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28 novembre 2008 5 28 /11 /novembre /2008 16:40


— le plus tôt possible !

L’Église, la sainte Église catholique, permet le Baptême des petits enfants moyennant l’assurance (ou le bon espoir) que ceux-ci recevront une éducation catholique.

Voilà pourquoi, hormis le cas de danger de mort, elle refuse de baptiser les petits enfants (ceux qui n’ont pas l’usage de la raison) contre la volonté de leurs parents ; elle le refuse encore si elle n’a pas un minimum de garanties que le baptême ne sera pas enfoui sous l’oubli, l’indifférence, l’ignorance ou une éducation à rebours de ce baptême. C’est là un point bien clair de la pratique de l’Église catholique, qui préfère voir des infidèles plutôt que de faire des apostats.

Mais dès qu’il y a danger de mort, ou encore lorsqu’il s’agit de parents catholiques qui élèveront leurs enfants dans la foi, ce n’est pas de simple permission que parle l’Église, c’est d’obligation, d’obligation grave et urgente.

Le Baptême est nécessaire de nécessité de moyen pour le salut. L’enfant qui meurt sans Baptême se voit fermée à tout jamais la porte du ciel. Aux Limbes, il jouira sans doute d’un bonheur naturel, mais il sera éternellement privé de la vision béatifique. Dès lors, c’est pour les parents un devoir grave de piété et de charité de procurer à leurs enfants, qui en sont incapables par eux-mêmes, le bienfait du Baptême. S’il est vrai que toute négligence à l’égard du salut éternel est coupable, celle qui le met en péril doit revêtir un caractère particulier de gravité. Pour en prévenir les redoutables conséquences, l’Église toujours vigilante rappelle leur devoir en ces termes aux intéressés : « Infantes quamprimum baptizentur ; et parochi ac concionatores frequenter fideles de hac gravi eorum obligatione commoneant : les enfants doivent être baptisés le plus tôt possible ; et que les curés et prédicateurs avertissent souvent les fidèles de leur grave obligation » (Canon 770).

Les enfants doivent être baptisés le plus tôt possible : quamprimum. Cette expression employée plusieurs fois dans le Code signifie, d’après l’avis commun des auteurs, un espace de deux ou trois jours. Toutefois il est bien évident que les circonstances peuvent modifier l’urgence du Baptême, la presser ou la détendre un peu. Aussi est-il difficile, tout en tenant pour indubitable l’obligation de faire baptiser les enfants le plus tôt possible, de fixer le délai au-delà duquel la conscience serait grevée d’un péché mortel. Essayons d’y voir clair.

Si l’enfant nouveau-né est en danger de mort, il est bien évident que l’administration du Baptême ne souffre aucun délai. C’est immédiatement qu’il doit être conféré. Aucune considération ne saurait en éluder l’urgence. Le médecin, la sage-femme, toute personne présente en mesure de le faire sont saisis par la loi de charité, qui nous oblige sub gravi, parfois même jusqu’au péril de la vie, à pourvoir au salut de notre prochain en détresse.

Faut-il penser, avec saint Thomas, que le péril de mort est toujours à craindre pour la frêle existence du nouveau-né ? Periculum mortis « semper in pueris est timendum » (IIIa q. 68 a. 3 ad 1). Toujours à craindre ? Oui, car il peut surgir d’un instant à l’autre, parfois sous l’influence d’une cause bénigne. Mais n’en est-il pas de même pour les adultes, à qui Notre Seigneur donne l’avertissement de se tenir toujours prêts ? Ce qui est à redouter n’est pas encore arrivé et n’arrivera peut-être jamais. Dire que les enfants sont toujours en danger de mort pour urger l’obligation de les baptiser dans l’heure, c’est trop dire ; c’est aller contre la pensée de l’Église elle-même qui, au canon 750 par exemple, distingue très nettement les enfants qui sont en danger de mort de ceux qui ne le sont pas.

Bien qu’il soit hautement souhaitable, et d’un beau témoignage de foi et de charité, de procurer aux enfants le baptême aussitôt qu’ils viennent de naître – c’est-à-dire le jour même, avant la seconde nuit – l’obligation grave (sous peine de péché mortel) ne va pas jusque-là.

