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27 octobre 2012 6 27 /10 /octobre /2012 23:44

 

 

Ce n’est pas pour disserter de la justice ou de l’injustice, du scandale ou de la délivrance, de la prudence ou de la trahison que je m’intéresse ici au renvoi de mgr Williamson, exclu de la fraternité Saint-Pie-X. C’est pour vous faire part d’une simple constatation : tant dans la brève lettre de renvoi écrite par mgr Fellay que dans la longue réplique de mgr Williamson, ne paraissent sérieusement ni le droit de l’Église ni la doctrine catholique.

Il ne pouvait en être autrement.

Comment mentionner le droit lorsqu’on débat de l’appartenance ou du renvoi dans une société qui n’a plus de statut canonique depuis 1976 (date de la non-reconduction de l’existence ad experimentum) ?

Comment alléguer le droit entre deux évêques qui sont à parité hors du droit (et même en contradiction avec la Constitution divine de l’Église catholique) de par leur épiscopat sans mandat apostolique ?

Comment l’un peut-il reprocher à l’autre de procéder à des confirmations « sauvages », alors que ni l’un ni l’autre n’a le pouvoir régulier de confirmer ?

Comment invoquer le droit, quand cela signifierait introduire un recours (ou s’y opposer) devant des autorités qu’on nargue de concert ?

Comment surtout recourir au droit, quand on ne sait pas quel est le droit ?

Car ces deux messeigneurs seraient bien en peine de vous dire si le droit qui norme en réalité la vie de la sainte Église catholique est le droit canon de 1917 (ce serait dénier à Jean-Paul II et à son successeur le pouvoir de légiférer : soit on mutile profondément le pouvoir pontifical, soit on dit que le Siège apostolique est vacant…) ou s’il est le droit canon de 1983 (ce serait accepter Vatican II et toutes ses erreurs, coulés en forme juridique).

Dans cette situation, rien ne peut être tiré au clair, aucune discussion ne peut aboutir, tout est bâti sur le sable. Du coup, la dispute n’est qu’une querelle de politique ecclésiastique, de tactique de combat ou d’évitement, de naïveté ou de finesse devant l’adversaire commun, d’égos peut-être.

Il en va de même pour la doctrine. Il y a bien un arrière-fond doctrinal, un désir (sincère, je n’en doute pas) de fidélité à l’enseignement traditionnel, et aussi le spectre de Lamennais et du libéralisme qu’on brandit : mais cela demeure plus du domaine de la volonté que de l’intelligence doctrinale. Il y a quelque chose d’irréel, de trompeur et d’incantatoire dans ce refus affiché du libéralisme, car Lamennais avait sur certains points de la doctrine catholique – la soumission au souverain Pontife par exemple – des idées et des pratiques auxquelles ressemblent fort les positions communes des deux messeigneurs.

On peut éprouver des sympathies ou des préférences, on peut craindre des conséquences dramatiques et désirer les prévenir : mais on ne peut contester que cette querelle et cet affrontement se déroulent à l’intérieur d’un univers clos, d’où le droit et la doctrine sont structurellement absents.

Prions pour eux tous, la charité nous le commande. Mais fuyons : ce n’est pas notre univers, ce n’est pas notre combat. La foi n’a rien à y gagner, le témoignage pour Jésus-Christ a tout à y perdre. N’ayons ni d’autre univers, ni d’autre combat, ni d’autre droit ni d’autre doctrine que ceux de la sainte Église catholique romaine aimée et servie. Fasse Notre-Dame.

 

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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 22:27

[Valentin-Esprit Fléchier (1632-1710) commença à prêcher en 1670, et fut célèbre comme auteur d’Oraisons funèbres. Il a également laissé des mémoires, d’un style vif et pittoresque, sur les Grands jours d’Auvergne. Il fut nommé évêque de Lavaur et mourut évêque de Nîmes.]


Tune videbunt filium hominis venientem in nube
cum potestate magna, et majestate. Luc. xii.

Alors ils verront le Fils de l’homme venir sur une nuée,
avec une grande puissance, et une grande majesté.

 

Lorsque Jésus-Christ instruit ses disciples des funestes circonstances de son dernier jugement, il leur représente les passions des hommes, et le trouble universel de la nature ; ces guerres sanglantes, où les peuples armés les uns contre les autres pour satisfaire leurs propres haines, exécuteront les jugements de Dieu par avance ; ces divisions cruelles où citoyens contre citoyens, ruineront leur patrie par des meurtres et des parricides ; ces stérilités de la terre, qui consumeront de langueur ceux qui auront échappé à la fureur et à la violence des armes ; ces révolutions du ciel, où les astres obscurcis laisseront le monde dans l’horreur, dans la confusion et dans les ténèbres. Déjà les tombeaux seront ouverts, et les cendres des morts ranimées. Déjà s’avancera dans les airs cette fatale nuée qui doit servir de tribunal au souverain juge. Déjà ces vives lumières, qui, selon le prophète, sortent des yeux et de la face de Dieu quand il juge, perceront cette obscurité, et tout l’univers en suspens attendra l’arrêt décisif et public de son bonheur, ou de son malheur éternel. Je tire, avec saint Bernard, cette conséquence : quelle doit être l’exécution de ce jugement, si l’appareil en est si terrible ? et que sera-ce de Dieu, quand il punira, s’il est si redoutable quand il ne fait encore que menacer ?

Mais, lorsque le fils de Dieu paraîtra lui-même, alors on verra le néant des grandeurs humaines : un rayon de sa majesté effacera tout ce qu’il y a de gloire mondaine ; à lui seul appartiendront tout honneur et toute louange. Il n’y aura plus aucune différence de condition, que celle qu’y mettra la miséricorde, qui couronnera les uns, ou la justice qui punira les autres : grands et petits seront confondus ensemble, également humiliés, et s’accomplira cet oracle du prophète : Humiliabitur altitudo virorum, et exaltabitur Dominus solus in die illa.Dieu seul, en ce jour-là, sera grand. Grand pour les saints, qui verront en lui l’objet de leur éternelle félicité ; grand pour les réprouvés, qui tomberont devant cette majesté qu’ils ont si souvent offensée. Ils ne verront plus ce monde qu’ils ont tant aimé, il aura passé comme un songe. Ils ne verront plus ces richesses, dont ils faisaient tant de cas, le feu de la vengeance de Dieu aura consumé tous ces objets de leur convoitise. Ils ne verront plus leurs plaisirs que comme la matière de leur supplice. Tout leur spectacle sera réduit à se voir eux-mêmes, et à voir leur juge. Ils verront la difformité de leurs péchés d’un côté, et la justice de Dieu de l’autre. Ils n’ont pas voulu se connaître pour se corriger ; Dieu les fera connaître à eux-mêmes pour les confondre : ce sera le premier point de ce discours. Ils n’ont pas voulu user de la miséricorde de Dieu durant cette vie ; ils verront jusqu’où va sa justice en l’autre : c’est la seconde partie. Que ne puis-je vous dire, Messieurs, ce que Jésus-Christ disait à ses disciples : pour vous, quand ces choses arriveront, regardez en sûreté et levez vos têtes : Respicite, et levate capita vestra. Mais je crains que vous n’ayez pas sujet d’avoir en vos cœurs cette confiance, et je me contente de vous exhorter à lever avec moi les yeux au ciel, pour demander à Dieu les grâces qui nous sont nécessaires, par l’intercession de la Vierge, à qui nous dirons avec l’Ange : Ave, Maria.

 

 

Premier point

 

Une des principales circonstances du jugement universel sera la honte des pécheurs, lorsque Dieu, qui connaît le secret des cœurs, découvrira leurs consciences criminelles, à la vue et au jugement de toutes les nations assemblées : circonstance d’autant plus rude que nous sommes naturellement portés à cacher nos péchés, et que nous aurons un juge, dont les yeux pénétrants perceront jusqu’aux moindres impuretés dans nos âmes. L’Écriture est pleine de témoignages de cette vérité ; tantôt elle nous avertit qu’il n’y aura pas un péché secret qui ne devienne public, eût-il été caché sous les voiles les plus épais de la dissimulation, eût-il été enveloppé dans les replis les plus sombres d’un cœur hypocrite, eût-il échappé à la vue de tous les hommes, et de celui-là même qui l’a commis : Nihil occultum, quod non revelabitur.Tantôt elle nous exhorte à ne point juger des actions d’autrui, jusqu’à ce que le Seigneur vienne, qui éclairera les ténèbres les plus épaisses, et rendra visibles les plus secrètes intentions des cœurs, afin que chacun reçoive de lui, ou l’approbation que sa vertu aura méritée, ou le blâme qu’il doit attendre de son vice : Qui revelabit abscondita tenebrarum, et manifestabit consilia cordium.Elle nous assure que nos péchés sont comptés, et que ce tas d’iniquités est réservé et scellé devant Dieu, pour le jour de sa vengeance : Nonne hæc condita sunt et signata ;en sorte que, de tant de discours frivoles, de regards impurs, de pensées extravagantes, de négligences affectées, de médisances mordantes, d’avarices sordides, d’impiétés secrètes ou manifestes, selon la dureté et l’impénitence du cœur des hommes, il se fait devant Dieu comme un trésor et un amas de colère, pour être découvert au jour de la vengeance, et de la révélation du juste jugement de Dieu : Secundum duritiam tuam, et impœnitens cor, thesaurisas tibi iram in die iræ, et revelationis justi judicii Dei,dit l’Apôtre.

Cette vérité est fondée sur ce que Dieu, qui voit tout, révélera tout, et qu’il sera par conséquent juge et témoin tout ensemble. Il y a cette différence entre les jugements des hommes et ceux de Dieu, que les premiers sont bornés dans leur connaissance, et longs dans leur discussion. La connaissance des hommes ne s’étend qu’aux actions extérieures, et aux péchés consommés, et ne va tout au plus qu’aux crimes qui troublent l’ordre visible de la société ; au lieu que Dieu pénètre dans le fond de nos actions, qu’il discerne non seulement le péché, mais encore l’intention du pécheur ; et que, découvrant le crime dans sa source et dans son principe, avant même qu’il soit accompli, il voit tous les dérèglements du cœur dans le cœur, et les malices de l’âme dans l’âme même, et juge les volontés criminelles comme les crimes effectifs. La justice humaine a des règles qui la contraignent dans ses fonctions, parce qu’elle a ses préventions, ses intérêts et ses faiblesses ; elle a des usages, et certain ordre qu’on lui a imposés pour la redresser. De là viennent les plaintes, les accusations, les tourments et ces autres formalités qui sont la voie ordinaire des connaissances humaines. Mais Dieu est lui-même sa loi et sa règle ; et comme il ne peut ni se tromper dans ses pensées, ni excéder dans ses jugements, ni ignorer la vérité, ni la dissimuler, il sera lui seul l’accusateur et le témoin, le juge et le vengeur de tous les crimes.

