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5 décembre 2013 4 05 /12 /décembre /2013 09:19

Voici la transcription d’une partie du dernier bulletin Notre-Dame de la Sainte-Espérance — qui est lui-même la transcription d’une lettre envoyée à un ami. Mais je crois que ce qui y est exposé mérite d’avoir une plus large audience : non pas par la qualité de l’exposé, mais parce que certaines vérités somme toute banales ne sont même plus soupçonnées dans la débâcle générale des intelligences et des cœurs.

 

Catholiques du Denzinger (1)

 Il ne faut pas ironiser sur les « catholiques du Denzinger ». Certes, avoir en main et à la bouche le Denzinger ne donne pas ipso facto l’intelligence de la foi ni la science théologique, loin s’en faut. Il y a quelques caricatures pour rappeler qu’un livre ne donne pas le discernement. Mais c’est déjà aller chercher la lumière à la bonne source : dans l’enseignement de l’Église, dans les textes du Magistère.

Il ne faut pas ironiser ni décourager, mais aider ; il ne faut pas retirer le Denzinger de leurs mains, mais leur apprendre à s’en servir, à en comprendre les termes, à remettre chaque vérité à sa place dans l’ensemble de la doctrine catholique (c’est ce qu’on appelle l’analogie de la foi), à voir dans quel sens l’Église l’a mise en œuvre, à méditer la vérité pour qu’elle devienne un élément vital en nous et non un gourdin pour assommer le prochain etc.

Il y a dans la collection d’Itinéraires une magnifique défense de La Cité catholique (vers 1960) où Jean Madiran prend la défense de cette institution qui a fait tant de bien en diffusant et en faisant étudier les encycliques et les catéchismes, contre les docteurs moqueurs qui reprochaient (à tort) aux membres de La Cité catholique de ne pas savoir lire les encycliques — mais qui, eux, ne faisaient rien pour diffuser la doctrine de l’Église. C’est un écrit flamboyant comme Madiran savait les faire, et d’une haute sagesse savoureuse et instructive.

À tout prendre, les « catholiques du Denzinger » sont bien préférables aux « catholiques du moi je pense que », race ignoble qui se croit dispensée d’étudier et qui ne se fie qu’à ses propres ténèbres faites de mémoire évanescente et d’esprit propre omniprésent. Leur ignorance leur sert de caution morale pour copieusement dénigrer leur prochain, sans vergogne.

Adrien Loubier, dans son ouvrage si utile et clairvoyant Groupes réducteurs et noyaux dirigeants expose que le signe et la conséquence du fonctionnement d’une société de pensée est la doctrine imaginée. C’est bien de cela qu’il s’agit chez les « catholiques du moi je pense que », surtout s’ils sont en groupe où les rapports sont de flatteurs à flattés, ou de gourou à gros-bêta. On imagine, et pour essayer de donner une apparence savante à l’imagination, on se livre à des découpages et des lectures gauchies de textes, qui n’impressionnent que ceux qui ne prennent pas la peine d’aller étudier aux sources.

Je préfère aussi les « catholiques du Denzinger » à une race qui a une nette tendance à s’accroître avec le temps qui nous éloigne de 1991 : les « catholiques Lefebvre ».

Je ne veux pas parler de ceux qui ont de la vénération et de la gratitude pour la personne de Mgr Marcel Lefebvre : c’est là une chose parfaitement juste, et je me place parmi ceux-là. Je ne veux pas parler non plus de ceux qui citent Mgr Lefebvre comme on le peut faire de tout auteur parce qu’il apporte un témoignage ou expose la vérité avec l’autorité de la science.

J’appelle catholiques Lefebvre ceux qui recourent à Mgr Marcel Lefebvre comme à une autorité magistérielle : il a parlé donc c’est vrai, vous n’avez rien à ajouter, la cause est entendue. Mgr Lefebvre a dit que la « nouvelle messe » est valide… elle est donc valide à n’en pas douter. Mgr Lefebvre a sacré des évêques… c’est donc que cela est légitime. Et ainsi de suite.

