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18 décembre 2013 3 18 /12 /décembre /2013 16:17

Quicumque a déjà eu l'occasion de parler de ce chant de Noël dans une article de 2011.

Voici un nouveau document, apte à éclairer et compléter le dossier. Il s'agit d'un article paru dans Musicra Sacra Malines en 1959. Vous en trouverez l'essentiel sous ce lien. Ce qui a été omis consiste en un jugement d'ensemble sur l'état de la musique en France au XIXe siècle, et ne concerne qu'indirectement notre sujet.

C'est pour nous l'occasion de nous rappeler la sainteté profonde de la fête de Noël et du mystère de l'Incarnation. Que Dieu nous accorde la grâce de le célébrer avec toute la dignité possible, et que la sainte Vierge Marie nous en fasse goûter la douceur et la paix.

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18 décembre 2013 3 18 /12 /décembre /2013 10:56

Le chant grégorien est l’un des plus purs joyaux du patrimoine de l’Église catholique, la splendeur de sa liturgie et une véritable école de sainteté. Il y a donc, pour tout fidèle, un spécial appel à en prendre la défense et à le pratiquer.

La Renaissance – la Rechute selon le mot si juste de Chesterton – avait méprisé le chant grégorien et dénaturé sa ligne mélodique simple et sa rythmique unique, tissues de prière et de contemplation.

La restauration de ce chant plus que millénaire fut entreprise au milieu du XIXe siècle sous l’impulsion de Dom Prosper Guéranger, dans le but fondamental de prier, et de prier comme on priait aux âges de foi. L’artisan principal de cette restauration tant mélodique que rythmique fut Dom André Mocquereau, dont l’atelier de paléographie musicale a atteint une science et une rigueur d’une ampleur qui n’a jamais été égalée, sans détriment aucun pour l’esprit de piété — bien au contraire. C’est le Pape saint Pie X qui a donné le cadre juridique et l’impulsion morale pour que cette réforme soit étendue à toute l’Église latine : « Je veux que le peuple prie sur de la beauté ». Il était réservé à Dom Joseph Gajard, pendant le demi-siècle où il a dirigé le chœur de Solesmes, d’être le « bon ouvrier » de la diffusion du chant ressuscité et de sa rythmique, et le maître incontesté de l’interprétation qu’il a portée à une haute perfection. Il faut aussi mentionner les précieux travaux de Dom Eugène Cardinne, en qui la sémiologie trouve un maître-fondateur.

Le refroidissement de la foi et la destruction de la liturgie catholique, issus de Vatican II, ont considérablement amoindri la position du grégorien qui, pour une part notable, s’est réfugié chez qui demeurent fidèles à la liturgie traditionnelle.

Mais voici que le chant grégorien subit une nouvelle menace. Les théories de Marcel Pérès (né en 1956) et de son ensemble Organum (né en 1982) sur le chant grégorien pénètrent parmi les fidèles, et l’abbaye de Bellaigue – bénédictins issus du Barroux qui se sont rattachés à la fraternité Saint-Pie-X – semble en être le fer de lance et le diffuseur. Pour avoir assisté à une tranche de messe de Requiem dans leur église, je peux dire qu’on peut faire beaucoup de choses avec leur chant : écouter, s’immerger, se plaire, apprécier, pleurer, rire, s’extasier, détester, admirer, mépriser, envier… tout sauf prier. Et ce n’est pas étonnant.

Car le dessein avoué, publié et surtout mis en œuvre par Marcel Pérès et ses disciples est de séparer le chant grégorien de la foi catholique. Il est, littéralement, de profaner le chant grégorien. C’est une affirmation grave, dont on voit les conséquences sur toute la liturgie, qui demande donc à être sérieusement étayée.

Deux livres exposent les principes et les buts de Marcel Pérès et de son ensembleOrganum :

–  Marcel Pérès, Jacques Cheyronnaud, Les voix du plain-chant, 2001, Desclée de Brouwer, Collection Texte et voix (ci-dessous noté I) ;

–  Marcel Pérès, Xavier Lacavalerie, Le Chant de la mémoire : Ensemble Organum, 1982-2002, Desclée de Brouwer, Collection Texte et voix (ci-dessous noté II).

Ces deux livres ne font pas mystère de cette intention de séparer le chant grégorien de la foi, et de s’opposer diamétralement à l’école de Solesmes (avec une ironie méprisante). Citons.

« [Perspectives]. Bien que promus par l’Église, les trois premiers domaines [recherche musicologique, formation pratique à des répertoires religieux, diffusion] devraient pouvoir s’intégrer dans la société civile laïque. Les activités proposées seraient indépendantes de tout investissement de foi » (I, 171).

« C’est dans cette perspective de basculement et de rupture qu’il faut examiner le travail d’Organum (…).

« Rappelons d’abord les grandes lignes de cette révolution opérée à l’initiative de Marcel Pérès et de l’ensemble Organum (…).

« Dernier point, enfin, qui ne va pas sans provoquer quelques grincements de dents, parce qu’étroitement lié aux deux précédents : c’est en renouant avec des traditions vocales encore vivantes (chant polyphonique corse, musique sacrée byzantine, samaa des soufis marocains ou tunisiens) que l’on peut vérifier d’éventuelles correspondances entre les notations anciennes des musiques religieuses et les pratiques actuelles.

Ces confrontations fructueuses posent de manière cruciale toutes les divergences avec Solesmes. Options musicales, d’abord — Solesmes ayant des idées très précises sur ce que doivent être l’homogénéité des voix, la beauté des timbres, la justesse des attaques et des notes, l’égalité du tempérament, l’emploi, ou plutôt le non-emploi, des micro-intervalles comme les tiers ou les quart de tons, la nature des ornementations ; divergences idéologiques, ensuite, qui ont conduit Marcel Pérès à rompre avec la vision spiritualiste d’un chant éthéré et désincarné… (bla-bla)… » (II, 211).

« Faire chanceler les certitudes et repousser les limites de notre paysage sonore aura donc été la grande affaire de l’ensemble Organum et de Marcel Pérès. Au chant grégorien lisse, séraphique, tempéré, qui semblait si bien s’accorder au dépouillement et à la paix des ruines romanes, s’est substituée une variété infinie de plains-chants, puissants, solaires, croulant d’ornements… » (II, 213).

« Dans les monastères chrétiens (…) on chantait avec la foi : un artiste, lui, le fait en tant que professionnel. Souvent, l’ensemble Organum fait d’une cérémonie religieuse un spectacle profane » (II, 215).