C’est pour cela que Jésus-Christ aura tous les droits et tout le pouvoir de juger, parce qu’il est par une attribution particulière la sagesse, la lumière et la vérité ; sagesse qui découvrira tous les détours de la dissimulation et de la fraude. Alors on verra ces calomnies conduites avec tant d’art pour opprimer un innocent ; ces moyens de parvenir par des injustices secrètes ; toutes les finesses de la prudence de la chair, ingénieuse à les inventer, ingénieuse à les couvrir : lumière qui se répandra sur le pécheur et sur le péché, pour confondre l’un et découvrir l’autre. À cet éclat, on verra les actions les plus humiliantes ; ces bassesses qu’on aurait voulu se pouvoir cacher à soi-même ; ces coups sourdement donnés pour ruiner la réputation ou la fortune d’un honnête homme : vérité qui séparera les réalités des apparences, et qui montrera le fond de nos actions, sans s’arrêter à la surface. Alors il n’y aura rien que de vrai ; ces vices, dont les flatteurs faisaient des vertus, dépouillés d’une enveloppe de réputation et de louange, reprendront leur forme, redeviendront vices. Ces richesses acquises si finement, l’industrie à part, ne seront plus qu’un amas de larcins et d’injustices. Ces amitiés qu’on croit si pures, quand on leur ôtera cette apparence d’honnêteté qui les couvre, paraîtront telles qu’elles sont, un vil commerce d’intérêt ou d’impureté. Ces aumônes, quand on effacera cette couleur de la charité qu’on leur donne, ne seront plus que de vaines ostentations, ou des compassions naturelles. Ces humilités qu’on admire, quand on aura levé le masque qui les couvre, ne seront peut-être que des vanités déguisées. Ces confessions et ces communions, dénuées des formes extérieures de la pénitence et de la piété, ne seront plus que ce qu’elles ont été, des coutumes sans réflexion et des bienséances sacrilèges. Soit que le péché ait laissé en nous une impression, ou, comme parle Tertullien, une flétrissure, comme une marque d’infamie gravée dans le fond de nos consciences, et qu’une lumière divine rendra toutes ces marques visibles et reconnaissables ; soit que Dieu, serrant le cœur des pécheurs, les obligera par la force de la Vérité à manifester devant lui, toutes leurs pensées, et tirera de leurs bouches criminelles des confessions forcées de leur vie et de leur conduite ; soit enfin que Dieu déclarera à chacun sa conscience et celle des autres, et imprimera dans leur imagination leurs fautes publiques ou secrètes : quoi qu’il en soit, quelque obscurité que vous ayez répandue sur vos actions, Dieu deviendra lumière pour les éclairer : Quascumque factis tuis umbras substruxeris, Deus lumen est.

La raison de cette conduite de Dieu dans cette dernière action de jugement, c’est qu’il est de l’accomplissement et de la perfection de sa justice de faire connaître à chacun le sujet de son salut ou de sa perte, et de justifier devant tout le monde la sentence qu’il sera prêt à prononcer. Je sais, Messieurs, que les jugements de Dieu sont toujours véritables, et qu’ils portent leur justification avec eux : Judicia Domini vera, justificata in semetipsa : parce qu’il ne cherche pas, dans la punition des hommes, une vaine ostentation de sa grandeur, mais des preuves de son équité suprême. Je sais que la volonté de Dieu et sa justice, c’est la même chose ; qu’il a une puissance de force, par laquelle rien ne peut lui résister, ni dans le ciel, ni sur la terre, ni dans les enfers ; et une puissance de droit et d’autorité, par laquelle tout ce qu’il fait est rendu juste ; et qu’ainsi, soit qu’il punisse, soit qu’il récompense, quoique les causes de sa bonté ou de sa rigueur soient obscures, elles ne laissent pas d’être équitables. Il n’a qu’à s’en rendre compte à lui-même. Quis dicet tibi, quod fecisti ? aut quis stabit contra judicium tuum ? quis imputabit tibi si perierint omnes nationes ? Qui est-ce, mon Dieu, qui vous dira pourquoi jugez-vous ainsi ? Qui est-ce qui prendra la défense de ceux que vous condamnerez ? Qui est-ce qui vous imputera la perte des nations que vous avez faites ? Qui est-ce qui entreprendra de vous contredire, et de réformer vos jugements ? Toutefois, il veut par une conviction publique fermer la bouche aux impies, faisant voir à chacun les péchés de tous, et à tous les péchés de chacun en particulier ; il veut que sa justice soit reconnue, et que ceux qui la ressentiront ne puissent en disconvenir eux-mêmes, quand ils se verront tels qu’ils sont.

Car la plupart des hommes ou diminuent leurs péchés, ou les ignorent, ou les cachent. Quelles excuses, quelles justifications ne trouvent-ils pas ? S’ils sont puissants, ils croient qu’ils sont au-dessus des lois, et qu’on doit respecter leur autorité aux dépens même de la religion. S’ils sont obscurs, ils croient qu’il importe peu quelle vie ils mènent. S’ils commencent à pécher, ils prétendent que les premières fautes sont pardonnables ; s’ils continuent depuis longtemps, ils accusent la force de leurs mauvaises habitudes, dont ils n’ont pas voulu se rendre les maîtres. S’ils sont délicats, ils veulent qu’on les épargne et qu’on les ménage ; ainsi, affaiblissant dans leurs esprits leurs péchés, ils les regardent au dehors, ils les commettent sans crainte, et s’en accusent sans repentir ; ils vont tête levée aux pieds d’un prêtre. La moindre sévérité les offense. Il faut qu’un confesseur choisisse ses termes, de peur de blesser leur délicatesse ; et, dans un tribunal aussi sévère et aussi absolu qu’est celui de la pénitence, on dirait que le juge tremble devant le criminel, et qu’il lui demande comme une grâce de vouloir prendre quelque soin de son salut. Telle est l’indulgence des pécheurs pour eux-mêmes : on se flatte, on se déguise ; qui est-ce qui n’a pas une apologie toujours prête pour son péché dominant ? et qui est-ce qui ne se fait pas une espèce d’innocence par la comparaison de ceux qu’il veut croire plus méchants que lui ? qui est-ce qui ne tâche pas de s’aveugler soi-même et de corrompre sa propre conscience ? Il est donc juste qu’il y ait un jour de reconnaissance et de révélation, comme parle l’Écriture : In die agnitionis, in die revelationis,où chacun soit représenté à lui-même dans son état naturel ; où la vérité, qui est la forme et la règle des jugements irréprochables, soit la seule qui préside ; où toutes les fausses règles que nous avons appliquées à nos actions soient produites et redressées sur la règle infaillible et immuable de la loi divine, et où cette lumière que nous avons tant de fois étouffée, en nous justifiant à nos propres yeux, nous découvre tout entiers à nous-mêmes, afin que Dieu soit justifié, et que ses jugements soient hors d’atteinte : Ut justificeris in sermonibus, et vincas cum judicaris ; et que l’homme reconnaisse, et la grandeur de ses péchés, et la vanité des excuses qu’il recherche pour les affaiblir.

Ce serait peu s’il ne faisait qu’excuser ses fautes ; mais malheureusement il les ignore. Il y a deux sortes d’ignorance ; l’une est presque nécessaire et inévitable, l’autre est volontaire et affectée : la première est la suite et la peine du premier péché. Ce sont ces nuages qui s’élèvent dans nous, qui nous cachent ordinairement certains endroits de nous-mêmes, quelque soin que nous prenions de nous connaître ; certains désirs cachés dans le fond de l’âme, qui sont aussi invisibles et aussi imperceptibles que l’âme même, qui les cache et les retient sans qu’elle s’en aperçoive. Ce sont ces mystères d’iniquité qui se passent en nous, que nous ne découvrirons jamais, si l’esprit de Dieu n’y entre et n’y porte sa lumière. C’est pour cela que l’Écriture, après avoir dit que les voies de Dieu sont impénétrables, nous avertit que celles de l’homme le sont aussi, parce que comme il y a en Dieu une profondeur de lumière et de sagesse qui est impénétrable aux hommes et aux anges, il y a aussi dans l’homme, depuis qu’il s’est déréglé, une profondeur de ténèbres et d’égarement qui le fait agir d’une manière incompréhensible aux autres et à lui-même. C’est ce qui faisait dire au roi prophète : Seigneur, ne vous souvenez pas de mes ignorances : Ignorantias meas ne memineris ; comme s’il eût dit : Je travaille, Seigneur, à détruire en moi ces grandes passions qui m’agitent ; comme elles se font sentir, elles se font pleurer ; aussi je m’en défends, et je les combats : mais pour ces passions inconnues que j’entretiens en moi sans le savoir, c’est à votre miséricorde à les pardonner ; c’est à votre grâce et puissance à détruire ces ennemis cachés qui me peuvent nuire, et dont je ne puis me défendre.

L’Écriture sainte nous enseigne qu’il faut gémir dans la vue de ces ignorances, et le Saint-Esprit, dans les livres de l’ancienne loi, a prescrit les règles et la forme des sacrifices pour expier ces fautes inconnues avant que Dieu les montre et les punisse dans son jugement. Mais il y a une ignorance affectée et volontaire, qui ne vient pas d’un défaut de lumière, mais d’un défaut de soin et de réflexion. C’est cet aveuglement que nous faisons nous-mêmes, quand nous négligeons de connaître nos devoirs, de peur que l’obligation que nous aurons de les accomplir, ne nous presse trop quand ils seront une fois connus, et que nous ne soyons contraints de renoncer à nos passions ;ou que nous ne tombions dans un remords incommode qui trouble notre repos et notre plaisir, comme s’il n’y avait point de jugement, et s’il était permis de vivre au hasard.

En effet, qui sont ceux qui font réflexion sur leur conduite ? Qui sont ceux qui ont l’intelligence de leurs péchés : Delicta quis intelligit ?Les uns nous échappent, dit saint Augustin, ou par le peu de précautions que nous avons à les éviter, ou par la facilité que nous avons à les commettre : nous échappons aux autres, en résistant, pour contenter nos passions, à nos lumières, ou en nous faisant de faux principes, ou pour en diminuer l’injustice, ou pour en effacer le souvenir. Quelqu’un songe-t-il aux péchés d’usage et d’emploi ; profite-t-on du temps qu’on a pour gagner une éternité ; quelle partie en donne-t-on à son salut ? Le jeu, la conversation, les affaires ne font-ils pas l’occupation de la plupart, je dis des honnêtes gens selon le monde ? Toute leur vie se réduit à des spectacles qu’on a vus, à des compliments qu’on a faits, à des visites qu’on a rendues, à des nouvelles qu’on a, ou apprises, ou débitées ; ils passent sans scrupule ces années d’amusement qu’interrompent à peine quelques bienséances de religion, que le monde même demande, quelques remords qu’une réflexion importune aura tirés d’un cœur lassé peut-être de ses plaisirs, et quelques soupirs que le danger d’une mort prochaine arrachera de leur esprit affaibli, et de leur conscience effrayée. Cependant on rendra compte à Dieu de tant de vains et inutiles moments : et si Jésus-Christ dans son Évangile nous assure qu’une parole oiseuse sera rigoureusement condamnée et punie, que sera-ce d’une vie qui n’aura été qu’une longue et stérile oisiveté ? Quel usage fait-on des biens du monde ? on s’en sert pour entretenir la vanité, par des dépenses excessives, ou pour satisfaire son avarice par des épargnes accumulées. On ne s’informe ni des malheurs du temps, ni de la misère des pauvres. On croit n’être grand et n’être riche que pour soi. Pourvu qu’on ne prenne pas le bien d’autrui, on croit pouvoir innocemment abuser du sien. Tantôt il faut soutenir sa qualité, tantôt il faut amasser pour ses enfants ; ainsi on se fait de son avarice une vertu de sa condition, et l’on veut être prudent, quand il faut être charitable. Cependant tout jugement semble se réduire à cela : Esurivi, et non dedistis mihi manducare. Personne n’y fait réflexion : Delicta quis intelligit ? Y a-t-il quelqu’un qui s’examine sur ses péchés de conversation ? À quoi aboutissent tous les entretiens d’aujourd’hui, sinon à s’amuser aux dépens d’autrui, et à se jouer de la réputation les uns des autres ? C’est l’agrément de ceux qui parlent, c’est le plaisir de ceux qui écoutent ; sans cela les conversations tarissent, le monde n’a plus d’esprit ; avec cela chacun plaît, chacun s’insinue, chacun s’exprime heureusement ; ce vice est devenu si commun, qu’on est parvenu à ne s’en apercevoir presque plus : on s’est fait un point de sincérité et de bonne foi, de ne se rien dissimuler de ce qui est désavantageux à ceux dont on parle. Les oreilles se sont accoutumées à cette espèce de langage, si peu charitable et si peu chrétien ; tout consiste aux manières ; car encore veut-on dans les péchés, même les plus cruels, garder quelque apparence de politesse. Une médisance grossière et insupportable, c’est déchirer sans pitié la réputation du prochain, c’est assassiner son frère inhumainement. Un honnête homme sait mieux vivre, il empoisonne avec art tous les traits de sa médisance, il commence un discours sanglant par une préface flatteuse, et disant d’abord du bien, pour faire mieux valoir le mal qu’il va dire, il pare la victime qu’il veut égorger, et croit qu’il est plus innocent, quand il jette quelques poignées de fleurs sur l’autel qu’il veut ensanglanter de son sacrifice.