C’est une attitude étonnante.

D’abord parce que Mgr Lefebvre dans son combat n’était pas du tout un organe du Magistère de l’Église. Mais, au fait, il a bien été en situation d’exercer le magistère suprême de l’Église, lorsqu’il était père conciliaire à Vatican  II… bizarrement ce ne sont jamais les textes du concile qu’il a signés qui sont cités par ceux qui en font une autorité magistérielle.

Et puis, il y a une grande variété dans les prises de position de Mgr Lefebvre, et chacun abonde en son sens, estimant que le « vrai » Mgr Lefebvre est celui qui est d’accord avec lui. Alors, c’est la tour de Babel — tout le contraire du Magistère de l’Église catholique.

Militance et véritance

Je pense que cette déformation profonde tient à ceci : la primauté de la militance sur la véritance (j’invente le mot pour les besoins de la symétrie). On s’imagine que la vérité se trouve automatiquement à la pointe de l’épée, et qu’il suffit de combattre « du bon côté » pour avoir raison sans être obligé de remonter droitement aux principes, sans être tenu de vérifier les faits, sans nécessité de faire un sérieux effort de compréhension de ceux qu’on combat etc.

L’Église catholique est militante, mais cette qualité découle de la possession de la vérité. Inverser l’ordre entraîne des désordres moraux permanents, et constitue un contre-témoignage qui éloigne les esprits honnêtes qui pourraient être intéressés par des études ou des textes utiles.

Cela est d’autant plus vrai que possession de la vérité ne signifie pas connaissance verbale, superficielle ou utilitariste. Cette possession consiste à être possédé.

Il ne s’agit pas du tout de réduire la vérité aux dimensions de nos intelligences bien limitées ; il ne s’agit pas de faire de la vérité un parti ni une arme pour supplanter, éliminer ou humilier le prochain.

Il s’agit de se souvenir que la vérité est une personne – Notre-Seigneur Jésus Christ ; que cette personne est la vérité éternelle, le Verbe de Dieu ; qu’elle a déposé la vérité qui illumine et qui sauve dans l’Église catholique qu’elle a dotée d’un Magistère pour cela (et d’un gouvernement pour que la vérité passe dans les actes, et d’un pouvoir de sanctification pour qu’on aille chercher la vérité dans sa source : la grâce et la miséricorde de Dieu).

Placer notre intelligence sous la lumière de la foi, dans la docilité à l’Église, dans l’esprit de l’Évangile, dans la rigueur de l’intelligence que Dieu nous donne, dans l’humilité et la simplicité des petits enfants : nous n’avons rien à inventer et tout à recevoir ; nous n’avons rien à gauchir par l’amour propre, mais tout à faire tourner en action de grâces et en louanges : alors la militance sera bénie de Dieu.

 

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    (1) Denzinger est le nom couramment donné à l’Enchiridion symbolorum, definitionum et declarationum qui fut publié à partir de 1854 par Henri Denzinger. Cet ouvrage, qui tient dans la main (c’est le sens selon l’étymologie grecque d’Enchiridion), est un recueil d’extraits de textes du Magistère de l’Église sur les sujets de dogme et de morale. Il est devenu un ouvrage de référence par son sérieux et son aspect pratique (les tables sont très complètes, et les textes sont rangés par ordre chronologique.

Il y a deux séries de Denzinger. Les trente et une premières éditions vont de 1854 à 1960 (Denziger, Denzinger-Bannwart, Denzinger-Umberg, Denzinger-Rahner). Elles se sont étoffées au fur et à mesure que le Magistère de l’Église s’exerçait, en conservant la même numérotation. La référence à cette série est la plus commune et la plus sûre.

Les éditions 32-38 vont de 1963 à 1995 sous le nom de Denzinger-Schönmetzer ; elles bouleversent la numérotation, introduisent des textes anciens controversés, intègrent les actes de Vatican  II et consorts, et éliminent des passages entiers de Quanta Cura ou de Pascendi (par exemple)… Certain virus est passé par là, sans compter que la nouvelle numérotation s’est peu répandue.