« L’ensemble Organum est un outil de questionnement infini.

« Sur la musique, sur la mémoire. Sur la foi. Sur ce socle anthropologique… (bla-bla)… » (II, 215).

Pour être juste, il faut préciser que l’ironie méprisante à l’égard de Solesmes est exprimée surtout par les disciples de Marcel Pérès, et que celui-ci tient des propos plus modérés dans un entretien qu’il a donné à la revue La Nef en 2007 (quon peut lire ici). Marcel Pérès y apparaît sous un jour un peu différent. On y comprend qu'il estime (à tort !) que l’effondrement consécutif à Vatican II dénote l’insuffisance ou l’errance de la restauration de saint Pie X, et il est donc parti ailleurs rechercher la beauté liturgique du chant : c’est en même temps une intention émouvante et une erreur fondamentale de direction et de moyen. L’effondrement issu de Vatican II est l’effet d’une déficience profonde dans la foi catholique, et le remède que Pérès met en œuvre ne fait qu’aggraver le mal, puisqu’il sépare le chant grégorien d’avec la foi et la prière. Ceux qui le suivent participent et participeront à cet effet désastreux.

*

*     *

Mais ce qui devrait inquiéter davantage encore, c’est que Marcel Pérès et ceux qui se sont engagés dans des voies analogues, sont très favorablement salués par Jacques Viret.

Bien sûr, il ne s’agit pas du tout d’attribuer, à Organum et consorts, les errements de Jacques Viret ; cependant il est bon de s’arrêter un peu à ce dernier pour mesurer l’abîme qu’on côtoie lorsqu’on s’éloigne d’une juste conception du chant grégorien.

La vue de Jacques Viret (né en 1943) sur le chant grégorien (et apparemment sur toutes choses) est parfaitement gnostique et la pensée de son livre Le chant grégorien et la tradition grégorienne, (L’Âge d’Homme, Lausanne 2001) se résume ainsi : le chant grégorien n’est pas une prière, il est un parcours initiatique.

Le fond de l’affaire est le panthéisme : L’univers est Dieu, nous sommes divins, nous sommes des émanations de Dieu, des parties de Dieu. Notre tendance, notre dignité est donc de retrouver la connaissance de notre origine divine (la gnose) à travers les religions diverses qui ne sont que des expressions dégénérées de cet être divin que nous sommes. Toutes les religions ont donc une unité transcendante, elles sont au fond la même chose. Cette unité transcendante, cette foncière identité s’appelle la Tradition.

Évidemment, l’hindouisme et l’islam sont des expressions supérieures, plus pures, plus proches de la Tradition primordiale que la religion catholique qui est profondément dégénérée avec ses dogmes, sa structure hiérarchique, sa loi morale.

L’initiation consiste donc à dépasser la forme religieuse particulière héritée de la société dans laquelle nous sommes pour retrouver la Tradition primordiale, cette unité des religions qui nous réintégrera dans l’unité fondamentale (ou nous en fera prendre conscience) : celle entre Dieu et nous. Ainsi nous accéderons à la véritable gnose.

Le grégorien fait partie de la Tradition, et peut donc être l’instrument de la quête de la gnose. Il doit être mis en relation, il doit être éclairé par les autres traditions musicales pour retrouver son authenticité et faire retour à l’unité primitive. Alors le grégorien est un véritable parcours initiatique.

Pour cela, il doit se détacher des conceptions erronées qui voient en lui une prière, une affirmation donc de la distinction infinie entre Dieu et nous, une expression de la foi catholique exclusive de toute autre prétendue vérité incompatible avec elle.

La pensée de Jacques Viret est très clairement gnostique (on en peut citer des pages et des pages bien explicites), et voilà pourquoi il salue le « nouveau grégorien », qui se trouve du coup compromis dans une drôle d’affaire panthéiste ; et cela à plusieurs titres :

–  il tend à une expression du moi qui s’identifie à Dieu ;

–  il a subi la contamination des musiques « traditionnelles » ;

–  il tend à n’être plus une prière.

Je vais citer le commencement de son court chapitre sur le nouveau grégorien (p. 261). Tout y est dit. Une petite précision vient page 263 : Anne-Marie Deschamps propose, au congrès grégorien international de Strasbourg (1975), de revivifier le grégorien par le yoga. On voit dans quelle direction on se dirige.

« La tradition intégrale : le nouveau grégorien (fin du XXe siècle)

« § 135. Une nouvelle ère

« La dernière étape historique de la tradition grégorienne a débuté aux alentours de 1980 et correspond à l’apparition d’un courant interprétatif nouveau. En 1982 déjà Lance W. Brunner prenait conscience d’un changement de conjoncture, et s’en réjouissait. Les discussions sur l’interprétation du chant grégorien – son rythme notamment – n’étaient plus, observait-il (Brunner 1982 : 317), confinées comme auparavant au cercle étroit de la recherche musicologique, mais s’ouvraient enfin à la pratique du concert et du disque. Le même auteur remarquait en outre (ibid. : 317, 326-327) que la situation de fait créée par la récente réforme conciliaire (§ 21), en transférant le chant grégorien de la liturgie au concert (§ 22), encourageait les interprètes à expérimenter librement des approches interprétatives variées. C’était donc une “nouvelle ère” qui s’annonçait, et battait en brèche le quasi monopole détenu jusque là par les moines de Solesmes, champions d’un grégorien “liturgique” et “catholique”.

« L. Brunner énumère trois points susceptibles de donner lieu à un renouvellement interprétatif : le rythme, les neumes ornementaux (§ 182-184) et l’esthétique vocale (§ 13). Il ne mentionne qu’en passant une orientation de recherche dont en 1982 on ne mesurait sans doute pas encore l’importance, et qui contribue à éclairer chacun de ces trois points et d’autres encore : l’approche comparatiste, ethnomusicologique (§ 50), celle d’un grégorien appréhendé non plus comme un univers musical autonome et isolé, mais comme le centre d’un vaste cercle où l’entourent toutes les traditions musicales du monde, plus près ou plus loin de lui selon le degré variable de proximité qu’elles ont avec lui. On s’est donc rendu compte que pour redonner vie musicale aux notations des vieux manuscrits il faut d’abordécouter les chants traditionnels. Quant à savoir lesquels, cela n’importe que secondairement car leurs fondements (§ 45) et la manière de chanter (§ 13) sont communs, comme l’ont constaté Dominique Vellard (DSd Vellard/Sayeeram 1999 a ; § 12), Marcel Pérès et d’autres. Alors on aura forcément une approche nouvelle des signes écrits sur les vieux manuscrits (§ 51). Un tel élargissement représente sans conteste, en soi, un fait artistique d’une portée majeure, et une étape cruciale dans l’histoire millénaire du chant grégorien.