Ceux mêmes qui se piquent de piété ne sont pas exempts de ce vice. Et cependant l’injure qu’on fait au prochain, la difficulté de la réparer, l’impression et le progrès que fait d’ordinaire une médisance, qui sert d’instrument à la passion des uns ou de nourriture à la malice des autres, et toutes les conséquences dont on est responsable, devraient faire trembler : Delicta quis intelligit ?Qui est-ce, dit saint Chrysostôme, qui connaît ou qui veut connaître les péchés de son état et de sa profession ? soit parce qu’étant plus conformes à nos inclinations, ils nous deviennent plus familiers, soit parce qu’étant plus souvent réitérés, ils ne se font presque plus sentir ; soit parce qu’ils ont plus de proportion avec nous, nous les prenons souvent pour des droits, et pour des dépendances de notre emploi. Les magistrats qui ont la justice entre les mains, lorsqu’ils la font pencher du côté du sang, de l’amitié, de la faveur, ou de la brigue ; lorsqu’ils donnent un tour favorable, ou pernicieux aux affaires, en les montrant du bon ou du mauvais côté ; lorsque par des longueurs infinies, ils lassent la patience des malheureux, ils croient que c’est un droit de leur état, et qu’ils sont maîtres de la justice ; ils paraîtront devant le tribunal de Jésus-Christ, et leurs injustes jugements retomberont un jour sur eux-mêmes. Combien les personnes qui sont consacrées à Dieu font-elles de fautes sans qu’elles s’en aperçoivent ! Combien d’infidélités à Dieu, combien de dérèglements dans leurs paroles ! combien de fois blessent-ils la conscience des faibles, par les mauvais exemples qu’ils leur donnent ! À quels usages destinent-ils les biens dont ils ne sont que les dispensateurs et les économes ? Quel soin ont-ils d’instruire les ignorants, et de ramener à Dieu ceux qui s’égarent ? Ils voient le crédit que leur donne leur dignité, et ne connaissent pas les devoirs ni les dangers de leur ministère : Delicta quis intelligit ?

Pour confondre tant de sortes de pécheurs, et pour leur faire voir ce qu’ils ont ignoré, Dieu descendra lui-même, dit le prophète : Ecce vigil, et sanctus de cœlo descendit,attribuant au souverain Juge deux qualités, la vigilance et la sainteté, pour marquer que ni l’éloignement, ni les ténèbres, ni le silence, ni le secret, n’auront rien pu dérober à sa connaissance, et que rien de profane, rien de mondain, rien d’injuste, n’aura pu être supportable à sa sainteté ; et qu’ainsi il couvrira les impies de confusion, en devenant leur juge, et les obligeant eux-mêmes à devenir leurs accusateurs ; ce qui fera une des plus rigoureuses peines du jugement.

Il n’y a rien de si triste que la vue de nos péchés, quand ce n’est pas la miséricorde de Dieu qui nous les montre, pour nous exciter à l’humilité et à la pénitence. Jésus-Christ nous apprend que tous ceux qui font le mal ne peuvent souffrir la lumière, parce qu’elle les humilie, et qu’elle leur découvre ce que leur amour-propre leur veut cacher : Omnis qui male agit odit lucem, et non venit ad lucem, ut non manifestentur opera ejus.Le roi-prophète proteste qu’il ne peut avoir ni paix ni repos dans son âme, tant que ses péchés, comme des spectres importuns, lui apparaîtront au milieu même de ses plaisirs : Non est pax ossibus meis a facie peccatorum meorum ;et la plus grande menace que Dieu fasse au pécheur, c’est de le représenter à lui-même : Arguam te, et statuam contra faciem tuam.Aussi qui est-ce qui ne cherche pas à se répandre au dehors, et à perdre le souvenir de soi-même par une vaine application aux choses extérieures ? D’où vient que les hommes vivent dans une agitation perpétuelle, qu’ils s’occupent d’affaires, de sciences, de jeux, de désirs, d’espérances ? d’où viennent ces soins qu’on a, ou qu’on se fait quand on n’en a pas ; ces vues qu’on porte toujours hors de soi, de peur de tomber dans la connaissance de ses défauts ; cette avidité de divertissements qui dissipent l’imagination, et qui la détournent sur des objets étrangers ? D’où viennent cette horreur qu’on a de la solitude, parce que, n’étant plus frappés de cette grande diversité d’objets, on se trouve réduit à vivre avec soi et à penser à soi ; ces amusements qu’on cherche, non pas tant pour le plaisir qu’on y trouve, que parce qu’on y perd le chagrin de réfléchir sur ses actions ? Enfin, soit que l’âme qui n’est pas attachée à Dieu ne trouve rien en elle qui la contente, soit qu’elle craigne de perdre ses plaisirs, si elle se donne le temps d’en apercevoir le vide, soit qu’ennuyée de sa condition depuis le péché, elle évite le dégoût et l’amertume que lui donnerait l’attention qu’elle ferait sur elle-même ; il arrive qu’on se fait un art de s’oublier, au lieu de se faire une étude de se connaître. On croit avoir gagné les jours et les moments qu’on se dérobe à soi-même, et par une contradiction difficile à comprendre, l’homme qui s’aime tant ne se peut souffrir, lui qui rapporte tout à soi, ne fait aucun retour sur lui-même ; il se cherche et se fuit ; il veut tout savoir, et ne craint rien tant que de se connaître.

Que si on a tant de peine à s’examiner quand on peut se corriger, et quand on jouit toujours du plaisir du péché, quel supplice sera-ce donc pour les pécheurs, quand ils se verront tels qu’ils sont, lorsqu’une lumière importune leur représentera une idée effrayante d’eux-mêmes, idée qui formera, non pas une humilité de pénitence, mais une humiliation de désespoir. Ils verront leurs péchés, non pas comme la matière de leurs plaisirs, mais comme le sujet de leur damnation. La flatterie ne les colorera plus, l’amour-propre ne les dissimulera plus, l’impunité ne les assurera plus, l’autorité ne les soutiendra plus, les ténèbres ne les couvriront plus, la pénitence ne les réparera plus, le sang de Jésus-Christ ne les effacera plus ; il n’y aura plus que la vérité qui les découvrira, la loi de Dieu qui les condamnera, la justice qui les vengera, et l’endurcissement qui les entretiendra jusqu’à la fin.

Que nous reste-t-il à conclure ? sinon qu’il faut vous épargner cette honte. Dieu vous connaîtra tel que vous êtes pour vous punir ; connaissez-vous tel que vous êtes pour vous corriger. Faites vous-même aujourd’hui, par sa miséricorde, ce qu’il vous menace de faire un jour par sa justice. Travaillez à vous guérir, et non pas à vous cacher ; et, si vous ne pouvez voir sans chagrin le misérable état où vous êtes, ne cherchez pas de vaines consolations à vos maux ; cherchez plutôt de véritables remèdes. Mais ce n’est pas assez d’appréhender cette honte ; il faut craindre la justice de Dieu dans son jugement, si nous abusons en ce monde de sa miséricorde : c’est ma seconde proposition.

 

 

Deuxième point

 

L’Écriture sainte ne recommande rien tant que de craindre Dieu, et d’appréhender ses jugements. Elle nous apprend que c’est là le commencement de la sagesse, parce que le pécheur, qui s’est éloigné de Dieu, pour avoir été trop sensible au plaisir du péché, n’y retourne d’ordinaire que par un vif ressentiment de la peine qu’il a méritée, et que, comme le mépris de sa bonté, ou la fausse confiance en sa miséricorde est souvent le principe du dérèglement, l’appréhension de sa justice est aussi la première partie du repentir. Tantôt elle nous assure que nous ne pouvons être justifiés sans la crainte : Nam qui sine timore est, non poterit justificari ;car la crainte introduit la charité, qui est la véritable justice, et, après avoir dompté l’orgueil de l’homme par les menaces, le soumet volontairement à la loi de Dieu par l’espérance et par l’amour des promesses. Tantôt elle nous déclare qu’il n’y a que les âmes craintives qui aient sujet d’espérer dans les derniers jours : Timenti Dominum bene erit in extremis,parce qu’ayant été vivement frappées du malheur qu’elles devaient craindre, elles auront pris soin de le prévenir, et de l’éviter.

Ne nous flattons pas, Messieurs ; c’est là la voie du salut qui nous est marquée. Les pécheurs n’aiment pas à songer à ce qui les inquiète ; ils éloignent de leur esprit tout ce qui peut troubler leur repos et leur confiance : la considération de la mort, de l’enfer, et celle du jugement dernier, sont pour eux des méditations trop mélancoliques ; et, jugeant bien qu’ils ne pourraient attendre de la justice de Dieu que des châtiments et des supplices, ils ne le regardent que du côté de sa miséricorde, dont ils se promettent toujours les grâces qu’ils ne se mettent pas en état de recevoir. Ainsi ils secouent le joug de la crainte ; c’est même le défaut de certains dévots, qui, se croyant plus spirituels qu’ils ne sont, s’imaginent qu’il ne convient qu’aux grands pécheurs, ou aux âmes basses et grossières, de s’appliquer à ces objets de frayeur. Ils ne veulent nourrir leur dévotion que d’amour et de confiance, ils s’entretiennent dans une fausse paix, dans la poursuite d’une perfection imaginaire. Ils sont d’autant plus faibles, qu’ils veulent faire les magnanimes ; et, sous prétexte de charité satisfaisant leur amour-propre, ils ne parviennent pas à aimer Dieu, et se dispensent de le craindre.

Cependant toute l’Écriture travaille à nous remettre ces pensées terribles devant les yeux, et les Saints ne les ont pas trouvées trop grossières ni trop rebutantes pour eux, mais très salutaires et très efficaces. Je sais bien que le premier dessein de Dieu est d’aimer ses créatures, et d’en être aimé, et que ce n’est que par accident qu’il les punit, et qu’il s’en fait craindre. Depuis que nous sommes pécheurs, il nous menace comme criminels. Il a pour nous, dit Tertullien, la bonté de père et l’autorité de maître, il veut être aimé par religion, et craint par nécessité ; en quoi nous devons adorer sa Providence, qui, dans les occasions, et dans le penchant du péché où nous sommes, veut bien opposer ses jugements comme une digue à nos passions ; il nous fait une vertu de l’appréhension de nos peines, et exerce sur nous une espèce de miséricorde par la crainte même de sa justice.

Or, cette justice ne paraîtra jamais plus terrible qu’en son dernier jugement ; toutes les qualités divines de Jésus-Christ se manifesteront ; toute sa grandeur accompagnera, pour ainsi dire, sa justice ; tous ses attributs éclateront : sa puissance, il ressuscitera tous les hommes : son immensité, il se rendra présent en tous lieux : son éternité, il rappellera tous les temps : sa sainteté, il séparera les bons d’avec les méchants : sa colère, il se vengera des impies : sa sagesse et sa vérité, il ouvrira tous les cœurs, et pénétrera toutes les consciences : et, comme son intelligence infinie ne laissera rien de caché, sa sévérité inflexible ne laissera rien d’impuni. Alors on verra un juge incorruptible, impitoyable, qui jugera sans exception, qui condamnera sans miséricorde, et qui jugera sans ressource. Expliquons ces vérités en peu de mots.

