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4 octobre 2006 3 04 /10 /octobre /2006 06:22
Le saint Sacrifice de la Messe est substantiellement et numériquement identique au Sacrifice de la Croix. En effet :

– La Messe est le
signe sacramentel de la Croix. Ce signe est fondé dans la présence réelle de Jésus-Christ sous les espèces du pain et du vin ; ce signe est constitué par la séparation active des deux espèces ; ce signe manifeste ainsi l’'immolation de Jésus-Christ sur la Croix.
– or, selon l'’ordre institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ, ce qui est sacramentellement signifié est réalisé,– c'’est-à-dire rendu réel, produit comme chose existante
hic et nunc ;
– donc la Messe est la
réalité du Sacrifice de la Croix. Elle n'’est pas simplement une action semblable ni une reproduction fidèle : elle est l'’unique sacrifice de Jésus-Christ.

Chaque Messe considérée en elle-même est un sacrifice, un vrai sacrifice offert maintenant sur l’'autel de l’'église, mais
elle n'’est pas un autre sacrifice que celui offert le Vendredi saint pour la satisfaction de la Justice divine, la réparation des péchés et le salut du monde. Ce qui distingue la Messe et la Croix n'’est donc qu'’accidentel (le mode d'’offrande) ou extrinsèque (dans l’'ordre de la cause efficiente ou de la cause finale).
– À la Croix, le sacrifice est offert de façon sanglante ; à la Messe de façon non-sanglante, sacramentelle.
– À la Croix, Jésus-Christ s’'offre lui-même directement (et la sainte Vierge Marie l’'offre avec lui) ; à la Messe, Jésus-Christ s’'offre comme tête de son Corps mystique auquel il donne d'’accomplir son offrande, et il s’'offre par le ministère des prêtres : la Messe est offerte
ab Ecclesia per sacerdotes (littéralement : par l’'Église à travers les prêtres) dit le concile de Trente.
– À la Croix, Jésus-Christ offre le sacrifice pour l'’acquisition de la Rédemption et de ses grâces ; à la Messe, il s'’offre pour l’'application de la Rédemption et l’'octroi des grâces déjà infiniment méritées.

Cela étant rappelé, il est facile de prévoir que les fruits essentiels de la sainte Messe sont ceux de la Croix et que la Messe comporte des fruits spéciaux d’'application, selon un mode propre.

Le Sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ au Calvaire est offert pour quatre fins : l’'adoration, l’'action de grâce, la propitiation et l'’impétration.

L'’adoration et l’'action de grâces, qui s’'adressent exclusivement à Dieu, ont été procurées avec une intensité infinie sur la Croix. Il en est de même à la sainte Messe, dont elles sont un effet immédiat, illimité, infailliblement produit
ex opere operato.
De façon infinie aussi, cette adoration a une valeur réparatrice car elle est directement contraire au péché : à celui d’'Adam et d'’Ève (qui a consisté en un refus de reconnaître la paternité divine, qui a été refus d'’adoration et de sacrifice) ; à nos péchés à nous qui comportent le même fond d'’idolâtrie.

La propitiation consiste à nous rendre Dieu propice, c’'est-à-dire à faire en sorte qu'’il nous pardonne nos péchés, en détruisant la faute (la culpabilité), en remettant la peine due aux péchés pardonnés.
L'’impétration consiste à obtenir de Dieu les grâces qui nous sont nécessaires pour lui plaire : pour vivre en état de grâce, pour faire le bien (et en premier lieu le bien surnaturel), pour éviter le mal, pour persévérer et être sauvé.

Le Sacrifice de la Croix– et, un avec lui, le Sacrifice de la Messe,– produit des effets de propitiation et d’'impétration infinis en suffisance : sa valeur est si grande que le pardon de tous les péchés du monde (passés, présents, à venir) y est contenu, que le gain de toutes les grâces nécessaires (et surabondantes) pour la persévérance et le salut de tous les hommes y est englobé. Cette absence de limites existe tant de façon intensive (en raison de la gravité des péchés à pardonner ou de la grandeur des grâces nécessaires) que de façon extensive (il n'’y a pas de limite quant au nombre de péchés commis, au nombre de grâces méritées, au nombre d'’hommes concernés).