« Les représentants de ce courant ne s’opposent pas ouvertement à Solesmes (hormis Pérès 1987 ; § 130), et ils n’ont pas – jusqu’à présent – donné de leur démarche une justification théorique, ni même écrite (voir cependant Pérès 1991) : raison pour laquelle nous ne pouvons en parler ici que sur la base d’enregistrements discographiques et de leurs notices (Cf. DSc Deschamps, Lesne, Livljanic, Pérès, Poisblaud, Vellard). »

 

*

*     *

Il vaut mieux – il faut absolument – se tenir bien loin de ces courants, si savants qu’ils paraissent, si scientifiques qu’ils se donnent. La sainte liturgie catholique ne saurait s’approcher ni s’accommoder de tels détournements.

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19 mars 2011 6 19 /03 /mars /2011 22:42


Le Dictionnaire du foyer catholique, publié en 1956 par la Librairie des Champs-Élysées avec approbation laudative du Cardinal de Paris, Mgr Feltin, n’est pas spécialement d’esprit étroit et passéiste. C’est le moins qu’on puisse dire. Ainsi, par exemple, il consacre plus d’espace à Teilhard de Chardin qu’au concile de Trente.

N’en est que plus significative la brève notice qui traite du chant « Minuit, chrétiens » : elle est d’une belle venue, et vaut qu’on s’y arrête. En effet, elle dit tout en quelques lignes que je suis heureux de mettre sous les yeux de ceux qui auront à choisir, pour la Noël prochaine, les chants aptes à exprimer la foi catholique et à favoriser la contemplation des fidèles. Car leur responsabilité est grande, qui concerne l’élévation ou l’abaissement de l’âme, l’honneur de Dieu ou le mépris de son oeuvre.

« Minuit, chrétiens. Ce chant, que l’on qualifie volontiers de « traditionnel », et que, dans certaines paroisses, on entonne au début de la messe de Noël, n’a en réalité rien de liturgique. Il a été composé en 1847 par un nommé Placide Coppeau, d’ailleurs farouchement anticlérical, à Roquemaure, dans le Gard ; la musique est du compositeur Adam. L’allure emphatique des paroles autant que de la musique elle-même, le contraste qu’elles présentent avec la liturgie de la fête, si belle et si grande dans sa simplicité, ont fait supprimer ce chant dans plusieurs diocèses.

« L’encyclique de S.S. Pie XII sur la Musique sacrée (Musicæ Sacræ disciplina, 1956) indique que “seul l’artiste animé par une foi religieuse profonde pourra s’occuper d’art sacré, et non celui qui est sans foi ou éloigné de la pratique religieuse” ».

Mis à part le détail que l’encyclique est datée de Noël 1955, tout est parfaitement dit dans ces quelques lignes. Une œuvre indigne du culte de Dieu et du mystère de l’Incarnation s’est introduite (toute seule ?) dans les églises, et revendique même le statut de traditionnelle. Il faut la chasser sans état d’âme si l’on veut garder quelque docilité à l’Église et quelque sens de la beauté de l’amour de Dieu.

Pour ceux qui voudraient une information plus précise, voici un article de Pierre-Michel Bourguignon qui parût dans Les deux étendards n°9, en novembre 1999.


Contre un navet malfaisant

Cela fait plus de cent cinquante ans que des générations de catholiques de langue française se sont rendues à la messe de Noël avec l’assurance d’entendre sur le coup de minuit entonner le chant qu’on leur a mis sur les lèvres, dans la tête et au cœur : sur les lèvres pour le leur faire répéter, dans la tête pour s’y accorder en pensées, au cœur pour le leur faire aimer : Minuit, chrétiens…

Singulière musiquette, d’une banalité affligeante et d’une étrange renommée dont l’histoire n’est que rarement rapportée, elle ne mérite certainement pas le nom de cantique tant elle est peu religieuse d’inspiration et de contenu.

Ce chant n’est religieux que par l’intention très probablement excellente mais accidentelle du curé de Roquemaure, une petite localité sur le Rhône où, en cet an — peut-on dire de grâce ? — 1847, se construisait un pont sur le fleuve pour la route en direction d’Orange. Le bon ecclésiastique avait demandé à un érudit du coin, un certain Placide Cappeau, de composer les paroles d’un hymne pour la fête de Noël toute proche. Cappeau, juriste de formation mais établi négociant en vin, rédigea son texte le 3 décembre au cours d’un déplacement en diligence. Madame Laurey, la femme de l’ingénieur qui dirigeait le chantier du pont, avait étudié au Conservatoire national de Paris sous la direction d’Adolphe Adam et l’on comptait sur elle pour demander au maître de composer la musique sur les mots de Cappeau. Le domaine de l’art lyrique, où Adam a laissé un nom, n’était sans doute pas le lieu idéal d’où l’on pouvait attendre une œuvre d’inspiration surnaturelle. Et de fait, la déclamation notée par Adam « expressément composée pour Emily Laurey », nous dit-on, évoque davantage les états d’âme que simulent d’habitude les comédiennes à la scène que la méditation d’un cœur chrétien au soir de la Nativité.

Ce style aurait dû, par son pompiérisme résolu, mettre l’auditeur en garde. Eh bien non ! Ce fut le succès qui ne s’explique que par la détérioration à la fois des connaissances doctrinales et du goût de la foule. Mais nos raisons de refuser toute faveur à ce chant doivent être plus profondes que la seule aversion pour la médiocrité, voire la nullité de ses qualités externes. On ne peut oublier la fermentation politique et sociale qui accablait la France quand les derniers soubresauts de la Révolution (chute du premier Empire en 1815) ne s’étaient apaisés — et encore — que sous la génération précédente. Son « souffle fétide » empestait l’air de partout et imprégnait de ses relents la production de ceux que l’on appellerait un peu plus tard les « intellectuels ». Ce fut le cas pour Placide Cappeau qui se sentait à l’étroit dans Roquemaure. Il avait étudié à Avignon mais aussi à Paris. Il se lia, avec assez peu de discernement, semble-t-il, avec de grands esprits de son temps d’horizon assez différents : Frédéric Mistral, Alphonse de Lamartine, François Coppée, mais également Pierre Proudhon et son socialisme échevelé.