Une des principales règles que le sage donne pour l’intégrité des jugements, c’est de considérer l’action, non pas la personne qu’on doit juger : Cognoscere personam in judicio, non est bonum.Parce que si le juge ne met sous ses yeux ce voile mystérieux qu’on donne à la justice, il peut se laisser affaiblir, ou par la crainte de ceux dont l’autorité lui peut nuire, ou par la considération de ceux dont l’amitié lui peut être utile ; et ainsi préférer ces personnes à la vérité, abandonner la vertu quand elle n’est soutenue que par elle-même, et absoudre l’injustice pour flatter l’injuste qui la commet ou qui la protège. Or, qui ne sait que Dieu est exempt de ces faiblesses ? On ne peut ni le préoccuper, ni le surprendre. Il ne peut être ni gagné par les persuasions, ni fléchi par des prières étudiées, ni étonné par la puissance, ni touché par l’amitié ; tous les hommes également et sans distinction sont soumis à son pouvoir et à sa justice : Non enim subtrahet personam cujusquam Deus, nec verebitur magnitudinem cujusquam, quia pusillum et magnum fecit ; où l’on peut remarquer trois causes de sévérité générale. La première est, l’équité de Dieu, qui fait que l’injustice lui déplaît en quelque sujet qu’elle se rencontre, et que son indignation tombe toujours sur le péché, de quelque qualité que soit le pécheur. Pour nous, qui ne connaissons ni le péché ni l’injustice, il nous arrive souvent, dit saint Augustin, de haïr les hommes à cause des vices, ou d’aimer les vices à cause des hommes. Il prend souvent des zèles indiscrets et des aversions capricieuses ; on se choque, on se scandalise ; un rapport, un intérêt, une incivilité, une défiance nous font passer de la haine des mœurs à celle de la personne ; ce n’est pas tant l’intérêt de Dieu que nous regardons que le nôtre. Souvent, si nous examinons bien, ce que nous croyons zèle est une vengeance, et sous une apparence de justice, nous découvrons un défaut de patience ou de charité. Au contraire, souvent nous aimons les vices à cause des hommes ; il prend des inclinations aveugles : on se prévient, on s’attache, on a des yeux indulgents pour ceux qu’on aime ; quelque critique qu’on soit d’ailleurs, quand on ne peut leur donner la perfection qu’on voudrait, on leur ôte du moins les défauts autant qu’on peut, on veut justifier l’attachement qu’on a pour eux, en justifiant toute leur conduite, On se fait un point d’honneur de ne pas montrer et de ne pas connaître soi-même qu’on soit trompé ; et, de peur qu’on ne fasse tort à la personne, on aime mieux faire grâce à son péché. De là viennent ces condescendances qu’on a pour les volontés injustes des pécheurs, ces timidités qui empêchent les bons avis, les sages conseils et les autres offices de la charité chrétienne ; ces flatteries qui entretiennent la vanité ou qui la produisent ; ces partis qu’on prend sans raison, et souvent même contre la raison. C’est que nous n’avons pas l’idée qu’il faut du péché, et que nous sommes attachés par nos passions aux personnes qui le commettent : mais il n’y a point auprès de Dieu d’acception de personnes ; il n’agit que par sa justice, il ne haïra que le péché.

La seconde raison, qui fait que Dieu ne fera aucune distinction, c’est sa souveraineté et son indépendance, qui, le mettant au-dessus de toute crainte et de toute espérance, le rendent inflexible et inexorable à toute injustice : Nec verebitur magnitudinem cujusquam.La troisième, c’est cette égalité de droit et de puissance qu’il a sur les créatures, par laquelle il jugera les faibles et les puissants, parce qu’il a créé les uns et les autres, et qu’il brisera d’une même main ces vases qu’il a faits d’or ou d’argile, quand ils auront été profanés. Tous les pécheurs donc paraîtront devant son tribunal : ces riches qui méprisèrent les pauvres ; ces pauvres qui attentèrent contre les riches ; ces pasteurs qui ne veillèrent pas sur leurs troupeaux ; ces troupeaux qui n’écoutèrent pas la voix de leurs pasteurs ;ces âmes vaines et curieuses qui inventèrent les erreurs ; ces âmes simples et crédules qui les suivirent. Tous ces criminels seront jugés sur la même règle, et se trouveront enveloppés dans la même sentence de condamnation, chacun selon la proportion de ses crimes.

Comme il n’y a qu’une loi, une foi, un baptême, il n’y aura qu’un même jugement, une même récompense, un même supplice. Malheur à ceux qui se seront fait en ce monde des titres vains et imaginaires de distinction dans la poursuite de leur salut ! Malheur à ceux qui auront vécu comme s’il y eût eu pour eux un Évangile plus doux et plus relâché ! Malheur à ceux qui, parce qu’ils commandaient aux autres hommes, auront fait, comme s’ils étaient moins obligés d’obéir à Dieu ! S’il y a quelque distinction, ce sera qu’ils seront jugés plus sévèrement. L’Écriture sainte ne s’est jamais exprimée avec plus de force que sur cette partie du jugement qui regarde les grands du monde : tantôt que les anathèmes et les malédictions du ciel seront lancés sur les montagnes, que le jour du Seigneur tombera sur les tours de Samarie, que sa voix brisera les cèdres du Liban : tantôt elle s’explique sans figure, que ce jugement sera terrible pour ceux qui ont quelque intendance sur les autres : Judicium durissimum his qui prœsunt, fiet ; qu’il aura de la miséricorde pour les pauvres, mais qu’il punira les puissants de toute sa justice, et de toute sa puissance : Exiguo conceditur misericordia, potentes autem potenter tormenta patientur.

Il vous jugera, Messieurs, selon vos qualités et selon vos charges. Vous lui répondrez de sa grandeur, dont vous avez été la représentation et l’image ; de sa puissance, dont vous étiez les dépositaires ; de sa justice, dont il vous avait fait les ministres ; de sa religion, dont vous deviez être les protecteurs, Vous rendrez compte des passions qu’on vous inspirera, de celles que vous fîtes naître ; des péchés que vous avez faits, et des grâces qu’il vous a faites ; des soins que vous avez eus pour vous, de l’indifférence et du mépris que vous avez pour les autres ; de ce que vous fîtes aimer, de ce que vous fîtes souffrir ; de ce que vous accordâtes à la faveur, de ce que vous refusâtes au mérite ; de la dissipation de vos biens et des charités qui s’en pouvaient faire ; des vices que vous pouviez arrêter par votre autorité, des vertus que vous pouviez produire par vos exemples. Votre chute sera plus grande, parce que vous avez été plus élevés : vous aurez moins d’excuses, parce que vous aviez plus de connaissance : vous avez eu plus de devoirs à accomplir, et vous aurez plus de sujets et plus de peine à vous justifier : vous avez eu plus d’occasions de faire du mal, et vous serez plus tourmentés : vous avez eu plus de moyens de faire du bien, et vous serez moins excusables : vous étiez plus accoutumés à vos aises et à vos plaisirs, les peines du châtiment seront plus sensibles : vous avez reçu plus de bienfaits, et votre ingratitude sera plus grande. L’excellence de votre condition ne fera que vous rendre plus punissable. Les flatteries qu’on vous dit et que vous cherchez ne feront qu’augmenter votre confusion, et l’impunité dont vous jouissez ne fera que renforcer vos supplices. Ne prétendez donc pas de distinction, ni de faveur du souverain juge.

Non seulement ce jugement se fera sans distinction, mais encore sans miséricorde. Il n’y a point de religion qui ne reconnaisse que l’homme est pécheur, et qu’il est sujet à la colère du ciel ; l’un naît du sentiment perpétuel de la conscience, l’autre vient de l’expérience de tous les siècles. Il est difficile de n’être pas convaincu de ces deux vérités. Mais plusieurs ont abusé de cette connaissance, en séparant ces deux choses qui doivent être inséparables : car les uns ont regardé les châtiments de la justice de Dieu détachés des crimes des hommes, et se sont formé l’idée d’une divinité cruelle et impitoyable, qui se plaît à faire des malheureux, et à montrer sa puissance en détruisant ses propres ouvrages. Les autres, au contraire, ont regardé les péchés des hommes, seuls, et détachés des châtiments de la justice divine, et se sont formé l’idée d’une divinité molle et négligente, qui, n’ayant pas la force ou le soin de punir les méchants, abandonne tout au hasard, et demeure dans une faible indifférence pour le bien et pour le mal. La religion chrétienne, qui seule donne une parfaite connaissance de Dieu, nous apprend à joindre ces deux objets, à ne regarder le châtiment que par rapport au péché qui l’a précédé, et à ne considérer le péché que par rapport au châtiment qui le suit infailliblement, et nous fait concevoir un Dieu bon et miséricordieux, qui aime ses créatures ; mais pourtant juste, ennemi du péché et de l’injustice. Ce sont les idées qu’il faut avoir de Dieu, souverainement bon et souverainement juste ; et, parce qu’une justice sans bonté causerait notre désespoir, qu’une bonté sans justice attirerait notre mépris, il est convenable qu’il tempère sa justice par les effets de sa bonté, et qu’il fasse respecter sa bonté par les effets de sa justice.

Cependant il me semble, Messieurs, que Dieu sépare l’exercice de ces deux attributs dans sa conduite à l’égard des pécheurs. En cette vie il les souffre, il les appelle, il les attend, quoiqu’ils ne le méritent pas, quoiqu’ils soient ses ennemis, quoi qu’ils continuent de l’offenser ; il déploie sur eux, dit l’apôtre, les richesses de sa bonté, et de sa longue patience, divitias bonitatis, patientiæ et longanimitatis. Sa miséricorde agit toujours et sans relâche, et sa justice tout au plus par reprise et par intervalle ; l’une est comme le soleil, qui nous fait tous les jours ressentir ses influences ; l’autre est comme la foudre, qui ne tombe que rarement : la justice punit quelques méchants en ce monde, afin qu’il paraisse que sa providence gouverne tout. Elle laisse plusieurs crimes impunis, afin qu’on sache qu’il y a un jugement à venir, auquel il réserve la punition. On peut dire même, avec saint Augustin, que la miséricorde agit toute seule ; que s’il nous châtie, s’il nous envoie des afflictions et des souffrances, c’est une espèce de miséricorde qu’il exerce sur nous, pour nous détacher du monde, pour nous ramener à lui, et pour faire de ces peines, une partie de notre pénitence. Mais, quand la mort surprend les pécheurs dans leur endurcissement, Dieu n’exerce plus que sa justice sur eux, en les privant par une dernière condamnation de toute espérance des grâces dont ils auront si longtemps et si indignement abusé.

Ne vous flattez donc pas, vous qui dites toujours que Dieu pardonne facilement, et qu’il est plus miséricordieux qu’on ne pense : vous croirez-vous alors bien justifiés, en disant : Nous avions cru que Dieu était bon. Vous ne vous trompiez pas, il fallait bien qu’il fût bon, quand, sous une feinte réconciliation, vous entreteniez ces inimitiés, et que vous alliez présenter jusqu’au pied des autels, où ce Dieu de la paix réside, un cœur plein d’aigreur et de sentiments de vengeance. Il fallait bien qu’il fût bon, quand, par des maximes impies et des railleries profanes, portant partout la froideur et le dégoût de la piété, vous étouffiez dans le fond des âmes crédules les semences de religion, qu’une bonne éducation y avait mises. Il fallait bien qu’il fût bon, quand vous passiez votre vie à recueillir ou à semer des bruits scandaleux, sans épargner ceux que leur piété devait vous faire respecter, et que leur caractère au moins devait vous rendre vénérables. Mais deviez-vous être méchant, parce que Dieu était bon ? parce qu’il était patient, fallait-il vous opiniâtrer à lasser sa patience ? Non, non, s’il était bon, il fallait l’aimer et le servir, il fallait craindre de lui déplaire, il fallait l’imiter et devenir bon comme lui, il fallait se garder de l’obliger à devenir sévère et impitoyable. Sa bonté n’était pas une permission pour faire le mal, mais un secours pour faire le bien ; ce n’était pas un sujet de libertinage, mais un motif de conversion. Ignoriez-vous que la patience de Dieu, selon saint Paul, vous invitait à la pénitence ; et qu’au lieu de dire, si Dieu n’était pas si miséricordieux, il faudrait le servir plus fidèlement ; il fallait dire, on ne peut le servir trop fidèlement parce qu’il est miséricordieux.

