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17 décembre 2005 6 17 /12 /décembre /2005 10:45
Le libéralisme, tel qu'’il a sévi tout au long du dix-neuvième siècle et depuis, est un poison pour la vie chrétienne.
Faut-il pour autant faire de l’'
antilibéralisme le principe de toute la vie intellectuelle et de tout le combat de la foi ? Faut-il le prendre comme critère universel de pensée et de jugement, comme ultime règle de la pensée ? certainement pas ! Voici la copie (très légèrement modifiée) d’'une lettre à un ami (juillet 1985) qui contient quelques réflexions à ce sujet.

« Je ne crois pas à l’'antilibéralisme !
« Je crois qu’'on est antilibéral, sans le savoir, en adhérant pleinement à la vérité. »
R. P. Guérard des Lauriers


Vous me demandez, cher ami, si je suis antilibéral.
Je suis – avec la grâce de Dieu, j’'espère être – antilibéral, mais non pas « un » antilibéral. La nuance est d'’importance et vaut qu'’on s’'y arrête.

1. L'’antilibéralisme n'’est pas un principe, ni de pensée, ni d'’action. Il ne peut et ne doit être qu’'une conséquence – nécessaire – de l'’amour de la vérité et de l’'esprit de foi (c'’est tout un chez le baptisé). Faire de l’'antilibéralisme un principe est une véritable subversion, qui a des conséquences très graves sur l’'exercice naturel de l’'intelligence, dont la seule règle est la vérité, et conduit au pragmatisme : est vrai ce qui est antilibéral, c'’est-à-dire ce qui s’'oppose aux libéraux – ou ceux qu'’on décrète tels [cf. infra n°6].

Il est intéressant de noter, pour confirmer cela et prévenir une objection, que le serment antimoderniste institué par saint Pie X n'’est pas prêté de façon isolée et autonome, mais comme appendice (comme conséquence) de la profession de foi de Pie IV.

2. L'’erreur contemporaine la plus fondamentale, au XIXe et XXe siècles, n’'est certainement pas le libéralisme. À mon humble avis, c'’est le naturalisme dont le libéralisme n'’est qu'’une conséquence gravissime, tout comme le rationalisme et le modernisme d’'ailleurs. S’'il fallait que je me déclare anti-quelque chose par principe (mais, encore une fois, ce ne peut être un principe) ce serait anti-naturaliste.

3. J’'ajoute même que la profession d’'antilibéralisme-principe s’'accommode très bien d’'un certain naturalisme, et même y conduit inéluctablement quand on l’'applique à l’'Église. Cela est manifeste chez ceux qui voient dans le libéralisme l’'ultime explication de la crise de l'’Église : Le concile Vatican II est libéral, Paul VI fut libéral, Jean-Paul II est libéral… tout s’'explique, et on peut faire ce qu'’on veut ! Le témoignage de la foi requiert tout autre chose : la reconnaissance (théorique et pratique) de l’'absence d’Autorité. [...]

4. Aussi, ce n'’est pas sans réserve que je considère l'’opinion (plus ou moins commune) des antilibéraux sur de nombreuses questions. Pour en rester dans un domaine historique, leurs jugements sur le concordat de 1802, sur le « ralliement » ou sur la condamnation de l’'Action Française, bien que comportant des aspects tout à fait vrais, me semble inadéquats, voire irrecevables.

L'’Église est une société surnaturelle, et tout jugement à son sujet qui n’'est pas essentiellement éclairé dans la foi échoue. Les causes humaines et les conséquences naturelles, si elles sont réelles et souvent bien analysées par les antilibéraux, ne sont que secondes. La nature est le support de la grâce (toujours) et l’'instrument de l'’exercice de la grâce (selon l’'ordre providentiel ordinaire) : les déficiences naturelles peuvent entraver la grâce, mais celle-ci demeure transcendante.

Qu'’adviendrait-il si l'’on appliquait les critères et jugements des antilibéraux-par-principe au choix de Notre-Seigneur prenant Judas comme Apôtre ? Cet exemple manifeste immédiatement les limites de ce système, limites qui obligent à demeurer sur la réserve.

5. Il faudrait examiner l’'aspect moral de cet antilibéralisme-principe. En effet, tout déséquilibre dans l'’intelligence porte des fruits désastreux dans l’'ordre moral, et, dans le cas qui nous occupe, expose particulièrement à des péchés comme le jugement téméraire, la méfiance universelle, la médisance voire la calomnie, le préjugé défavorable systématique, qui –– outre les blessures faites à la justice ou à la charité –– obscurcissent à leur tour l'’intelligence en la séparant de son objet et de son unique règle : la vérité.

6. Au n°1 de cette lettre, je vous disais que prendre comme principe conduit au pragmatisme, qui consiste à tenir pour vrai ce qui s’oppose aux libéraux ou à ceux que l’'on décrète tels. Il y a là une difficulté qui va accentuer les errements de ces antilibéraux, dans l’'ordre doctrinal et dans l'’ordre moral. Dans une société en ordre, il est déjà difficile de reconnaître à coup sûr un libéral : les hommes ne sont pas faits d'’un bloc, et on peut facilement prendre pour du libéralisme ce qui ne sera que défaillance dans un cas particulier, ou intention plus élevée et plus sage à laquelle on est soi-même étranger. Mais dans une société en désordre où les erreurs et les faux principes pullulent, et plus encore dans une société qui est fondée sur de faux principes, le discernement est rendu plus difficile, et souvent aléatoire.

J’'ai pu, pour ma part, observer le phénomène au sein de la fraternité Saint-Pie-X (« de mon temps » !) : l’'accusation meurtrière [et généralement non-doctrinale] de libéralisme a, peut-être, rejeté dans les ténèbres extérieures quelques âmes qui avaient tout simplement le souci de l'’Église ou un cœœur de bon pasteur.

En vous écrivant cela, je ne prétends pas résoudre tous les problèmes ; j’'espère simplement demeurer dans la ligne de ceux qui me semblent avoir lutté le plus justement et le plus efficacement pour la vérité et contre les ennemis de l’'Église ; je pense à un Dom Guéranger, à un Père Emmanuel ou à un Abbé Berto, par exemple.

Que Notre-Dame nous donne l’'amour de la vérité, et nous évite de tomber dans des travers ou des inversions qui, en définitive, sont très nuisibles à la « cause de Dieu ».

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