qu’il ne soit pas contesté par d’autres”. Or, cette condition n’existe nullement en l’occurrence : déjà saint Justin reconnaissait que la théorie millénariste était loin d’être admise par tous ; Origène la réprouvait et la traitait d’ineptie judaïque. Saint Jérôme rompt délibérément avec elle : “Nous n’attendons pas, nous, écrit-il, d’après les fables que les Juifs décorent du nom de traditions, qu’une Jérusalem de perles et d’or descende du ciel […]. Il n’y a que trop des nôtres qui ont pris au sérieux ces promesses […] ”

« Saint Augustin se prononce dans le même sens : s’il marque d’abord quelques hésitations, on le voit ensuite, dans La Cité de Dieu, condamner nettement le chiliasme, et cette opinion est celle qui prévaut désormais, aussi bien en Orient qu’en Occident, dans l’Église. À partir du IVe siècle, on ne trouve plus un écrivain catholique digne de considération qui défende le millénarisme, et le sentiment unanime des théologiens, au premier plan desquels il faut citer saint Thomas et saint Bonaventure, l’écarte résolument. […]

« L’expression : Et ils ont régné mille ans avec le Christ doit donc, comme nous l’avons indiqué déjà, s’entendre dans un sens mystique. Les mille ans désignent toute la période qui s’étend entre le jour où le Christ a, par sa Résurrection, rouvert le royaume des cieux, en en franchissant les portes avec sa Très Sainte Humanité, et celui où, grâce à la résurrection générale, les corps des élus y entreront à leur tour. Mais les âmes des bienheureux, elles, y sont déjà, étroitement unies à Celui qui est leur vraie vie ; elles participent à la gloire du Christ, elles constituent sa cour, elles règnent avec Lui. »

L’étude et la réfutation du millénarisme sont l’objet d’une thèse du classique ouvrage du Cardinal Jean-Baptiste Franzelin, Tractatus de divina Traditione et scriptura, S. C. de Propaganda fide, Rome 1882, thèse XVI, pp. 186-201.

Au cours d’une discussion serrée, il invoque spécialement le témoignage de saint Thomas d’Aquin (in IV Sent. dist. XLIII q. 1 a. 3 sol. 1 ad  4) : « À l’occasion des paroles de l’Apocalypse (c. xx), comme le raconte saint Augustin (La Cité de Dieu, l. XX), certains hérétiques ont affirmé que les morts ressusciteraient une première fois afin qu’ils règnent avec le Christ sur la terre pendant mille ans : d’où ils sont appelés chiliastes ou millénaristes. Saint Augustin montre qu’il faut entendre les paroles de l’Apocalypse de la résurrection spirituelle par laquelle les hommes ressuscitent du péché par le don de la grâce. La seconde résurrection est celle des corps. C’est l’Église qui est appelée le Règne du Christ… »

Le millénarisme est l’exemple même d’une théorie explorée par certains Pères, mais qui n’est pas traditionnelle parce qu’elle n’a pas été transmise. Bien au contraire, il a subi un définitif coup d’arrêt de la part de Pères majeurs de l’Église (saint Jérôme, saint Augustin) et il a été rejeté du corps de la doctrine catholique. Il a bien resurgi de temps à autre, mais ce fut dans les milieux hétérodoxes et dans les sectes protestantes.

II.  Le millénarisme « mitigé »

À côté du millénarisme franchement  hétérodoxe et multiforme (et ridicule, dit saint Augustin), est parfois professé un millénarisme adouci (c’est cela le vrai sens de mitigé ) qui s’efforce d’éviter les oppositions trop criantes avec la doctrine de l’Église.

Le Pape Pie XII, le 21 juillet 1944, a fait porter par le Saint-Office un décret ainsi libellé :

« Ces derniers temps, on a plus d’une fois demandé à cette Suprême Congrégation du Saint-Office ce qu’il faut penser du système du millénarisme mitigé qui enseigne qu’avant le jugement dernier, précédé ou non de la résurrection de plusieurs justes, le Christ notre Seigneur viendra visiblement sur notre terre pour y régner.