La justice alors prendra le soin de venger la miséricorde offensée. Dieu ne verra plus le pécheur comme un malheureux, que sa misère aura rendu l’objet de ses compassions ; mais comme un criminel que son crime aura rendu l’objet éternel de sa haine. Il invoquera Dieu, et Dieu ne l’exaucera plus ; il souffrira, et Dieu ne le soulagera plus ; il cherchera Dieu, et il ne le trouvera plus. Ce qui pourrait, ce semble, diminuer la terreur de cette justice, c’est que l’Évangile nous apprend qu’elle sera exercée par Jésus-Christ : et Jésus-Christ n’est-il pas le Sauveur des hommes ? Mais j’ose dire que c’est là l’endroit le plus terrible du jugement : quelle sera la crainte des impies, quand ils verront en Jésus-Christ tous les moyens de se sauver, toutes les causes de leur condamnation ; son salut qu’ils ont refusé, ses lois qu’ils ont violées, ses bienfaits qu’ils ont méprisés, ses exemples qu’ils ont rejetés, son alliance qu’ils ont déshonorée ? Rien ne leur sera si sensible que d’avoir pour juge celui qu’ils ont tant offensé, et qui leur a fait tant de bien. Rien ne leur fera tant connaître la grandeur de leurs péchés, que de voir celui qui les a tant aimés, que de vouloir mourir pour eux, qui les jugera lui-même indignes de tout pardon.

Ils seront donc condamnés sans miséricorde ; mais encore ils seront punis sans ressource. Dieu exerce sur nous deux sortes de jugements ; l’un est un jugement d’épreuve, l’autre est un jugement de décision. Le premier se fait lorsque Dieu descend dans nos consciences, et qu’il y dresse son tribunal, et nous cite devant lui pour y rendre compte de nos actions. Alors une âme s’ouvre à lui tout entière ; ses lois lui servent de règle, nos propres pensées sont nos accusateurs, et nos œuvres sont nos témoins, qui déposent contre nous-mêmes ; il nous montre nos fautes, et il nous condamne. Mais l’arrêt qu’il prononce contre nous, est un arrêt conditionnel et révocable ; l’exécution en est suspendue. Toute la vie de l’homme à l’égard de Dieu est un temps de vocation et de patience : il lui tend les bras de sa miséricorde, et il est prêt à le recevoir dès qu’il retournera à lui… Ce n’est pas qu’il y ait en Dieu du changement, ou de l’inconstance ; car il demeure toujours dans sa première volonté de pardonner à l’homme, s’il se convertit : ainsi il est toujours égal à lui-même ; le droit de sa justice est toujours qu’il punira le pécheur s’il ne se repent ; mais il reste toujours un droit de sa miséricorde, qui est qu’il lui pardonnera s’il rentre en lui-même, et s’il se convertit. Mais il y a un jugement de décision que Dieu exerce en secret au jour de notre mort, et qui se manifestera au jour de la vengeance universelle : la sentence est irrévocable, et l’exécution en est prompte et infaillible. Les voies de la pénitence sont fermées ; car le péché étant de sa nature une privation de vie spirituelle, l’homme qui y demeure, demeure en la mort, selon les termes de l’Écriture : et, quand il manque à réparer ses fautes dans le temps de la rémission et de la grâce, elles deviennent irréparables dans le temps de la vengeance ; en sorte qu’étant jointes à la justice de Dieu, et enveloppées dans la sentence de leur condamnation, elles peuvent être toujours punies ; mais elles ne peuvent jamais être expiées.

Ce jugement étant donc si redoutable, d’où vient qu’il fait si peu d’impression dans nos esprits ? Est-ce qu’il n’est pas certain ? Toutes les Écritures l’annoncent, Jésus-Christ lui-même en a marqué toutes les circonstances, et s’il vous reste un peu de foi, vous savez bien que c’est un mystère où il y va de votre éternité, sur la recherche de votre vie. Pouvez-vous désavouer vos péchés ? pouvez-vous douter de la puissance et de la justice de Dieu ? Et quelle conséquence tirez-vous de ces choses jointes ensemble ? Est-ce que vous croyez ce jugement éloigné ? Le Père céleste nous a caché les moments pour nous tenir dans une sollicitude continuelle ; mais après tout le monde finit pour nous quand nous finissons pour le monde ; il n’y a qu’un moment entre la mort et nous, et il n’y a rien entre la mort du pécheur et une éternité malheureuse. Y a-t-il donc de la sagesse à vivre sans précaution ? Jésus-Christ nous apprend qu’il viendra de nuit et subitement pour nous surprendre ; en quel état voulez-vous qu’il vous trouve ? Voudriez-vous que ce fût dans le moment que vous méditez cette vengeance ? Voudriez-vous que ce fût en ce temps où, occupés du désir de voir et d’être vus, vous nuisez partout au salut d’autrui, et vous hasardez du moins le vôtre ? Voudriez-vous que ce fût au milieu de ces divertissements qui vous détournent de la crainte de Dieu, et qui, vous remplissant des idées de la vanité et des folies mondaines, ne vous laissent pas même la liberté de penser à lui ? Songeons à prévenir la colère de Dieu par une pénitence sincère : ce n’est pas son jugement qui est à craindre, c’est le péché : ôtez les vapeurs et les exhalaisons qui s’élèvent de la terre, le ciel sera toujours serein, il ne s’y formera point d’orage, la foudre n’en tombera pas ; faites cesser vos péchés, et la colère de Dieu s’apaisera : toutes les portes de la miséricorde vous sont encore ouvertes, les larmes, la prière, le repentir, la conversion. N’attendons pas que la mort et le désespoir nous les ferment. Punissons-nous nous-mêmes, afin qu’il ne nous punisse pas, et qu’ayant redouté ses jugements, nous n’ayons qu’à jouir un jour de ses récompenses.

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13 janvier 2009 2 13 /01 /janvier /2009 12:18

L’Évangile de Jésus-Christ est divin, immuable et indivisible : il ne se morcelle pas, il ne s’édulcore pas, il n’évolue pas. Et pourtant chaque époque imagine qu’il est devenu nécessaire de le mettre au goût du jour, chaque docteur éprouve la tentation de l’adapter aux forces de son auditoire, chaque âme voudrait en diminuer les exigences.

Ceux qui ne cèdent à cette illusion ni pour eux-mêmes ni pour ceux dont ils portent la responsabilité sont les saints : leur mérite est immense parce que seuls ils accomplissent totalement l’œuvre de Dieu, qui est d’adapter les âmes à l’Évangile, de les mettre au goût de l’éternité, de les faire évoluer par une croissance continue dans la charité.

Le Père Emmanuel – de son nom Louis-Émile-Ernest André (1826-1903) – est de cette race-là. En 1849, tout fraîchement ordonné prêtre du diocèse de Troyes, il est nommé curé d’une paroisse de trois cents habitants très déchristianisée, Le Mesnil-Saint-Loup, aux confins de la Champagne et de la Bourgogne. Il en restera curé jusqu’à la mort, se dévouant sans trêve pour ses paroissiens qu’il veut faire vivre de l’Évangile dans toute sa force et son exigence.

Son zèle, vivifié par la dévotion à la sainte Vierge Marie qu’il fait vénérer dans sa paroisse, par une autorisation inouïe au point d’en être miraculeuse de Pie IX, sous le nom de Notre-Dame de la Sainte-Espérance, son zèle fait de cette terre isolée et ingrate une terre de chrétienté, une résurgence de la ferveur de l’Église au temps des Apôtres, un domaine de sainteté dont la fidélité et le rayonnement dureront jusqu’à ce que le concile Vatican II vienne tout obscurcir.

Quel fut donc le secret de ce prêtre étonnant, âme d’élite et esprit supérieur, aussi à l’aise pour instruire ses paysans que pour fonder et diriger une Revue des Églises d’Orient à diffusion mondiale, fondateur d’un monastère olivétain paroissial dont il fut Abbé sous le nom de Père Emmanuel, et rédacteur du Bulletin de Notre-Dame de la Sainte-Espérance d’où sont extraites les pages dont le lien est donné ci-dessous ?

Ce secret est tout simple et n’est pas secret… La méthode du Père Emmanuel est de prier et de faire prier pour demander la grâce de Dieu ; elle est, pour éviter qu’on ne prie en vain, d’enseigner la grandeur et l’absolue nécessité de la grâce pour la vie chrétienne qui est surnaturelle et théologale. Elle est donc de prêcher l’Évangile de Jésus-Christ dans toute sa vigueur tout en donnant le moyen d’y répondre : la prière qui obtient la grâce divine ; la prière qui maintient l’âme dans l’espérance et dans l’humilité ; la prière qui sème l’esprit chrétien manifesté par la modestie tant intérieure qu’extérieure ; la prière qui dispose à recevoir les sacrements d’une manière digne et fructueuse ; la prière qui rend docile à la sainte Église catholique hors de laquelle il n’y a ni vraie foi ni salut éternel.

Le Père Emmanuel ne se satisfait pas de vérités diminuées, ni d’une vie chrétienne au rabais, ni des lâches accommodements de l’esprit mondain : voilà pourquoi il a été un apôtre fécond, voilà pourquoi son œuvre a duré, et qu’elle demeure très bienfaisante : on s’en convaincra par la lecture des lumineuses pages de cette liqueur forte et savoureuse, Le chrétien du jour et le chrétien de l’Évangile.

L'éditeur avait ajouté à ce bel opuscule deux appendices qui en formaient un heureux complément et une opportune illustration.

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16 décembre 2008 2 16 /12 /décembre /2008 18:34

La question de la conscience erronée et la question de la prétendue liberté religieuse sont en rapport intime. Tomber dans l’erreur à propos de l’obligation de la conscience erronée entraîne d’imaginer que la liberté religieuse (c’est-à-dire la liberté civile en matière religieuse) est un droit.

En voici pour témoin une consultation à laquelle répond l’Ami du Clergé (1928, p. 752). Je n’en change pas un mot, pour manifester qu’en ce temps la vérité était en possession tranquille chez le théologien qui répond, mais que des confusions délétères couraient parmi le clergé. Je me suis juste permis d’ajouter quatre notes, dont l’une n’est qu’une traduction.

______________

Question  —  On dit en saine philosophie que l’erreur n’a pas de droits. Énoncé sous cette forme, le principe est incontestable. Mais si l’erreur n’a pas de droits, ne pourrait-on pas dire que l’individu qui est dans l’erreur a des droits ? Je m’explique.

Un protestant de bonne foi, qui partant est dans l’erreur, a le droit de professer sa religion. Ce que l’on concède pour un individu, il faut le concéder pour plusieurs individus réunis ensemble. Partant, voici un groupe de protestants de bonne foi : ils ont le droit de pratiquer leur religion. Il faut même ajouter que c’est pour eux un devoir de conscience.

Ce que je voudrais savoir, c’est la nature de ce droit que possède un individu qui est dans l’erreur de bonne foi, de poser des actes qui découlent de cette erreur, ou même commandés par cette erreur.

Quelques-uns de mes confrères pensent que ce droit est un droit naturel. D’autres refusent d’admettre cela en répétant que l’erreur n’a pas de droits. Ils disent que les faux cultes n’ont aucun droit à la liberté que les gouvernements leur octroient. Il me semble cependant que les Protestants dont j’ai parlé agissent en vertu d’un droit de conscience, d’un droit naturel, et non pas seulement en vertu d’une tolérance. Où est la vérité ?

Réponse  —  Vous devez faire quelques distinctions d’où sortira la lumière.

L’homme qui a une conscience invinciblement erronée est tenu d’obéir à sa conscience [1]. Mais l’obligation qui découle d’une telle conscience n’est pas tout à fait de même nature que l’obligation qui découle d’une conscience droite. « Diversimode recta conscientia et erronea ligat, écrit saint Thomas, recta quidem ligat simpliciter et per se ; erronea autem secundum quid et per accidens » (De Veritate, q. XVII, a. 4) [2]. 