Il faut s'’unir, intensément et de façon « désintéressée », aux effets d’'adoration et d’'action de grâce : celles-ci ont Dieu seul comme objet, rien n’'entrave la valeur infinie de la Messe en ce domaine.
Quant à la propitiation et à l’'impétration, elles nous concernent d'’une façon qui nous engage davantage, car le saint Sacrifice de la Messe nous applique directement les mérites de Jésus-Christ s’'offrant à son Père. C'’est alors qu’'on va parler de façon plus précise des
fruits de la sainte Messe.

On distingue trois sortes de fruits, énumérés en raison de ceux auxquels les vertus de la sainte Messe s'’applique. C’est ce qu'’exprime la prière de l’'offrande du pain au moment de l’'offertoire :
«
Súscipe, sancte Pater, omnípotens ætérne Deus, hanc immaculátam hóstiam, quam ego indígnus fámulus tuus óffero tibi Deo meo vivo et vero, pro innumerabílibus peccátis et offensiónibus et negligéntiis meis, et pro ómnibus circumstántibus, sed et pro ómnibus fidélibus christiánis vivis atque defúnctis : ut mihi et illis profíciat ad salútem in vitam ætérnam. Amen. »
« Recevez, Père saint, Dieu éternel et tout-puissant, cette hostie sans tache que moi, votre indigne serviteur, je vous offre à vous mon Dieu vivant et vrai pour
mes péchés, offenses et négligences sans nombre, pour tous ceux qui sont à l’'entour ainsi que pour tous les fidèles vivants et morts : qu'elle serve à mon salut et au leur pour la vie éternelle. Amen. »

Il appert que la liturgie catholique discerne :
– un
fruit général (« pour tous les fidèles vivants et morts »). La sainte Messe est appliquée à tous les membres de l’'Église militante et de l’'Église souffrante ;
– un
fruit spécial (« pour tous ceux qui sont à l'’entour »). Le sacrifice est appliqué d’'une façon distinguée à tous ceux qui sont spécialement unis à cette messe : soit par leur présence, soit parce que l'’intention de Messe leur est appliquée, soit parce qu’'ils ont demandé ladite intention ;
– un
fruit très spécial (« pour mes péchés, offenses et négligences ») pour le prêtre célébrant – et ce fruit est exprimé comme étant surtout propitiatoire (l’'Église connaît bien ses prêtres !).

Pour être complet, notons quatre choses.

1°/ On ne parle ici que de Messes valides, célébrées par un prêtre catholique dans l'’Église catholique, selon son rite et sa volonté. C'’est à elle et à elle seule que Notre-Seigneur a confié son Sacrifice et a donné la vertu de l'’appliquer.

2°/ Les
fruits (ce mot étant entendu au sens restreint que nous avons précisé) du saint Sacrifice ne sont pas infinis. Cependant, s’'ils sont limités, ce n'’est pas en raison de l’'indigence de la Messe, ce n'’est pas à cause d’'une volonté limitatrice de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'’est la finitude de la capacité réceptive des bénéficiaires qui met une limite aux effets de la sainte Messe en nous. On comprend alors la nécessité de multiplier les saintes Messes, d'’y assister aussi souvent que possible, de faire célébrer des messes « à répétition ».
Les âmes du Purgatoire ont, elles aussi, une capacité réceptive limitée : non par l’'inattention ou le manque de ferveur, mais par la limite de leur charité. Et aussi parce que Notre-Seigneur a promis que nous serons alors traités comme nous avons agi ici-bas : il n'’y a guère de doute que la vertu du saint Sacrifice est davantage appliquée aux âmes qui sur la terre ont davantage aimé la sainte Messe, et ont été assidues à y prendre part.