« Réponse : Le système du millénarisme mitigé ne peut pas être enseigné de façon sûre. »

La sentence portée par le Saint-Office est l’extension à l’Église universelle d’une condamnation notifiée trois ans auparavant (11 juillet 1941) dans une réponse adressée à l’Archevêque de Santiago du Chili. Cette lettre, qui est libellée dans les mêmes termes que ceux rapportés ci-dessus, précise en outre deux choses qui permettent de bien saisir la portée de l’acte.

1.  Ce qui est visé par la condamnation, c’est le millénarisme tel qu’il est professé dans le livre d’Emmanuel Lacunza (publication posthume sous le pseudonyme de Ben Ezra) La Venida del Mesías en gloria y majestad, ouvrage déjà condamné (Index du 6 septembre 1824).

2.  Le devoir de l’Archevêque est de veiller – par des moyens efficaces – que cette fausse doctrine ne soit, sous quelque prétexte que ce soit, ni enseignée, ni propagée, ni justifiée ni recommandée, que ce soit de vive voix ou par des écrits.

Nous savons ainsi de quelle doctrine il s’agit : celle propagée par Ben Ezra ; et ce qu’il faut entendre par tuto doceri non posse — ne peut être enseigné de façon sûre : ni enseignement, ni apologie.

En outre, l’ouvrage de Ben Ezra étant inscrit au catalogue de l’Index (et encore présent dans l’ultime édition), il ne peut être ni détenu, ni lu, ni acheté, ni vendu. Le choix est entre le feu et la poubelle !

Si l’on traduit en langage courant la réponse du Saint-Office, cela donne : il faut se méfier du millénarisme mitigé ; et si l’on ajoute les précisions apportées par la lettre, on complète : comme de la peste.

L’Église nous enjoint donc fermement de nous méfier du millénarisme mitigé comme de la peste. Mais pourquoi donc ?

—  Du point de vue de la vérité (point de vue fondamental du Saint-Office), ce millénarisme n’est pas enseigné par la Révélation divine publique, qui pourtant seule peut nous faire connaître un avenir qui ne dépend que de la volonté de Dieu.

—  Notre espérance a comme objet le Royaume de Gloire au Ciel : celui-là existe déjà, nous l’attendons activement et nous pouvons être appelés à tout instant.

—  Le combat pour la Royauté sociale de Jésus-Christ est un combat présent, dans la société contemporaine, pour l’Église catholique, qui est dès maintenant le Règne de Jésus-Christ sur la terre, et un règne qui est principalement spirituel.

 

—  La vie chrétienne n’est pas l’attente d’une sorte de nouvelle rédemption : c’est aujourd’hui qu’il faut vivre en état de grâce pour plaire à Dieu, dans la prière et le devoir d’état, dans l’esprit filial et l’amour du prochain. Le reste n’est que mythique et imaginaire.

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30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 21:41

Pendant qu'à Rome, les discussions dans l'aula conciliaires faisaient craindre un amoindrissement de la doctrine catholique sur les sources de la Révélation divine, Dom Jean de Monléon publia dans la revue Itinéraires un article rappelant l'enseignement de l'Église à ce propos.

On appelle sources de la Révélation les « monuments » où Dieu a déposé les vérités qu'il révèle au genre humain. Ces sources sont au nombre de deux : la sainte Écriture et la Tradition apostolique.

Ce qui était prévisible arriva : la constitution Dei Verbum réduit (en pratique) la Tradition apostolique à n'être qu'une source auxiliaire de la sainte Écriture, et non pas une source à part entière, par laquelle nous sont connues des vérités révélées qui ne sont pas consignées dans la sainte Bible (l'Assomption de la bienheureuse Vierge Marie, par exemple).

La lecture de l'article de Dom de Monléon est toute indiquée pour nous remettre en lumière et en honneur des notions capitales pour la vie de l'Eglise et la nôtre, puisqu'il s'agit des fondements même de la foi catholique.

 

Voici donc : Révélation, traditions et Tradition par Dom Jean de Monléon.