La conscience droite oblige simpliciter, absolument, sans condition, parce qu’étant droite, aucune modification ne peut être apportée à son dictamen. La conscience erronée n’oblige que sous condition, c’est-à-dire si et tant que l’erreur persévère et, de plus, cette erreur peut être corrigée sans péché. La conscience droite oblige per se, parce qu’elle est droite et propose à l’homme en toute vérité la volonté du législateur ; la conscience erronée oblige per accidens, parce qu’on la croit droite, alors qu’en réalité elle ne l’est pas.

Ce devoir d’obéir à une conscience invinciblement erronée a pour corrélatif le droit divin, naturel ou positif, qui s’attache à la volonté du législateur souverain, volonté dont on croit retrouver l’expression dans le dictamen faussé de la conscience.

Vos protestants ont donc un véritable devoir d’obéir à leur conscience ; mais c’est du secundum quid et du per accidens. Le droit corrélatif à ce devoir n’est pas le droit de l’erreur, mais le droit de la vérité ; l’application en est fautive, c’est vrai, mais cette application défectueuse est encore ici per accidens.

Une conclusion s’impose, qui dépasse les limites tracées par la question posée, mais qu’il est nécessaire de tirer immédiatement : c’est que, vis-à-vis des pouvoirs civils, les obligations per se et per accidens, simpliciter et secundum quid ne sauraient être placées sur le même plan. L’obligation qui découle d’une conscience invinciblement erronée impose à l’État le respect de ces consciences individuelles [3] ; mais le per accidens ou secundum quid qui s’y ajoute libère l’État de toute condescendance vis-à-vis de l’erreur elle-même. Bien plus, le secundum quid ouvre à l’État comme à l’Église de vastes horizons pour leur permettre, à l’un de protéger [4], à l’autre de propager la vérité catholique et de tirer de l’erreur les âmes de bonne foi que touchera la grâce divine.

______________

Notes

[1]  Il n’est pas innocenté pour autant, car on se trouve alors devant un problème insoluble : si quelqu’un a une conscience certaine (et faussée) qui lui dicte comme un devoir nécessaire un acte, acte qui par ailleurs est contraire à la loi de Dieu et donc un péché, que doit-il faire ? Suivre sa conscience ? il ferait un péché ; ne pas la suivre ? il ferait un péché car sa conscience le lie. Et saint Thomas qui a plus d’une fois envisagé la question (in Gal. V, 3 et alibi) de répondre : il doit d’abord déposer sa conscience faussée.

[2]  « La conscience droite et la conscience erronée obligent toutes deux, mais de manières différentes : la conscience droite oblige par elle-même et absolument ; la conscience erronée oblige d’une certaine manière et par accident. »

[3]  L’expression « respect de la conscience » ou « respect des consciences », si elle peut s’entendre en un sens juste, ne laisse pas cependant de traîner avec soi une équivoque. Car la conscience n’est pas une faculté : elle est un acte, elle est un jugement de la raison pratique. On peut donc entendre par cette expression : « respect de la personne qui porte un jugement faux », et c’est une bonne chose ; ou bien on peut entendre : « respect du jugement faux », et cela n’est ni dû ni bon.

[4]  C’est trop peu dire que l’État doit protéger la vérité. Non seulement il doit la protéger, mais il doit la professer : il doit professer la Royauté de Jésus-Christ, qui est lui-même la vérité, et qui est venu en ce monde pour rendre témoignage à la vérité. Cela dit, si l’État manquait à son devoir de professer la vérité, il serait encore tenu de la protéger.

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20 avril 2007 5 20 /04 /avril /2007 18:03
La densité des mensonges qui courent sur les ondes ou dans les follicules augmente à mesure que les échéances (du verbe choir !) électorales s’approchent. Ces mensonges sont des faux bilans et des fausses promesses, des camouflages et des artifices ; mais ils sont, d’abord et plus profondément, des mensonges sur le sens de la vie humaine, sur notre raison d’être, sur la nature de la vie politique. Car toute la vie politique de la démocratie moderne est d’abord une conspiration contre la gloire de Dieu, contre le salut éternel des « citoyens », contre la loi naturelle.

Ne nous lassons donc pas de faire « campagne électorale » en répétant ce qu'’enseignait la sagesse surnaturelle et paternelle de Pie XII :
« C’est en vain qu’on s’efforce d’enrayer le déclin de la civilisation si on ne ramène pas à la foi de l’Évangile la famille, principe et fondement de la société. Nous tenons à le déclarer : la récitation du Rosaire en famille est un des moyens les plus efficaces pour réaliser une entreprise si difficile. » [Pie XII,
Ingruentium malorum, 19 septembre 1951].
Lui donnerons-nous 500 signatures ?

Dans le même esprit, Louis Veuillot écrivait le 29 janvier 1843 à Théophile Foisset :
« La société ne deviendra pas chrétienne par les institutions, mais par la loi de Dieu, et s’étant convertie, elle refera des institutions chrétiennes. Notre rôle est la patience ; nous travaillons pour nos enfants, nous leur laisserons un bel héritage. Quant à nous, partis les premiers de la servitude égyptienne, nous ne verrons que des yeux la terre promise ; nourris de manne et sans cesse combattus, nous aurons des jours laborieux, nous heurterons nos frères. Qu’importe ! nous n’attendons plus le Messie ; il nous attend. »

La doctrine politique de l’'Église catholique (qu’on appelle encore sa doctrine sociale) ne comporte rien sur le mode de désignation de celui qui est investi de l’'autorité politique sur la cité ; elle parle de l’origine de cette autorité – qui est Dieu – et de la nature de cette autorité, qui est d’être entièrement ordonnée au bien commun de la cité. La doctrine catholique parle aussi de la nature du bien commun, qui est un bien essentiellement moral [c’est-à-dire qui relève de la volonté et de la responsabilité des hommes – lesquels doivent se conformer à la nature des choses] et qui comporte au premier chef  la possession commune et paisible de la vraie religion.

Si la doctrine de l’'Église ne contient rien sur le mode de désignation du titulaire du pouvoir politique, c’est parce que tous les gouvernements (légitimes), quelle que soit leur « forme », ont la même nature et doivent posséder la même doctrine politique ; le mode de désignation demeure accidentel, et n’est donc pas déterminé en doctrine. Cela ne veut pas dire qu’il soit sans importance ; suivant les traditions, les mentalités, les circonstances, le mode de désignation peut avoir une grande portée concrète.

Témoin ce discours de Pie IX, du 5 mai 1874 :
« Je bénis tous ceux qui coopèrent à la résurrection de la France. Je les bénis dans le but (laissez-moi vous le dire) de les voir s’occuper d’une œuvre bien difficile mais bien nécessaire, celle qui consiste à faire disparaître ou à diminuer une plaie horrible qui afflige la société contemporaine, et qu’on appelle le suffrage universel. Remettre la décision des questions les plus graves aux foules, nécessairement inintelligentes et passionnées, n’est-ce pas se livrer au hasard et courir volontairement à l’abîme? Oui, le suffrage universel mériterait plutôt le nom de folie universelle ; et quand les sociétés secrètes s’en emparent, comme il arrive trop souvent, celui de mensonge universel. »
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16 décembre 2006 6 16 /12 /décembre /2006 14:05


Qu’il s’agisse de l’Église catholique, de la société civile ou des familles, l’un des pires maux qui puisse survenir est la défaillance de l’autorité : disparition, infidélité ou absence. Et nous sommes confrontés à ce pire des maux dans tous les domaines : notre malheur est grand. Mais il ne suffit pas de pleurer.

Nous devons porter le témoignage de la foi, et donc redoubler de docilité, de délicatesse, d’esprit filial envers la sainte Église catholique : connaissance et amour de sa doctrine, dévotion à la sainte Messe, multiplication des prières et sacrifices pour sa splendeur.

Pour ce qui est de la cité, il faut travailler au bien commun à la place que le Bon Dieu nous a assignée et prier pour que Jésus-Christ règne sans entrave : l’honneur de notre Sauveur et le salut de tant d’âmes sont intéressés à l’affaire.

Pour ce qui est des familles … il y aurait tant à dire. Si nous savions la puissance de la grâce du sacrement de mariage, si nous avions recours à la prière – non pas une prière vague et distraite, mais une prière suppliante, issue de l’examen de conscience – il n’y aurait pas tant de maux qui déchireraient les familles. Nous verrions la fermeté douce d’un père en parfaite harmonie avec la douceur ferme d’une mère, le bon exemple prévenir le commandement, la justice et non l’impatience exercer les nécessaires châtiments.

Nous avons déjà eu l’occasion de nous entretenir de ce fléau qu’est l’absence du père : qu’il soit captif de son ordinateur, englué dans
internet, paralysé par le respect humain, anéanti par le laisser-aller personnel ou le laxisme éducatif, immergé dans les projets terrestres, noyé dans les ambitions humaines, absorbé par les affaires (les enfantillages des grandes personnes) ou pilier de cabaret, le père absent est un grand coupable ; il prive ses enfants d’un des grands dons de Dieu ici-bas, un don dont Dieu lui-même a voulu prendre le nom, un père : un père à aimer, à craindre et à admirer.

Mon propos d’aujourd’hui est de rappeler un aspect de l’autorité auquel nous ne prêtons pas attention. Nous vivons dans un monde d’anarchie, nous n’avons plus à qui obéir : et qu’il est difficile de commander lorsqu’on n’a pas soi-même à obéir ! C’est l’
Imitation de Jésus-Christ qui nous l’'enseigne : « Nul ne commande sans danger s'il n'a pas appris à bien obéir. » (Livre I, chapitre 20)

Et donc, dans l’exercice de l’autorité que nous pouvons exercer, nous sommes toujours fluctuant entre dictature et lâcheté : tyranniques à l’égard de telle personne et faibles à l’égard de telle autre ; rigides dans tel domaine de peu d’'importance et libéraux en d’'autres circonstances plus graves… Ce va-et-vient perpétuel blesse l’autorité, la rend odieuse, décourage les âmes.

Un autre phénomène naît aussi de notre nature blessée : de même que de nombreuses gens croient s’élever en rabaissant leur prochain, de même une autorité vacillante, de titre incertain, de légitimité douteuse, ou naviguant hors de son domaine, ou encore plus ou moins consciente de sa négligence antérieure, trouve une sorte de compensation dans la dureté et l’âpreté de son exercice. La brutalité (verbale ou physique) est toujours une marque de faiblesse.

Pour nous prémunir contre de tels défauts, recourons aux lettres de l’Abbé Berto (1900-1968), modèle de cœur sacerdotal, père de religieuses et d’'orphelins, débordant de doctrine et de romanité. Elles sont tirées du recueil de sa correspondance,
Notre-Dame de Joie (N.E.L. Paris 1974).

« On est supérieure pour dilater, pour épanouir, pour contenter ceux qui nous sont confiés. C’est à l’égard de tous ceux qui sont placés sous notre autorité que nous devons avoir, outre la charité théologale qui est due à tous, une indulgence inépuisable qui rend vraiment notre cœur semblable au cœur de Notre-Seigneur. Cette indulgence assurément n'exclut pas la fermeté, mais d’abord la fermeté n’est pas l’impatience, et ensuite, comme le parfait équilibre de la fermeté et de l’indulgence est bien difficile à notre imperfection, mieux vaut pécher par excès d’indulgence que de fermeté. » (12 octobre 1945, p. 169)

« Souvenez-vous que vous êtes établie
pour édifier et non pour démolir, pour réchauffer et non pour glacer, pour relever et non pour abattre, pour dilater et non pour resserrer, pour ouvrir les cœurs et non pour les fermer. Usez de votre autorité volontiers pour accorder, à regret pour refuser. À l’exemple de Jésus doux et humble de cœœur, rendez votre joug doux et léger ; diminuez le fardeau de l’obéissance, rendez-la aisée et douce. » (30 novembre 1946, p. 175)

« La patience, la douceur, la persévérance dénouent des difficultés que la précipitation ou la violence ne feraient que rendre plus graves. Nous ne pouvons pas briser les âmes ; quand elles ne sont pas à la hauteur où ne le voudrions, il ne reste qu'à les y élever maternellement. J’excepte le cas d’une incapacité manifeste et qui peut être irrémédiable. Mais cette incapacité est surtout grave dans le supérieur lui-même, quand c’est de gouverner qu’il est incapable. » (6 novembre 1947, p. 180)

On peut d’ailleurs remarquer que les conseils que donnent l’Abbé Berto sont réversibles : il est charité pour un subordonné de rendre doux et léger le fardeau de l’autorité (car c’en est un) en allant au devant d’elle et en lui manifestant la docilité qu’elle requiert. Cependant, l’'autorité ayant un grave devoir d’exemple, c’est à elle qu’incombe en priorité l’établissement de l’allègement mutuel si souhaitable et sans lequel tout est inhumainement pesant.