Adolphe Adam manqua de temps pour fignoler sa partition et fut ainsi contraint d’ébrécher le texte, ce dont Placide Cappeau s’est expliqué dans un ouvrage poétique Le Château de Roquemaure, publié plus tard. Il citait là le texte intégral et primitif de son Minuit, chrétiens assorti de notes qui ne manquent pas d’intérêt pour notre sujet. Veuille le lecteur en juger. Cappeau écrivait :

« Nous donnons les paroles, telles qu’elles furent improvisées pour un service à rendre, sur la demande du curé de Roquemaure. Adam, obligé d’improviser lui aussi la musique, nous fit réduire les paroles à ce qui a été publié, trouvant trois strophes suffisantes, et n’ayant pas le temps de changer le rythme de la quatrième. Mais, dans le chant ainsi écourté, la composition littéraire est évidemment défectueuse, tant par la suppression de la troisième strophe, indispensable au sens du reste, que par la mutilation de la quatrième, qui ne répond plus à la largeur de l’inspiration première. Nous n’acceptons, comme auteur, que la version publiée ici.

« Adam, qui appelait ce noël La Marseillaise religieuse, nous a souvent exprimé le désir de compléter tôt ou tard sa belle mélodie sur les premières paroles. La mort l’ayant empêché de réaliser ce projet, nous engageons les musiciens qui se sentiraient de force à lutter avec lui à le réaliser eux-mêmes.

« Nous avons cru devoir modifier ce qui nous avait échappé au premier moment sur le péché originel, auquel nous ne croyons pas… Nous admettons Jésus comme Rédempteur, mais rédempteur des inégalités, des injustices, de l’esclavage et des oppressions de toutes sortes qui pesaient sur l’ancienne société, non d’un péché impossible qui répugne au plus simple bon sens. »

Ainsi, Minuit, chrétiens se veut une profession de foi, mais en quel sens et de quelle foi ? Réponse de Cappeau :

« De notre foi que la lumière ardente nous guide tous au berceau de l’Enfant ! »

Même si nous redressons l’inversion poétique, la « lumière ardente » de cette foi ne nous permet pas tellement d’y voir plus clair. En revanche, on peut comprendre que le rimailleur ne se prenait pas pour rien quand il parlait avec avantage de « la largeur de l’inspiration de la première strophe ». D’autant plus qu’il nous dit en être revenu, de sa première strophe, où il avait parlé par erreur du péché originel « auquel nous ne croyons pas ». Une ligne d’orthodoxie avait échappé au poète — les chaos de la route certainement —, elle était de trop, il a fallu la changer, toute largement inspirée fût-elle.

La troisième strophe restée ignorée du grand public nous en apprend un peu plus long sur la qualité révolutionnaire de son esprit. L’auteur la dit lui-même « indispensable au sens du reste » :

De l’opulence il dédaigne les charmes
Toute hauteur s’abaisse devant lui
De l’infortune il vient sécher les larmes
Et du plus humble il veut être l’appui.

Gardons présent à la mémoire que — pardon pour le blasphème en pleine Nuit Sainte — Jésus n’est pas admis comme Rédempteur mais accepté tout au plus « comme rédempteur des inégalités, des injustices, de l’esclavage et des oppressions de toutes sortes qui pesaient sur l’ancienne société ». Somme toute Minuit, chrétiens… célèbre un philanthrope chargé de mission humanitaire par le Grand-Orient.

Souvenons-nous aussi des accointances de Placide Cappeau. Lamartine, entre autres, est une bonne référence, qui ne s’occupait pas seulement de ses élégies mais, en bon ami des francs-maçons qu’il était, professait à l’occasion sa foi solennelle en la Révolution. Il savait lui-même de qui tenir quand, à la veille de la tourmente de 1848, il évoquait un grand ancêtre coupeur de têtes et communiste primitif :

« Tout, dans le plan de Robespierre, tendait évidemment à la communauté des biens et à l’égalité des conditions. C’était l’esprit du communisme primitif, idéal des premiers chrétiens redevenu l’idéal du communisme.

« Ce partage égal des lumières, des facultés et des dons de la nature est évidemment la tendance légitime du cœur humain. Les révélateurs, les poètes et les sages ont roulé éternellement cette pensée dans leur âme et l’ont perpétuellement montrée, dans leur ciel, dans leurs rêves ou dans leurs lois, comme la perspective de l’humanité. C’est donc un instinct de la justice dans l’homme, par conséquent un plan divin que Dieu fait entrevoir à ses créatures. Tout ce qui contrarie ce plan, c’est-à-dire tout ce qui tend à constituer des inégalités de lumières, de rang, de condition, de fortune parmi les hommes, est impie. Tout ce qui tend à niveler graduellement ces inégalités, qui sont souvent des injustices, et à répartir le plus équitablement l’héritage commun entre les hommes est divin. Toute politique peut être jugée à ce signe comme tout arbre est jugé à ses fruits : l’idéal n’est que la vérité à distance » [1].

Ce même Lamartine qui avait de si bons principes, quelques semaines après la première de Minuit, chrétiens…, allait devenir ministre des Affaires étrangères dans le Gouvernement provisoire issu de la Révolution de 1848. En cette qualité, le 10 mars suivant, il accueille les délégués du Suprême Conseil du rit écossais venus féliciter le Gouvernement. Il répond :

Je suis convaincu que c'est du fond de vos loges que sont émanés, d'abord dans l'ombre, puis dans le demi‑jour et enfin en pleine lumière, les sentiments qui ont fini par faire la sublime explosion dont nous avons été témoins en 1789, et dont le peuple de Paris vient de donner au monde la seconde et, j'espère, la dernière représentation, il y a peu de jours.