3°/ Le prêtre principal du Sacrifice est Notre-Seigneur Jésus-Christ. En soi, la vertu personnelle du prêtre ou la ferveur de sa célébration  n'’ont pas d'’effet sur l’'essence et sur les fruits de la Messe (sauf, bien sûr, en ce qui concerne le fruit très spécial).
« C'’est indiquer déjà la réponse à faire à la question si la messe du pécheur a autant de valeur que la messe du juste. — À considérer le sacrifice en soi, la valeur est la même, parce que c’'est le même prêtre principal et la même victime, dont la sainteté n’'est pas ternie par les ministres souillés, pas plus que la lumière en passant par la fange ne perd sa pureté. Regardons ensuite la messe avec l'’ensemble des cérémonies liturgiques qui en font l’'action la plus solennelle, le rite principal de notre religion : faites au nom de l'’Église, dont le ministre reste toujours l’'ambassadeur auprès de Dieu, les prières conservent toute leur efficacité, parce que c'’est toujours l'’Épouse qui parle, qui supplie et que l'’Épouse mérite toujours d'’être écoutée, malgré l’'indignité de son représentant. Si l’'on considère seulement la valeur de la personne privée et des prières privées qu’'elle offre en même temps que le sacrifice, il est manifeste que la messe du saint curé d’Ars vaut plus que la messe du pauvre prêtre tombé.… Mais ce point de vue est tout secondaire, cette valeur tout accidentelle, vu que le célébrant ne se dépouille jamais de sa personnalité officielle et que sa faute ne peut rejaillir sur les autres ni leur nuire moralement tant qu'’ils ne se font pas ses complices. » [R. P. Hugon,
La sainte Eucharistie, Téqui, Paris 1924, pp. 228-229]

4°/ La sainte Messe est offerte par l’'Église, pour l’'Église, dans l’'Église : elle a donc nécessairement un effet ecclésial, un effet d’'appartenance, d'’union, de fidélité, de témoignage.
C’'est là que la mention du souverain Pontife au Canon de la Messe, introduite par les mots «
una cum » est d'’une très grande importance. C'’est là aussi qu'’il importe de ne mentionner qu’'un vrai Pape, professant et enseignant la foi catholique, impérant à l'’Église les sacrements catholiques, revêtu de l’'autorité de Jésus-Christ.
Il ne s’'agit pas seulement de prier pour le Pape : plus encore il s’'agit de l’'identification de l'’Église catholique. L’'Église pour laquelle on offre «
in primis » le sacrifice, l'’Église qui offre le saint sacrifice, c'’est celle qui est « una cum » le souverain Pontife. Comment l’'Église est-elle pacifiée, gardée, unifiée et dirigée (quam pacificare, custodire, adunare et regere digneris) ? En étant una cum le Pape.
Le souverain Pontife est l’'« identifiant » de l'’Église ; il est la source de sa paix, de sa perduration, de son unité et de sa juridiction :– source vicaire par rapport à Jésus-Christ, mais source souveraine par rapport au corps de l’'Église.
La mention du souverain Pontife au Canon de la Messe est donc d’'une particulière gravité : d’'abord en raison de la sainteté de cette prière qui est la plus précieuse, la plus solennelle et la plus efficace de toute la liturgie de l’'Église, de cette prière qui est le cœœur du mystère de la foi. Cette mention concerne directement la catholicité du saint Sacrifice, du célébrant, des assistants ; elle exprime l'’adhésion que chaque catholique doit avoir au souverain Pontife comme règle vivante de la foi et comme détenteur de la plénitude du pouvoir d'’ordre dans l'’Église ; elle réalise (elle rend réelle) notre appartenance à l’'Église et notre soumission au souverain Pontife.
Pour la confession de la foi, pour l’'adhésion à l’'Église catholique, pour l’'offrande du Sacrifice parfait, la portée de l’'« una cum » est telle que selon le Pape Pélage Ier (556-561), l'’omettre c’'est se séparer de l’'Église universelle (rapporté par Innocent III dans son ouvrage sur le rite de la Messe, P.L. CCXVIII, col. 844).
Par l’'
una cum est affirmée et réalisée l’'unité fondamentale entre l’'Église, le Pape et la Messe.

Ce quatrième point peut sembler une digression à l'’étude des fruits de la sainte Messe. Mais ce n'’est qu'’une apparence : en réalité, il est au cœœur du Sacrifice. C'’est normal qu'’il soit notre croix.

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