Dans son opuscule sur la direction spirituelle, le même Abbé Berto énumère trois défauts contre l’obéissance, dont le second est « la servilité, l’esprit de louange, plus contraire à l’obéissance que la raideur, en ce qu’il peut tromper les Supérieurs sur eux-mêmes ». Le troisième est plus grave : « le défaut le plus dangereux de tous est la complaisance d’esprit, qui tend à faire de l’autorité, dans des matières de soi soumises à la raison et à la conscience, la règle de la vérité (IIa IIæ q. 104 a.5, ad 2m). » (
Principes de la direction spirituelle p. 86)

Ce dernier défaut est, lui aussi, réversible : le plus dangereux défaut de l’'autorité est d’agir comme si elle était la règle de la vérité. On excepte bien sûr l’'autorité du souverain Pontife : et même là, le Pape n’est pas règle vivante de la foi en tant qu'il
commande, mais en tant qu’il atteste et enseigne (sous l’assistance du Saint-Esprit) que telle vérité est révélée par Dieu, que telle doctrine est connexe à la Révélation, que telle proposition est directement ou indirectement contraire à la foi.

Car obéir consiste à conformer son jugement pratique à celui du supérieur :
le bien est pour moi de faire ce que me dit mon supérieur ; non pas à conformer son jugement spéculatif à celui du supérieur : ce que dit le supérieur est ce qui est vrai, ce qui est juste, ce qui est le plus approprié. Certes, il est souhaitable d’avoir le même jugement spéculatif, il est normal de chercher à comprendre les raisons d’agir du supérieur, mais cela n’est pas requis par l’obéissance ; l’intelligence n’est liée que par l’évidence de la vérité (évidence de la chose ou de sa crédibilité, évidence directe ou évidence démonstrative), et non par la volonté d’autrui.

Il reste à noter que l’autorité est une notion analogique : si toute autorité vient de Dieu, il y a cependant une différence d’ordre entre l’autorité naturelle (dans la famille, dans l’'entreprise, dans la cité) et l’autorité surnaturelle de l’Église ; il y a une différence de nature entre l’autorité habituelle qui est directement ordonnée au seul bien commun de la société, et celle du père ou du supérieur religieux (au sens strict) qui est aussi ordonnée au bien propre de leurs sujets.


P.S. Extrait de la lettre adressée à des parents d'élèves pour Noël (1995) :

« Un des grands drames de cet âge-charnière qu’est l’adolescence est l‘absence du père. Parfois ou souvent, il ne faut pas chercher plus loin l’explication de nombreux dérèglements ou de sensibilités déviées.
« Tout enfant a besoin d'un père, mais les adolescents ont particulièrement besoin d’un père à
admirer, à aimer et à craindre. Et trop souvent, le père est absent : père absorbé par les affaire ou un quelconque « hobby », père étouffé par une épouse autoritaire qui prive ainsi ses enfants d’un grand bien (ou pire, qui leur donne l’épouvantable exemple du mépris de leur père), ou père absent du foyer pour cause de séparation – mal sans guère de remède.
« Lorsqu’un père est absent parce que le bon Dieu l’a rappelé à Lui, ou parce qu’il sert au loin – comme le font les militaires – on ne constate pas du tout les fruits de mollesse qu’on remarque dans les cas où l’absence du père n’est pas normale. Aussi, il ne faut pas hésiter à le dire : malheur au père qui n’est pas présent pour voir grandir, pour enseigner et entraîner son fils ; malheur à la mère qui prive ses enfants de la présence, de l’autorité ou de l’estime de leur père : ces enfants entrent amputés dans la vie. »
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13 décembre 2006 3 13 /12 /décembre /2006 12:27
Sur Quicumque souffle un vent d’'aventure, surprenante, instructive, édifiante peut-être, qui nous plonge dans l’'Angleterre du seizième siècle, sous le règne d'’Elizabeth première (1533-1558-1603).
Une cour brillante, un orgueil démesuré, la passion des intrigues et les intrigues de la passion, la haine de la romanité, une ambition omniprésente : Elizabeth eut un règne de tourbillon, de grandeur, de rancune ; un règne qui fit germer à l’'envi la « semence de chrétiens » et qui a révélé des héros à jamais célèbres.
L'’aventure en question se déroule en marge de ce tourbillon. En marge ? Voire… !

Permettez-moi de vous conseiller d'’en commencer la lecture sans aller voir le dénouement : la progression de l’'
intrigue n'’est pas le moindre intérêt de l’'ouvrage. Laissez-vous captiver et conduire.

La vengeance d’'une Reine est disponible en fichiers PDF, en trois formats différents :

1.
A4 feuille à feuille.

2.
A4 en cahier : 1 cahier de 76 pages. Imprimez 19 feuilles de papier A3-paysage, en recto/verso.

3. Au format A5. 144 pages en quatre cahiers : 1-36 ; 37-72 ; 73-108 ; 109-144. Imprimez 4 fois 9 pages de papier A4-paysage en recto/verso.

Cahier 1 ; Cahier 2 ; Cahier 3 ; Cahier 4

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14 juin 2006 3 14 /06 /juin /2006 10:33
L'’Abbé Anthony Cekada vient de publier une étude sur le rituel des sacres épiscopaux de 1968, réponse au Père Pierre-Marie d'Avrillé. Il est nécessaire et salutaire de traiter sérieusement de la question si grosse de graves conséquences qu’'est la validité de ce rituel promulgué par Paul VI.
L’Abbé Cekada le fait avec compétence et clarté.

Pour mettre l'’eau à la bouche, il a lui-même rédigé une présentation – qui est un bref résumé –de cette étude. La voici, avec de légères retouches à la traduction qui circule çà et là (retouches que l’'Abbé Cekada m'’a autorisé à apporter, je précise).


Le Rite de la consécration épiscopale de 1968 :
un bref résumé du problème


Abbé Anthony Cekada (*)

En 1975, après avoir passé dix ans dans le système des séminaires de la période qui suivit Vatican II, je suis entré au séminaire de la Fraternité Saint-Pie-X à Écône. Pendant que j’'y faisais ma première année, je frappai un jour à la porte du bureau de Mgr Lefebvre et je lui demandai si je pouvais avoir un court entretien avec lui.

Malgré mon audace (typiquement américaine !) il fut, comme d’habitude, accueillant.

Je demandai à Monseigneur si des amis conservateurs du séminaire où j’'étais auparavant pourraient, une fois ordonnés prêtres, collaborer avec la Fraternité. Il me répondit que oui, en principe, mais qu'’ils devraient d'’abord être réordonnés sous condition parce que Paul VI avait changé le rite du sacrement de l'’Ordre.

Monseigneur Lefebvre expliqua que la nouvelle forme (la forme essentielle) du rite de l’'ordination sacerdotale était douteuse à cause d’un seul mot qui avait été supprimé. Et Monseigneur de continuer : pour ce qui est de la forme nouvelle de la consécration épiscopale, elle est toute différente et donc invalide.

Je savais bien que les traditionalistes mettaient en question la validité des rites des autres sacrements post-conciliaires, pourtant Monseigneur fut le premier traditionaliste dont j’'apprenais qu'’il mettait en doute la validité des nouveaux rites pour la collation des Ordres sacrés.

Malgré la gravité du problème, seul un petit nombre d'’auteurs traditionalistes avaient analysé les rites d'’ordinations d’'après le concile Vatican II, même après que se furent multipliées, suite à un indult, les messes Saint-Pie-V célébrées par des prêtres ordonnés par des évêques sacrés dans le nouveau rite.

Après l'’élection de Benoît XVI en 2005 et l'’ouverture de la part de la Fraternité Saint-Pie-X de négociations avec lui, le problème revint à la surface : Joseph Cardinal Ratzinger, nommé archevêque et cardinal par Paul VI, a été consacré dans le nouveau rite le 28 mai 1977. Est-il donc un véritable évêque ?

Le Père Pierre-Marie o.p., dominicain d’Avrillé, a publié un long article en faveur de la validité du nouveau rite dans
Le Sel de la Terre n° 54 (automne 2005).

Puisque j’'enseigne la théologie morale des sacrements et la liturgie aux séminaristes depuis 1995 et que j’'ai écrit un certain nombre d'’articles sur le sujet, l'’article du P. Pierre-Marie n'’a pas manqué, bien entendu, de retenir mon attention. Il m'’apparut que l’'auteur avait omis d'’examiner deux sujets cruciaux pour cette question :
(1) Quels sont les principes que la théologie catholique applique afin de déterminer si une forme sacramentelle est valide ou invalide ?
(2) Comment ces principes peuvent-ils être appliqués au nouveau rite de la consécration épiscopale ?

Ces deux points présents à l’'esprit, j’'ai rédigé ma propre étude au sujet du nouveau rite. Voici un bref résumé de cet article.

I. Principes généraux

(1) Tout sacrement comporte une forme (la formule essentielle) qui produit l’'effet du sacrement. Lorsqu'’un changement substantiel de signification est introduit dans la forme sacramentelle par la corruption ou par l’'omission de paroles essentielles, le sacrement est rendu invalide (= il ne « marche » pas : il ne produit pas l’'effet du sacrement).

(2) Les formes sacramentelles approuvées dans les Rites orientaux de l’'Église catholique diffèrent parfois dans leur formulation des formes du rite latin, mais elles restent les mêmes quant à leur substance, et sont donc valides.

(3) Pie XII a déclaré que la forme des Saints Ordres (c’'est-à-dire du diaconat, de la prêtrise et de l'’épiscopat) doit signifier de manière univoque (= de manière non ambiguë) les effets sacramentels :– le pouvoir d'’ordre et la grâce du Saint-Esprit.

(4) Pour la collation de l’'épiscopat Pie XII a désigné pour forme sacramentelle une phrase dans le rite traditionnel de la consécration épiscopale, qui exprime de manière univoque (a) le pouvoir d’ordre qu'’un évêque reçoit et (b) la grâce du Saint-Esprit.

II. Application au rite

(1) La forme de la consécration épiscopale de Paul VI apparaît dans la Préface spéciale du rite ; le texte complet de la forme est le suivant :
«
Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que tu as choisi la force qui vient de toi, l'’Esprit qui fait les chefs, que tu as donné à ton Fils bien-aimé, Jésus-Christ, qu'’il a lui-même donné aux saints Apôtres qui établirent l’'Église en chaque lieu comme ton sanctuaire, à la louange incessante et à la gloire de ton Nom. »

Alors que la forme nouvelle semble mentionner la grâce de l'’Esprit Saint, elle ne spécifie pas le pouvoir d'’ordre qui est supposé être conféré. Peut-elle conférer l'’épiscopat ? Afin de répondre à cette question, nous allons appliquer les principes établis dans la première partie.

(2) La forme assez brève de la consécration épiscopale de Paul VI n'’est pas identique aux formes assez longues des rites orientaux ; elle ne mentionne pas comme c’'est le cas dans celles-ci, les pouvoirs propres à l’'évêque seul (par exemple celui d’'ordonner). Les prières des rites orientaux auxquelles la Préface de Paul VI qui enchâsse sa forme consécratoire ressemble le plus, sont des prières non sacramentelles pour l’'intronisation des patriarches Maronite ou Syrien qui sont déjà évêques au moment de leur nomination. En somme, il n'’est pas permis d'’argumenter (comme le F. Pierre-Marie le fait) que la forme de Paul VI «
est en usage dans deux rites orientaux certainement valides » et qu'’elle serait par conséquent valide.