La fermentation communiste était dans l’air et bouillonnait partout. L’illustre slogan « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » venait de naître à Londres [2] un mois avant la composition amphigourique du Minuit, chrétiens… La définition d’Adam était donc la bonne et son Noël était bien la Marseillaise religieuse voulue par le parolier. Il ne célébrait nullement la Rédemption, le rachat par le Fils de Dieu fait homme de l’offense d’origine « péché impossible qui répugne au plus simple bon sens », de la désobéissance à l’ordre, mais bien le nivellement des inégalités insupportables à l’orgueil de l’homme révolté. Minuit, chrétiens… est le chant de la rébellion fondé sur l’incroyance et inspiré par les fumées de la pensée proudhonienne. Pierre Proudhon (1809-1865) auquel Cappeau aimait se frotter était le père spirituel de l’anarchisme et il était aussi franc-maçon et sataniste à ses heures [3]. Rien d’étonnant que le discours de Cappeau dans son troisième couplet fût un déguisement de la réclamation envieuse d’un partageux. Il y est question de dédaigner « les charmes de l’opulence » mais nullement de la recherche d’un bien supérieur. « Toute hauteur s’abaisse devant lui. » Peut-être, mais devant qui exactement ? On aimerait savoir. Quel est donc ce « lui » ambigu devant lequel on s’incline avec bon sens, donc sans croire au péché originel ? Ce ne saurait être Dieu, ce ne peut être alors que Satan, son singe, qui prétendra également sécher les larmes des malheureux en parodiant les Écritures [4]. De même que c’est aussi contrefaire jusqu’aux sens et aux paroles du Magnificat que d’annoncer un appui seulement humain aux plus humbles.

Ceux qui n’auraient pas compris où voulait en venir le pathos de cette séquence liront avec intérêt la quatrième strophe dans sa version originale :

Le vieux monde à sa voix soudain se régénère
La terre est libre et le ciel est ouvert
L’homme dans son esclave a reconnu son frère
Et l’amour vient unir ceux qu’enchaînait le fer.
Ah ! laissons éclater notre reconnaissance…
Debout ! Peuple, debout ! Chante ta délivrance.
Noël ! Noël ! Noël ! chantons le Rédempteur !

Le vieux monde en effet n’avait qu’à bien se tenir et cela fait cent cinquante ans que la promesse d’une régénération soudaine s’accomplit d’une sublime explosion à l’autre. La Marseillaise religieuse ne vaut pas mieux que l’autre, c’est une carmagnole. Et on voit mal ce qui peut bien passer par la tête des catholiques qui se sont entichés d’elle jusqu’à choisir d’année en année sa virulente médiocrité pour célébrer l’un des plus précieux et des plus hauts mystères de la foi catholique [5].


[1]  Cité par Jacques Crétieau-Joly : Histoire du Sonderbund [Vanderborght, Bruxelles 1850], tome I, page 101, note 2.

[2]  Mais en allemand : « Proletarier aller Länder vereinigt Euch ! » C’était la phrase finale du manifeste du parti communiste rédigé par Karl Marx et Frédéric Engels à la clôture du congrès communiste de Londres en novembre 1847.

[3]  Initié à la loge S.P.U.C.A.R. de Besançon en 1847. [Daniel Ligou : Dictionnaire universel de la franc-maçonnerie.]

[4]  Absterget Deus omnem lacrymam ab oculis (Apoc., IV, 21).

[5]  Le présent article se base sur une courte mais très instructive étude parue dans Notre histoire, de décembre 1984, pages 54 et 55.

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16 octobre 2009 5 16 /10 /octobre /2009 14:42

Le Pape saint Pie X fondait de grands espoirs de sanctification et de rénovation spirituelle sur la restauration du chant grégorien qu’il a entreprise au début du vingtième siècle. Car, en voulant rétablir dans sa pureté native le chant de saint Grégoire, et en voulant le remettre en honneur dans la sainte liturgie, c’est bien une restauration spirituelle qu’il avait en vue – tout restaurer en Jésus-Christ ! – plus encore qu’une déjà précieuse restauration esthétique.

 

Dans sa pensée, le chant grégorien n’est pas un ornement surajouté qui flatte l’oreille et rend agréables les cérémonies liturgiques, mais c’est un puissant instrument de la grâce divine, qui établit les âmes dans la paix, la piété et le recueillement, qui révèle les profondeurs de l’amour de Dieu et fait retentir au fond des cœurs un puissant appel à la sainteté.

 

Il faut bien avouer que cette espérance a été déçue, au moins en partie, parce qu’on n’a pas compris l’esprit que saint Pie X insufflait à sa réforme, ou qu’on ne l’a pas pris au sérieux. Nous devons tout au moins en tirer la leçon et voir dans la pratique du chant grégorien l’occasion de croître dans l’esprit de prière et de contemplation.

 

Le Pape Pie XI rappelle ce trait révélateur : « À Milan, les hérétiques reprochaient à saint Ambroise de fasciner les foules par les chants liturgiques, ces chants qui frappèrent Augustin lui-même et lui inspirèrent la résolution d’embrasser la foi au Christ » [Divini Cultus, 20 décembre 1928]. Et Pie XII affirme que le grégorien « contribue au plus haut point à augmenter la foi et la piété des assistants » [Mediator Dei, 20 novembre 1947]. Plaise à Dieu qu’il en soit toujours ainsi !

 

C’est donc que le chant grégorien est une école de sainteté ; et c’est à un double titre qu’il doit l’être.

 

Le chant grégorien est saint et sanctifiant par sa fonction, parce qu’il est une partie de la divine liturgie, bien plus, parce qu’il est (avec le service de l’autel) le moyen principal de la participation active et extérieure au saint Sacrifice de la Messe. L’efficacité surnaturelle du grégorien est donc un rejaillissement de la splendeur du chant d’amour et de louange que l’Église, sous l’inspiration du Saint-Esprit, fait remonter vers l’Époux bien-aimé qui se livre et sacrifie pour elle.

 

Le chant grégorien est aussi saint et sanctifiant en lui-même, par ses qualités propres. Il est en effet parfaitement accordé à la vie chrétienne, il vit des mêmes principes et meurt des mêmes ennemis que la vie de la grâce dans les âmes.

 

Le grégorien ne sera vraiment lui-même, et distinct de tous les autres genres musicaux, que si ses qualités sont précisément celles que la grâce divine produit dans l’âme chrétienne :

– primauté de la vie intérieure ;

– esprit de prière, de paix et de louange centré tout entier sur Dieu ;

– désir et recherche de la perfection ;

– docilité parfaite à la sainte Église ;

– oubli de soi [1].