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27 mars 2013 3 27 /03 /mars /2013 10:11

Extrait du bulletin Notre-Dame de la Sainte-Espérance n. 279 (avril 2013)

Voici la transcription (corrigée) d’une lettre envoyée à une personne qui s’étonne du refus des sacres épiscopaux sans mandat apostolique alors que (dit-elle) le problème n’est pas que Mgr Lefebvre serait allé trop loin(en sacrant) mais plutôt pas assez loin(en ne récusant pas Paul  VI ni Jean-Paul  II). En fait, la cause des égarements et des équivoques qui gangrènent le monde « tradi » est une erreur de cible. Tentons de prendre la mesure des erreurs qui circulent parmi nous et de leurs conséquences.

Vous me dites que vous estimez que Mgr Lefebvre n’est pas allé « assez loin », et que la conséquence en est une immense équivoque.

Tout comme vous, et davantage encore, je déplore que Mgr Lefebvre n’ait pas clairement énoncé l’impossibilité que Paul  VI et Jean-Paul  II, en raison de leurs actes destructeurs, aient été des vrais papes de l’Église catholique, revêtus de l’autorité de Jésus-Christ, tenant sa place à la tête de l’Église militante.

Mais je crois que le vice de cette position est plus profond que le simple fait qu’elle est incomplète. Ce n’est pas pour jeter la pierre à Mgr Lefebvre ni à quiconque que je le dis. Nous savons combien le modernisme résurgent de Vatican  II a été habile ; combien il était difficile à des hommes d’Église formés au temps de l’ordre, de réagir à l’encontre de tout ce qu’ils avaient appris quant à la soumission et à l’obéissance dues au Pape. Nous devons tous – et moi en particulier – beaucoup trop à Mgr Lefebvre pour lui faire grief de carences qui auraient été beaucoup plus graves si nous avions été à sa place.

Le vice que j’évoque tient en ceci : on s’en est pris au Pape, alors qu’il fallait s’en prendre à Paul  VI et à ses successeurs ; on a « dépouillé » le Pape au lieu de « dépouiller » Paul  VI.

Pour expliquer (ce qui était salutaire) les erreurs dans la foi et les réformes protestantes qui ont foisonné à Vatican  II et dans ce qui en est issu, pour justifier de les combattre et de les refuser (ce qui était nécessaire), au lieu de récuser Paul  VI (et consorts) et de dire qu’il n’était pas un vrai Pape, on a récusé le souverain pontificat.

On a donc diminué – ou carrément nié – les prérogatives que Jésus-Christ communique à son Vicaire, et par lui à son Église. Ainsi on a commencé à prétendre que le Pape n’est pas infaillible (hormis la locution ex cathedra, qu’on travestit d’ailleurs en magistère extraordinaire – appellation inconnue de l’Église – pour n’avoir à la reconnaître que plus rarement encore). Fort de cela, on a ensuite prétendu que l’obligation d’obéissance est liée à l’infaillibilité, ce qui « justifie » une désobéissance généralisée à une autorité qu’on reconnaît pourtant comme vraie et surnaturelle.

Ainsi encore, pendant des décennies, on a passé sous silence l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel (dont le Pape est le principe), et on a fini par la reconnaître du bout des lèvres en modifiant le sens du mot universel (lequel, selon l’enseignement de l’Église, ne désigne pas ici l’universalité dans le temps, mais l’universalité du corps épiscopal à un moment donné).

Ainsi, on a nié l’infaillibilité de l’Église et du Pape dans la promulgation des lois générales, et dans la constitution des rites liturgiques, au rebours de l’enseignement du concile de Trente et de celui du pape Pie  VI (entre autres). Dans la même ligne, on a nié l’infaillibilité des canonisations.

Ainsi, on a nié que le Pape est la source de toute la juridiction ecclésiastique, en inventant une juridiction de suppléance [1] dont « nous et nos amis » seraient revêtus de façon permanente, universelle, et bien plus étendue que celle qu’on aurait en situation normale (finalement, c’est bien confortable la crise de l’Église…). Pis encore, on a inventé la notion de juridiction dégoulinante (l’appellation est de moi) que le censé vrai Pape donnerait à son insu et malgré lui à la fraternité Saint-Pie-X.

Ainsi encore, on a nié que le Pape est le principe de l’ordre judiciaire dans l’Église, en organisant des tribunaux qui dispensent et dissolvent, par le simple fait qu’on a décidé que ce devait être, alors qu’ils n’ont aucun titre à le faire.