(3) Divers textes anciens (Hippolyte,
les Constitutions apostoliques, et le Testament de Notre-Seigneur) partagent quelques éléments avec la Préface consécratoire de Paul VI qui enchâsse la forme nouvelle ; le F. Pierre-Marie les invoque pour preuve de son affirmation de la validité de la nouvelle consécration épiscopale. Mais tous ces textes ont été « reconstitués », sont d'’origine douteuse, ne peuvent constituer un usage liturgique réel avéré, ou soulèvent d’'autres problèmes. Il n’'existe aucune preuve qu'’ils aient constitué des formes sacramentelles « acceptées et utilisées par l'’Église en tant que telle » – critère établi par la Constitution Apostolique de Pie XII sur les Saints Ordres. Ces textes ne fournissent donc aucune preuve fiable à l’'appui de la démonstration de la validité de la forme de Paul VI.

(4) Le problème-clé de la forme nouvelle tourne autour de l'’expression
Spiritus principalis (traduite en français par « l’'Esprit qui fait les chefs »). Avant et après la promulgation de la consécration épiscopale de 1968, le sens de cette expression suscita des inquiétudes sur la question de savoir si cette expression signifiait suffisamment le sacrement. Même un évêque de la commission vaticane qui a créé ce rite, a soulevé cette interrogation.

(5) Dom Bernard Botte, le moderniste qui était l’'auteur principal du nouveau rite, soutenait qu'’au IIIe siècle chrétien,
Spiritus principalis connotait l’'épiscopat, parce que les évêques possèdent « l’'Esprit d’autorité » en tant qu’ils gouvernent l’'Église. Spiritus principalis voulait dire « don de l’'Esprit qui convient à un chef ».

(6) Cette explication était fausse et trompeuse. Les références aux dictionnaires, à un commentaire de l’'Écriture Sainte, aux Pères de l’'Église, au traité de dogmatique et aux cérémonies d'’investiture non-sacramentelles des rites orientaux, révèlent que, parmi une douzaine de significations différentes et souvent contradictoires,
Spiritus principalis ne signifie nullement de manière spécifique, ni l'’épiscopat en général, ni la plénitude des saints Ordres que l’'évêque seul possède.

(7) D’'ailleurs, avant même que la controverse à ce sujet ne se soit déclenchée, Dom Botte lui-même avoua qu'’il ne voyait pas comment l'’omission de l’'expression
Spiritus principalis pourrait affecter la validité du rite de la consécration.

(8) La forme nouvelle échoue à satisfaire aux deux critères établis par Pie XII pour les saints Ordres. (a) Du fait que l’'expression
Spiritus principalis peut signifier beaucoup de choses ou personnes différentes, elle ne signifie pas de manière univoque l'’effet sacramentel. (b) Il manque à la forme nouvelle une expression, quelle qu'’elle soit, qui connoterait, même de manière équivoque, le pouvoir d’'ordre que l’'évêque seul possède — la « plénitude du sacerdoce du Christ dans la fonction et l’'ordre de l’'évêque » ou « la plénitude ou l’'entièreté du ministère sacerdotal. »

(9) Pour ces raisons la forme nouvelle constitue un changement substantiel dans la signification de la forme sacramentelle pour la collation de l'’épiscopat.

(10) Or, un changement substantiel de la signification de la forme sacramentelle, conformément aux principes de la théologie morale des sacrements, rend un sacrement invalide.

III. Sacrement invalide

Par conséquent, une consécration épiscopale conférée dans la forme sacramentelle promulguée par Paul VI en 1968 est
invalide ;– cela veut dire qu’elle ne peut pas instituer un véritable évêque.

Prêtres et autres évêques dont les ordres proviennent de tels évêques sont dès lors ordonnés invalidement et invalidement consacrés. Par conséquent les sacrements qu'’ils administrent ou réalisent, lesquels dépendent du caractère sacerdotal ou épiscopal (la Confirmation, l'’Eucharistie, le sacrement de Pénitence, l'’Extrême Onction, les saints Ordres) sont eux aussi invalides.

IV. Objections

(1) «
Le contexte rend les ordres valides ». Réfutation : Les paroles situées ailleurs dans le rite ne peuvent pas redresser ce défaut, parce qu’'un élément essentiel de la forme (le pouvoir d’'ordre) n'’est pas simplement exprimé de manière ambiguë, mais parce qu’'il est complètement manquant.

(2) «
La forme a été approuvée par le pape. » Réfutation : D’après le concile de Trente et Pie XII l'’Église n'’a nullement le pouvoir de changer la substance d'’un sacrement. Or l’'omission du pouvoir d’'ordre dans la forme nouvelle en change la substance. Aussi, même si Paul VI avait été un vrai pape, il n'’aurait eu nullement le pouvoir d’'introduire un tel changement. Et si c'’était le cas, la simple tentative de le faire quand même, suffirait à démontrer qu’il n'’était pas un vrai pape.

*******

La raison pour laquelle le rite de Paul VI de la consécration épiscopale est invalide peut être résumée en une seule phrase : Les modernistes ont changé les paroles essentielles en supprimant la notion de la plénitude du sacerdoce.

Le texte intégral de mon article «
Absolument nul et entièrement vain » se trouve en version française sur deux sites Internet : www.traditionalmass.org/ ; www.rore-sanctifica.org.

Il est aussi disponible sous la forme d’une brochure à l'’adresse ci-dessous.

J’'invite les lecteurs à photocopier et à distribuer ce résumé de mon article à des catholiques, amis de la Tradition, spécialement au clergé et aux laïcs qui sont de la Fraternité Saint-Pie-X, car il doit y en avoir déjà beaucoup, sait-on jamais, qui nourrissent de sérieuses réserves au sujet de la validité du nouveau rite.

Étant donné que le mouvement traditionaliste en France est fort et qu'’il a une influence mondiale, il importe que la fille aînée de l’'Église ne soit pas entraînée dans une fausse résistance qui la priverait de messes valides et de sacrements valides, alors que tant de catholiques français ont mené si bien un combat si long !

Le nouveau rituel à la lumière de la Foi :
La Rite de la consécration épiscopale de 1968
— Abbé Anthony Cekada —

1 euro par exemplaire + port
Frais de port :
1 exemplaire : 1,22 euro ; 2-3 exemplaires : 1,98 euro ; 4–7 exemplaires : 2,76 euros ; 8-14 exemplaires : 3,62 euros ; 15-28 exemplaires : 4,83 euros ; 50-100 exemplaires : 10 euros.

À commander (paiement à joindre) à
Éditions Saint-Rémi,
bp 80 – 33410 Cadillac. France
Tel/Fax : 05 56 76 73 38.

(*) L'’abbé Anthony Cekada enseigne la Théologie morale et sacramentelle, le Droit canon et la Liturgie au séminaire de la Très Sainte Trinité à Brooksville en Floride. Il a été ordonné en 1977 par Mgr Marcel Lefebvre, et il a écrit de nombreux articles et études concernant la question traditionaliste. Il réside à côté de Cincinnati où il célèbre la messe latine traditionnelle.

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24 mai 2006 3 24 /05 /mai /2006 10:52
Le concile de Trente a commencé ses travaux en traitant des sources de la Révélation, c’est-à-dire des deux sources qui contiennent et nous font connaître la parole de Dieu révélée aux hommes : la sainte Écriture et la Tradition apostolique.

En effet, c’est directement à ces sources que le luthéranisme s’est attaqué : d'’abord en niant la valeur dogmatique et certaine de la Tradition apostolique, ensuite et comme nécessairement en instaurant le libre examen en ce qui concerne la sainte Écriture.
Après avoir affirmé
sola scriptura : seule la sainte Écriture contient la révélation divine, Luther ne pouvait en rester là. Puisqu’il niait la Tradition infailliblement transmise par la sainte Église catholique, il détruisait toute autorité pour garantir que la sainte Écriture est la parole de Dieu, pour en déterminer le canon, pour en affirmer l’inspiration divine, pour discerner le sens (ou les sens) que Dieu y a exprimé.

Tel est le point de départ d’une
petite étude rédigée pour aider à porter un regard catholique sur la sainte Écriture, sur ce trésor dont la sainte Église est la gardienne autorisée et exclusive.
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12 avril 2006 3 12 /04 /avril /2006 14:27
Les sermons de Bourdaloue prennent place parmi les chefs-d’œuvre et de la prédication catholique et de la littérature française.
La sûreté et l'’ampleur de la doctrine ; la liberté de parole qu'’aucun respect humain ne paralyse et qui pourtant conserve toujours une haute déférence pour ceux qui sont constitués en dignité ; l'’ardent zèle des âmes ; la minutieuse préparation de celui qui prie et s’'applique d'’abord à lui-même les exhortations qu’'il produit devant autrui : c'’est de cela que la prédication de Bourdaloue tire son caractère et son efficacité surnaturelle.
Le rythme de la langue, la précision du vocabulaire, l’'élégance de la phrase et la chaleur de la conviction : tout cela s’'harmonise et donne à la parole de Bourdaloue une fluidité qui fait son agrément.

Les sermons qu'’il a consacrés à la Passion de Jésus-Christ présentent d'’une manière éminente toutes ces qualités : l'’intelligence est conquise, le cœœur charmé, l’'âme élevée : on en est tour à tour bouleversé, conquis, affermi : bouleversé au milieu d’'une trompeuse quiétude, conquis par l’'amour de Dieu ; affermi dans le propos de mener une vie bonne et salutaire.
Voici donc un
second sermon sur la Passion qui tient toutes ses promesses, et surprendra profondément ceux qui ont coutume de considérer les choses avec quelque légèreté.

Notice sur Bourdaloue

Louis Bourdaloue est né à Bourges en 1632 où il est baptisé le 29 août, et il meurt à Paris le 13 mai 1704. Il entra au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1648. Professeur à Amiens, à Orléans et à Rouen, il fit à Nancy sa troisième année de probation. Préfet au collège d'Eu, il y prononça ses grands vœœux, le 2 février 1606. Après quelques années de ministère apostolique en province, à Amiens, à Lionnes et à Rouen, il arriva à Paris, en 1669, et débuta comme prédicateur en l'église de la maison professe des jésuites, rue Saint-Antoine. Ses succès oratoires furent désormais ininterrompus. Il prêcha devant la cour de Louis XIV cinq
carêmes et sept avents avec un succès toujours croissant, ce qui lui valut le surnom de « roi des orateurs et orateur des rois ». Sa vie, comme on l'’a dit, peut se résumer en trois mots : « Il prêcha, il confessa, il consola. » Son ministère auprès des mourants était très apprécié. Même devenu illustre, le père Bourdaloue ne cessa de donner l'’exemple des vertus religieuses les plus régulières, et d'’être ainsi estimé pour la dignité de sa vie non moins que pour son caractère et son talent.

On s'’accorde à admirer eu Bourdaloue l'’habileté de sa composition, la rigueur de sa logique, vivante et pressante, la finesse de sa psychologie, la netteté de sa doctrine jointe à la sûreté et à la force de sa direction morale, sa franchise tout apostolique. Ce sont ces qualités, qu'’il possède à un rare degré, qui firent son succès auprès de ses contemporains, succès plus éclatant que celui de Bossuet lui-même. Et ce sont ces mêmes qualités qui lui valent encore et lui vaudront toujours de nombreux lecteurs et admirateurs.

Il n’'est guère de vérité chrétienne qu'’il n’'ait traitée, l'’exposant toujours avec un large et lumineux bon sens, ne s’'attachant exclusivement à aucune école, ni à aucune opinion particulière, mais développant dans sa plénitude l'’enseignement traditionnel de l’Église. Certaines questions toutefois, questions rendues de son temps plus actuelles par la lutte du catholicisme en France contre les protestants, les jansénistes, les quiétistes et les libertins, l’'ont particulièrement occupé, comme il convenait à la nature de son éloquence essentiellement pratique et adaptée aux besoins présents de ses auditeurs.

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