 

À l’inverse, ce qui tue le chant grégorien ou le gâte, ce sont les atteintes de l’esprit du monde (esprit d’amour-propre, esprit de sentimentalité et esprit de facilité), qui corrompent la vie surnaturelle :

– désir de paraître ou de faire de l’éclat ;

– négligence et fébrilité ;

– esprit de compétition, esprit de fantaisie, esprit d’anarchie ou d’indépendance ;

– attention portée à ses propres sentiments au détriment de la primauté de l’objet : Dieu dans sa gloire éternelle, sa vérité immortelle, sa charité omniprésente.

 

Avant d’être une musique extérieure, le chant grégorien est une lumière intérieure, un commentaire des paroles sacrées, qui doit conduire les âmes dans la contemplation de ce que les mots ont été insuffisants à exprimer.

 

Pour cette raison, le chant grégorien est quelque chose de délicat (ce qui ne veut pas dire : de très difficile !) et il faut veiller à ce que son exécution ne vienne pas contredire son esprit et stériliser son œuvre de sanctification. Veiller et prier, c’est la loi de ce chant comme c’est la loi de la vie chrétienne.

 

La technique grégorienne – surtout sa sublime technique rythmique – demande un apprentissage qu’il est bon que chacun fasse ; c’est même nécessaire. Mais en attendant voici le rappel de quelques principes simples et accessibles qui peuvent grandement améliorer son exécution et donc faciliter son œuvre spirituelle.

 

1. Le chant grégorien est né de la langue latine ecclésiastique, il est la mise en musique d’un texte dont il conserve le génie et qu’il fait rayonner. La compréhension du texte et sa belle diction sont donc le fondement nécessaire d’un beau chant. En particulier, il faut accentuer les mots – car si en français c’est la phrase ou la proposition qui est principalement accentuée, en latin ce sont les mots qui sont accentués. Dans un mot la syllabe la plus importante est la dernière (car c’est en elle que le mot prend sa signification) et il faut la déposer avec délicatesse et fermeté. Mais cela est impossible si le mot n’a pas d’unité ; et c’est l’accentuation qui réalise cette unité. La syllabe qui porte l’accent doit être levée (et non frappée) et ledit accent est bref : il tend à abréger la syllabe (même si de facto il ne raccourcit pas, car la syllabe accentuée doit garder sa pleine valeur) et il ne faut surtout pas l’allonger.

 

2. Toutes les notes ont la même durée. « C’est là un principe fondamental, dont l’oubli, trop fréquent hélas, aboutit fatalement, je l’ai dit, à la négation et à la caricature de l’art grégorien, de ce que j’appellerais volontiers son esprit. Est-il au contraire scrupuleusement observé ? Alors le tout prend une grandeur, une noblesse incomparable. C’est là, pour une grande part, le secret de la fermeté, de l’impersonnalité du chant grégorien, de sa sérénité profonde et de son extraordinaire pureté de ligne. On ne saurait assez insister sur ce point » [Dom Gajard, La méthode de Solesmes, Desclée 1951, p. 46.].

 

Il faut donc veiller à :

– ne pas traîner sur les groupes longs ;

– ne pas exagérer les notes pointées (le point double environ la durée de la note, pas plus !) ;

– ne pas ralentir dans les passages difficiles ou mal connus, ni accélérer dans les passages familiers ;

– ne pas précipiter les groupes descendants (les notes losangées ont la même durée que les autres) ;

– ne pas précipiter les passages syllabiques (c’est en marquant légèrement l’accentuation des mots qu’on y parvient) ;

– ne pas escamoter les sommets, les notes haut-perchées qui sont difficiles à « attraper ».

 

3. L’épisème horizontal est d’abord un signe d’expression, et non pas d’allongement. Et c’est parce qu’il faut poser avec un soin particulier la note qu’il affecte, parce qu’il faut l’exprimer (un peu comme on exprime une éponge) que ladite note s’en trouve un peu élargie – mais jamais doublée !

 

4. Il faut adoucir les notes supérieures, il faut « monter vers elle en crescendo, comme si on devait la poser avec force ; c’est seulement au moment précis de l’émettre que la voix, au lieu de l’attaquer fortement, durement, matériellement, se pose sur elle doucement, avec une certaine retenue, mais en lui laissant sa pleine sonorité moelleuse » [Dom Gajard, op. cit. p. 69].

 

Dom Gajard, en commentant cet adoucissement des notes supérieures, fait une précieuse réflexion : « Il est incontestable, et la plupart des musiciens, même profanes, ne manquent pas de le remarquer, que ce simple procédé contribue pour une large part à assurer au chant une valeur religieuse, tant il implique d’effacement de la personne, du “moi”, devant Celui à qui et pour qui l’on chante. » [Op. cit. p. 68.]

 

5. Il faut adoucir et bien tenir la note finale, sans l’allonger inconsidérément pour autant (il faut la porter jusqu’à l’ictus suivant, qui est un ictus de silence). « Enfin la note finale elle-même requiert une attention particulière, en plus même de la douceur qui est cette fois pour elle une règle absolue, et on peut dire sans exception : on veillera d’abord à ne pas se hâter de la poser, à ne pas la laisser tomber comme matériellement ; il faut au contraire retenir un peu la note précédente, ne poser la note finale elle-même qu’avec un imperceptible retard (…) et une fois posée, on aura grand soin de ne pas l’écourter, de bien la tenir (…) Ces deux règles sont très importantes pour asseoir la cadence et nous laisser dans une atmosphère de sérénité parfaite, où se poursuit silencieusement la contemplation intérieure, objet dernier de la prière chantée… » [Dom Gajard, op. cit. p. 89.]

 

6. Il est bon aussi de préciser que le grégorien doit se chanter à voix contenue : cela ne veut pas dire voix assourdie ou expirante, mais voix maîtrisée. Chacun d’entre nous ne maîtrise bien sa voix (quant à la justesse, au timbre et au rythme) que s’il ne chante pas trop fort (ni trop faible) ; il est nécessaire en outre d’en « garder sous le pied » pour les crescendos et les nuances. Contenir sa voix est un salutaire exercice de renoncement. Cela évite de donner des « coups de gorge » pour harponner les notes hautes ou pour lancer un intervalle ascendant. Cette maîtrise est nécessaire aussi pour entendre ses voisins, ce qui permet d’ajuster sa voix et de se fondre dans le groupe : le chant grégorien est un chant d’ensemble, et non pas la compétition d’un fagot de solistes.