La crainte du danger possible ne laissera pas cependant que de motiver le devoir imposé par la prudence. Le meilleur moyen de parer au danger, c’est de mettre en sûreté le salut de l’enfant par le Baptême. Le « quamprimum baptizentur » gardera donc sa force impérative, qu’il conviendra d’apprécier aux lumières conjuguées des documents antérieurs dont s’est inspiré le canon 770, des décisions ecclésiastiques et du sentiment des théologiens, ses interprètes habituels.

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En 1441, le concile œcuménique de Florence fait allusion à la manière d’agir des Jacobites, qui baptisaient leurs enfants 40 ou 80 jours après leur naissance. Cette pratique était également usitée chez les Abyssins, les Éthiopiens, les Chaldéens, les Nestoriens, les Maronites, fondée sur cette croyance qu’Adam fut introduit dans le paradis terrestre 40 jours après la création du monde, et Ève 40 jours après Adam. (Cf. Corblet, histoire du sacrement de Baptême, t. 1, p. 495). Le concile la réprouve : « Circa pueros vero propter periculum mortis, quod potest sæpe contingere, … admonet, non esse per quadraginta aut octoginta dies, seu aliud tempus juxta quorumdam observantiam, sacrum baptisma differendum ; sed quamprimum commode fieri potest, debere conferri… : En ce qui concerne les petits enfants, à cause du danger d’une mort qui peut toujours se produire… le saint Concile avertit qu’il ne faut pas différer le saint Baptême de quarante ou quatre-vingts jours, ou d’un temps commandé par quelque usage ; mais il doit être conféré le plus tôt qu’il sera commodément possible » (Decretum pro Jacobitis, Denz. 712). C’était le langage du sens chrétien.

Au xvie siècle, le concile de Trente s’élève contre des abus plus criants. On retardait, par exemple, le Baptême jusqu’à l’adolescence ; une secte d’Anabaptistes le donnait à l’âge de 13 ans, pour se conformer à l’exemple d’Ismaël, circoncis à cet âge ; celle des Baptistes le retardait davantage encore pour imiter l’exemple du Christ recevant le Baptême dans le Jourdain vers sa 30e année. C’est contre ces derniers qu’est porté le canon 12 de la session VII : « Si quis dixerit, neminem esse baptizandum, nisi ea ætate, qua Christus baptizatus est, vel in ipso mortis articulo, anathema sit : Si quelqu’un dit que personne ne doit être baptisé si ce n’est à l’âge auquel Jésus-Christ fut baptisé, ou à l’article même de la mort, qu’il soit anathème. »

Aux conciles œcuméniques font écho un nombre assez considérable de conciles provinciaux. Ils portent des canons qui fixent la date du Baptême au temps le plus proche possible de la naissance : quamprimum, répètent-ils à l’envi. Grâce à leurs décisions pratiques, l’usage s’établit de baptiser le plus tôt possible, et les pouvoirs civils aidant, c’est bientôt la coutume générale dans toute la chrétienté de conférer le Baptême dans les trois jours qui suivent la naissance.

Après Benoît XIV, et à un siècle de distance, le grand pape Léon XIII s’élève encore contre le retard apporté au Baptême des enfants : « Nil sane hac mala consuetudine iniquius, nil ecclesiasticis sanctionibus magis contrarium : utpote quæ non solum tot animarum æternam salutem inexcusabili temeritate in manifestum periculum infert, sed eas insuper intra id temporis certo fraudat ineffabilibus gratiæ sanctificantis charismatibus, qua per regenerationis lavacrum infunduntur… non possumus, quin detestabilem usum, in Deum simul impium ac in homines, ubicumque infeliciter invaluerit, ex animo improbemus et exsecremur : il n’y a vraiment rien de plus inique que cette coutume perverse, ni rien de plus contraire aux dispositions de l’Église : vu que non seulement par une témérité inexcusable cet usage met en péril manifeste le salut éternel de tant d’âmes, mais aussi il les prive, pendant tout ce temps, des dons ineffables de la grâce sanctifiante infusés par cette purification qui régénère… Partout où cette détestable façon de faire, impie tant à l’égard de Dieu que des hommes, s’est par malheur introduite, Nous ne pouvons que la réprouver de toute notre âme et l’exécrer » (Ep. ad episcopum Anglonens., 22 julii 1899 – Lettre adressée l’évêque d’Anglona Tursi, Italie).