Ainsi on a nié que le Pape a l’exclusivité de la constitution de la hiérarchie ecclésiastique, en prétendant qu’on peut sacrer des évêques sans mandat apostolique, moyennant l’entourloupette de dire qu’ils sont dépourvus de juridiction (alors qu’en fait ils agissent comme s’ils avaient une juridiction quasi-papale) et le stratagème de raconter qu’ils ne font pas partie de la hiérarchie (sans se rendre compte que c’est les vouer soit au néant soit au schisme).

Il faut dire, pour être juste, que beaucoup de ceux qu’on nomme sédévacantistes ont prêté main-forte à ce forfait de dépouillement du pape et de la papauté par le recours aux sacres sans mandat apostolique, et par l’acceptation des sentences des tribunaux soit conciliaires soit fraternitaires.

Au bout du compte, il ne reste plus rien du Pape, sinon une référence historique et mondaine. Mais reconnaître dans le Pape la règle vivante de la foi et la source de la hiérarchie (tant selon l’ordre que selon la juridiction), plus personne n’y songe. Les « tradis » ont rejoint voire dépassé les modernistes dans cette entreprise de démolition ; et c’est la démolition d’une réalité proprement fondamentale de l’Église : Tu es Petrus et super hanc petram

Vous comprendrez que je ne veux ni participer à cette entreprise, ni l’encourager ni en tirer quelque profit. En aucune façon, dans aucun des domaines que j’ai évoqués ci-dessus, je ne veux saper la doctrine catholique, ni diminuer la vérité, ni favoriser un esprit d’anarchie qui m’inquiète autant que les innovations conciliaires (et Dieu sait si celles-ci me semblent exécrables).

Je ne méconnais pas pour autant le bien que la fraternité Saint-
Pie-X a pu faire et fait encore : ce serait injuste ; je ne méconnais pas pour autant l’état de nécessité dans lequel nous nous débattons ; je ne méconnais pas pour autant l’immense besoin des âmes. Mais j’affirme que la solution de nos maux n’est pas dans la déformation de la doctrine catholique, qu’elle n’est pas dans l’usurpation de pouvoirs que l’Église ne nous attribue pas, ni dans l’opposition à la constitution de la sainte Église catholique.

Je joins à cette lettre quelques documents pour expliciter et étayer cela (je veux dire : le refus des sacres épiscopaux sans mandat apostolique). En attendant, voici deux petites illustrations.

Tout d’abord, Pie  IX dit que la constitution de l’épiscopat est la tâche principale du pape ; sa première responsabilité devant le Bon Dieu est la nomination des évêques. Personne d’autre ne peut le remplacer dans cet office qu’il tient directement de Jésus-Christ. C’est la constitution même de l’Église catholique que Jésus-Christ fait le Pape, que le Pape légitime fait les évêques, et que l’évêque légitime fait les prêtres et les soldats de l’Église.

Pendant la révolution française, le 12 juillet 1797, l’archevêque de Lyon en exil, Mgr de Marbeuf, supplie le Pape Pie  VI de lui donner un auxiliaire parce que des évêques intrus « se sont répandus dans son diocèse et y ont attiré de nombreux fidèles, notamment “par l’appât du sacrement de Confirmation qu’ils s’empressaient de leur offrir et de leur conférer en l’absence de leur légitime évêque” » (Charles Ledré, Le culte caché sous la révolution, Bonne-Presse, Paris 1949, p. 125). Rien n’a donc changé ; les prétextes d’hier ressortent aujourd’hui et paraissent inusables.

C’est avec une grande circonspection, en se référant sans cesse à l’enseignement que l’Église dispense sur elle-même, sur son autorité, son apostolicité, son infaillibilité, sa constitution et son épiscopat, qu’il faut parler et agir. La justesse du combat est à ce prix. 

Note

[1]   Je ne vise pas du tout la possibilité (réelle) de la suppléance par l’Église, au goutte-à-goutte, d’une juridiction sacramentelle inexistante. Je veux parler de l’affirmation (explicite ou implicite) que, « par suppléance », les prêtres de la fraternité Saint-Pie-X jouissent d’une juridiction permanente, s’étendant même à l’ordre non-sacramentel.

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