 

Ce dernier point donne la raison du caractère indispensable et impératif des répétitions communes : sans elles, aurait-on affaire aux meilleurs chanteurs du monde, il n’y a pas d’unité de la chorale, il n’y a pas identité de tempo, de nuances ni d’expres­sion. On n’est pas loin de la cacophonie, car l’addition de solistes n’est qu’une caricature de chorale.

 

Pour conclure, c’est encore à Dom Gajard que nous demanderons de résumer l’état d’esprit qui permet au chant grégorien de porter ses fruits surnaturels :

 

« Le chant grégorien, par la simplicité même de sa facture mélodique, modale et rythmique, et de ses procédés de composition, est chose délicate, qu’un rien suffit à altérer. Si vous voulez qu’il produise en vous d’abord, et ensuite dans les âmes qui vous sont confiées, ses fruits salutaires – et que peut-être même vous ne soupçonnez pas – alors il vous faut absolument le chanter à la perfection. Condition sine qua non. Tant que vous resterez dans l’à peu près, ce terrible à peu près qui gâte tout, vous pourrez le pratiquer toute votre vie ; jamais vous n’en sentirez la bienfaisante et bénie influence » [Notions sur la rythmique grégorienne, Desclée 1944, p. 6].

 

-------------------

[1] Il est notable que toutes les écoles modernes de grégorien – qui se font gloire de s’écarter de celle de Solesmes (à laquelle saint Pie X a confié la restauration tant mélodique que rythmique) et qui prétendent retrouver l’authenticité que Dom Mocquereau et Dom Gajard auraient méconnue – le font en prenant le contre-pied de ce renoncement que demande et favorise le grégorien. C’est là méconnaître une des caractéristiques majeures du chant liturgique, et cette méconnaissance le dénature profondément.

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22 août 2009 6 22 /08 /août /2009 05:19
La XIIe session grégorienne de Saint-Maixant prend fin aujourd'hui. Ce n'est pas d'elle que je veux vous entretenir : il fallait venir !

je veux juste publier la communication qui a été faite à cette occasion sur une des oeuvres majeures de saint Augustin, et des plus utiles pour la piété chrétienne : les Enarrationes in psalmos, autrement dit les commentaires sur les psaumes de David.

Ces prières inspirés de Dieu ; ces poèmes que l'Eglise fait chanter et retentir avec un art inégalé ;, ces chants prophétiques qui « respirent » Jésus-Christ et son Église ; ces miroirs de l'âme chrétienne avec ses misères, ses combats et son espérance ; ces cantiques qui sont une des  consolations de notre terre d'exil : saint Augustin les fait resplendir avec une onction sans pareille et met l'âme en prière.

En voici donc une modeste présentation :
tolle, lege. 
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7 avril 2009 2 07 /04 /avril /2009 10:36
Vous trouverez sous ce lien :  Chemin-de-Croix.pdf , un petit livret de 12 pages téléchargeable qui permet de suivre le chemin de la Croix en la compagnie de la très sainte Vierge Marie, pour y implorer la grâce de la conversion du cœur.

Il suffit de l'imprimer sur papier A4 en paysage, recto-verso : l'imposition (mise des pages à la bonne place pour qu'elles se trouvent en bon ordre dans le livret) est déjà faite.

Que Notre-Dame bénisse votre Semaine-Sainte et vous y obtienne l'abondance de la grâce de la Rédemption apportée par Jésus-Christ dans son Sacrifice sur la Croix.
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4 décembre 2008 4 04 /12 /décembre /2008 18:31
La sollicitude de l'Église catholique pour les arts liturgiques en général, et pour la musique en particulier, a toujours été très grande. Son ampleur et sa rigueur ne manquent pas d'étonner ceux qui ont une idée affaiblie et de la sainteté du culte de Dieu, et de grandeur des arts.

C'est ce qui est particulièrement mis en relief par Pie XII dans son encyclique de Noël 1955. Après avoir brièvement parcouru l'histoire de cette sollicitude de l'Église, le Pape énonce ce double principe fondamental et intangible : la musique étant puissament expressive de la foi et de la piété de l'artiste qui l'a composée et de celui qui l'exécute, elle ne peut être admise dans les églises – et plus encore au cours des fonctions liturgiques – que si elle procède de la foi catholique et d'une vie morale conforme à l'Évangile de Jésus-Christ.

C'est donc l'exclusion de toute musique dont le compositeur ne professe (ou ne ne professait) pas la foi catholique ou ne vivait pas chrétiennement : exclusion motivée (le paragraphe 11 est de toute beauté) et sans appel. C'est aussi le rappel de la mission très haute et très sainte de la musique appelée à exprimer la foi,  à prendre place dans le culte de Dieu et à inspirer la piété des fidèles de Jésus-Christ.

Mais pourquoi suis-je en train de dire bien mal ce que Pie XII exprime avec tant de bonheur ? Place donc à son encyclique Musicæ sacræ disciplina. Il faut la lire avec intelligence et l'appliquer avec docilité.
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28 avril 2006 5 28 /04 /avril /2006 10:19
Malgré les apparences, et l’'absence de publication nouvelle depuis quinze jours, je n'’oublie pas Quicumque : j’'y consacre la majeure partie de mon temps libre, et vous en aurez bientôt le fruit.
En effet, je prépare la publication d’'une biographie qui donnera un aperçu de l’œ'œuvre de Donoso Cortès –– géant de la pensée catholique au dix-neuvième siècle –– et j’'espère pouvoir la mettre en ligne au début du mois de mai.
Par ailleurs, je continue à transcrire le livre du Père Guérard des Lauriers sur le nouvel
ordo missæ, et souhaite vous en faire profiter morceau par morceau : la deuxième moitié du deuxième chapitre s'’étend sur 300 pages de manuscrit...… Alors, patience !

En attendant, voici deux courtes notices donnant des indications pratiques à propos de la
confession et de la communion : elles peuvent être utiles à quelques-uns.
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2 février 2006 4 02 /02 /février /2006 06:17
La dévotion à saint Blaise contre les maux de gorge était chère à saint François de Sales, qui avait une grande confiance en son intercession.