Le canon 770 vient enfin couronner la série des documents ecclésiastiques, et consacrer de sa suprême autorité la coutume qui remonte aux siècles lointains des origines du christianisme, sanctionnée par de nombreux conciles particuliers, de baptiser sans retard les enfants. D’où laffirmation qu’on lit à bon droit dans la Summa theologiæ moralis de Merkelbach : « Præceptum pueros baptizandi est juris divini ; baptizandi quamprimum, si non juris divini, saltem est juris ecclesiastici consuetudine introducti : le précepte de baptiser les enfants relève du droit divin ; celui de les baptiser le plus tôt possible, s’il n’est pas de droit divin, relève au moins du droit de l’Église introduit par la coutume » (tome III, n° 48).

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L’expression « quamprimum », nous l’avons dit, s’entend communément d’un espace de deux ou trois jours. Est-ce à dire que les parents feraient un péché mortel, si, sans raison, ils retardaient le Baptême de leurs enfants au-delà de trois jours ? L’affirmer à la hâte serait téméraire. Car ce serait donner au canon 770 une interprétation que le texte lui-même ne comporte pas.

Saint Alphonse de Liguori estime à dix ou onze jours le terme au-delà duquel le retard apporté au Baptême prendrait figure de délai notable constituant matière à péché mortel, s’il n’est excusé par un motif sérieux. De fait, cela semble bien dans la pensée de l’Église, qui approuve et recommande dans les pays de mission la pratique de faire donner le Baptême par les catéchistes, quand le missionnaire ne doit pas être de passage dans les dix ou onze jours après la naissance de l’enfant. (Cf. S. C. de la Propagande, 7 janvier 1788, et 16 janvier 1804, dans Coll. P. F., nn. 593 et 674).

Parmi les motifs de retarder le Baptême des enfants, les parents allèguent souvent l’impossibilité d’avoir le parrain ou la marraine de leur choix. C’est un motif futile, car ceux-ci peuvent facilement être suppléés par un remplaçant.

Ajoutons, en terminant, que les statuts diocésains ont qualité pour déterminer le temps du Baptême que le Code n’a point spécifié. Ils ont force de loi. Là où ils ont légiféré sur ce point, les diocésains doivent se soumettre. Il y aurait alors péché grave à proroger, sans motif sérieux, le temps fixé par l’évêque.

Citons Merkelbach, qui s’exprime avec assez de justesse : « Ex quibus patet Baptismum esse infantibus conferendum quamprimum moraliter, i. e. commode, fieri potest, v. g. intra tres dies ; atque grave peccatum esse diu differre. Et ideo graviter peccant parentes qui sine justa ratione ex negligentia Baptismum infantium procrastinant per notabile tempus, v. g. per mensem aut forsan per 10-15 dies ; ac etiam per tempus brevius si adsit speciale infantis periculum, aut scandalum, aut particulare præceptum regionis vel diœcesis : ce que nous avons dit manifeste que les enfants doivent être baptisés le plus tôt possible, moralement s’entend c’est-à-dire commodément, dans les trois jours. Et c’est un péché grave de différer longtemps. Et donc pèchent gravement les parents qui par négligence, sans juste raison remettent le Baptême d’un temps notable, d’un mois et peut-être de 10 ou 15 jours ; et même d’un temps plus court s’il y a un péril particulier, ou un scandale, ou un précepte spécial dans la province ou le diocèse » (op. cit. n. 148).

Il faut travailler sans relâche à faire cesser la négligence des familles. C’est un devoir : « et parochi ac concionatores frequenter fideles de hac gravi eorum obligatione commoneant. » À temps et à contretemps, on fera entendre à tous ceux qui ont charge d’âmes, parents et tuteurs, l’avertissement préceptif de l’Église : « Infantes quamprimum baptizentur. »

Texte en bonne partie emprunté à l’Ami du Clergé, 1937, pp. 747 et sqq.

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