Saint Blaise [fin du IIIe – début du IVe siècle], après une vie de piété et de vertu et après avoir saintement occupé le siège épiscopal de Sébaste (Arménie), se retira dans une caverne du mont Argée pour y vivre dans la contemplation et la pénitence. Au temps de la persécution de Dioclétien il fut jeté en prison, et là il y guérit les malades, qu’'on lui amenait en raison de la réputation de sainteté dont il jouissait. Une mère mit à ses pieds son jeune enfant qui étouffait à cause d'’une arête demeurée en travers du gosier, en sorte que les médecins désespéraient de le sauver. Saint Blaise se mit en prière et demanda à Notre-Seigneur de guérir cet enfant et tous ceux qui, affectés d'’un mal semblable, se recommanderaient à lui. L'’enfant fut aussitôt guéri.
Après avoir été battu de verges et avoir eu tout le corps déchiré par des peignes de fer, saint Blaise eut la tête tranchée et mourut en confessant glorieusement la foi de Jésus-Christ ; c'’était le 3 février, et sa fête se célèbre à cette date.

Pour le jour de sa fête, il existe dans le Rituel romain une bénédiction spéciale qui protège contre les maux de gorge.
Le prêtre commence par bénir deux cierges en récitant l’'oraison suivante :


O Dieu tout-puissant et très doux, qui avez créé les variétés de toutes les choses du monde par votre seule parole, et qui avez voulu que pour la Rédemption des hommes s’'incarnât ce même Verbe par lequel toutes choses ont été faites ; qui êtes très grand et immense, terrible et digne de louange, et dont les œœuvres sont admirables ; pour la confession de la foi en lequel le glorieux évêque et martyr Blaise, ne craignant pas toutes sortes de tourments, a heureusement acquis la palme du martyre ; qui lui avez accordé entre autres grâces la prérogative de guérir par votre vertu quiconque serait malade de la gorge : nous prions et supplions votre majesté pour qu’'avec bienveillance vous ne considériez pas notre culpabilité mais ses prières et ses mérites et que, par votre vénérable tendresse, vous daigniez bé + nir et sancti + fier cette créature de cire en y infusant votre grâce ; de telle sorte que tous ceux qui auront mis, avec une sainte confiance, leur cou à son contact soient libérés de toute maladie de la gorge par les mérites de sa passion, et que, guéris et joyeux, ils vous rendent des actions de grâce dans votre Église sainte, et louent votre nom glorieux, qui est béni dans les siècles des siècles. Par votre Fils Jésus-Christ notre Seigneur, qui vit et règne avec vous dans l’'unité du Saint-Esprit, Dieu, pour les siècles des siècles.
R. : Ainsi soit-il.

Le prêtre asperge les cierges d’'eau bénite. Ceux qui veulent recevoir la bénédiction se mettent à genoux devant l’'autel. Le prêtre place les deux cierges en forme de croix sous le menton de chacun en disant à chaque fois :
Que Dieu, par l'’intercession de saint Blaise, évêque et martyr, te délivre du mal de gorge et de tout autre mal. Au nom du Père, et du Fils + et du Saint-Esprit.
R. : Ainsi soit-il.

La Sacrée Congrégation des Rites a rappelé qu'’on doit se conformer en tout au Rituel romain (1 février 1924) ; elle a en outre précisé que les deux cierges doivent être éteints (16 janvier 1936) et qu'’on peut donner cette bénédiction tout au long de la journée du 3 février (3 mars 1936).
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1 février 2006 3 01 /02 /février /2006 06:16
Origine

La fête liturgique de la Purification de la sainte Vierge Marie remonte aux temps apostoliques. La bénédiction des cierges et la procession ont été instituées par le Pape saint Gélase [492-496] pour remplacer des solennités païennes des Lupercales et des Amburbales qu'’il avait interdites.

Symbolisme

Notre Seigneur Jésus-Christ, lumière du monde, est présenté au Temple par la Vierge Mère.
La cire d'’abeille qui a servi à confectionner le cierge est le symbole de la virginité : l'’intégrité de Notre-Dame n'’a pas été altérée par la chair sainte du divin Enfant, ni dans la conception ni à la naissance. La mèche représente l’'âme humaine de notre Seigneur Jésus-Christ. La flamme, qui luit en la partie supérieure, symbolise sa divinité.
Ainsi, le cierge représente le divin Sauveur tout entier –– corps, âme et divinité –– qui vient illuminer les ténèbres de l’'erreur et du péché, et allumer dans le monde entier le feu de l’'amour divin. La grâce sanctifiante nous rend participants de cette vie divine.

N.B. L'’oraison de bénédiction faisant mention explicite du travail des abeilles, il me semble impossible que des cierges qui ne contiennent pas au moins une part notable de cire d’'abeille puissent être validement bénits.

Usage

Dans les oraisons de la bénédiction, l’'Église demande que ces cierges allumés chassent les ténèbres de notre esprit, enflamment nos cœœurs du feu de la charité et figurent, par leur splendeur extérieure, le rayonnement de la lumière du Saint-Esprit qui illumine intérieurement nos âmes. Elle demande aussi que ces flambeaux servent à la santé des âmes et des corps.

La bénédiction des cierges est un sacramental, c'’est-à-dire une cérémonie instituée par l’'Église qui tire son efficacité de sa prière, et qui a des effets principalement spirituels : un sacramental donne des secours particuliers pour que nous soyons disposés à recevoir la grâce sanctifiante. Les sacramentaux ont aussi des effets temporels dans la mesure où cela aide à la sanctification des âmes.
Ils sont ainsi des auxiliaires des sacrements, auxquels ils disposent et dont ils prolongent les effets ; ils ne doivent surtout pas tendre à les remplacer, pas plus qu'’ils ne peuvent remplacer la vie morale ou la lutte spirituelle : ce serait gravement se fourvoyer que de le croire.
Celui qui conserve et utilise pieusement les cierges bénits de la chandeleur participe donc d'’une façon spéciale à la prière de l'’Église et en reçoit beaucoup de grâces.

On les allume principalement :
–– pour implorer la lumière du Saint-Esprit dans les doutes, dans les décisions à prendre, dans les études, dans les jugements qu'’on doit porter ;
–– dans les tentations, pour chasser les démons et faire luire la grâce, la force et la pureté de Jésus-Christ ;
–– au chevet des mourants, en souvenir de l’'immortalité que notre Seigneur a méritée pour nous, et en signe de la protection de la Vierge Marie dans les derniers combats ;
–– dans les temps de ténèbres et de calamité, dans les tempêtes sur terre ou en mer, dans les guerres et les angoisses de toutes sortes, pour implorer la paix intérieure et la protection divine ;
–– au chevet des malades, pour demander la conversion ou la sanctification, l’'accroissement de la vie spirituelle, la patience et, si Dieu le veut, la guérison.

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