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5 novembre 2013 2 05 /11 /novembre /2013 09:09

À qui se préoccupe quelque peu de la foi catholique, de son intégrité et de la manière dont elle a été malmenée à Vatican II, la question se présente un jour ou l’autre à l’esprit : la liberté religieuse – condamnée par Pie IX dans Quanta Cura et enseignée dans Dignitatis humanæ personæ au concile Vatican II (qui tire son autorité de Paul VI) – la liberté religieuse, donc, est-elle une hérésie ou une « erreur dans la foi » ?

   Répondre à cette question demande quelques développements car la matière est un peu ardue et délicate si on la veut traiter en toute rigueur et vérité.

   En voici une tentative.

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30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 22:13

ou : les « anarchistes de droit divin »

Nous n’avons pas de Pape, « doux Christ en terre » qui lie et qui délie pour que la vie d’ici-bas et celle du Ciel soient ajustées. Nous n’avons pas d’évêque (de vrai évêque) pour nous assigner un ministère, pour nous donner des directives, pour nous guider, pour nous contrôler, pour nous punir s’il le faut.

Alors, si nous en prenons à notre aise avec le droit de l’Église, nous n’obéissons à plus personne ni à plus rien : nous donnons dans l’anarchisme, cette maladie qui gangrène tout le petit monde des tradis où chacun n’obéit en définitive qu’à son propre sentiment, à son idée du bien, à sa volonté propre. Ce n’est pas seulement une anarchie ecclésiale, c’est aussi une maladie spirituelle.

Le droit de l’Église, c’est l’expression de la volonté de Dieu — de Dieu qui a tout remis à son Église pour nous enseigner, nous sanctifier et nous conduire dans la voie du Salut. Le droit n’est pas la foi qui garde toujours une primauté sans discussion (évidemment !), mais le droit indique la foi, le droit applique la foi. Si l’on prétend défendre la foi en faisant fi du droit et si l’on porte cette prétention au bout de sa logique, cela s’appelle le schisme.

—  Mais que faites-vous de l’épikie ? Vous n’allez tout de même pas prétendre que cela n’existe pas ! Avez-vous fait attention à la direction que vous prenez ?

Il est bien sûr qu’existe l’épikie – surtout en période d’absence de l’Autorité – sans laquelle on tombe dans une sorte de fondamen­talisme qui focalise l’esprit sur la matérialité des choses, ce qui est ainsi inhumain et pour autant immoral. Mais à la condition de recourir de façon honnête et non pas magique à l’épikie.

Je m’explique. L’épikie est une bénigne interprétation de la loi, à l’encontre de la lettre de la loi mais selon l’intention du législateur. Elle relève de la justice générale (ou légale) quant à sa nature, et de la prudence (particulièrement de la gnomè) quant à sa mise en œuvre.

*

Sous l’aspect de justice, pour recourir honnêtement à l’épikie, il faut se donner la peine de connaître la lettre de la loi, il faut se donner la peine de discerner la qualité de la loi ; il faut se donner la peine de discerner la volonté du législateur.

Trop souvent, on se contente d’une vague connaissance de ce que commande l’Église, on néglige de rafraîchir sa mémoire sous la raison préalable que « de toutes les façons, il y a épikie ». Autant dire : « En définitive, je ferai comme je veux. »

Puis il faut s’interroger sur la qualité de la loi que l’on rencontre : est-elle une loi divine intangible parce qu’elle constitue la nature des choses ? Est-elle une loi ecclésiastique qui établit elle aussi l’ordre des choses ? Est-elle une loi ecclésiastique qui organise, permet, exige, interdit dans l’ordre de l’exécution ?

Dans les deux premiers cas, il ne peut pas y avoir épikie : cela n’a pas de sens.

Relève du premier cas la dévolution de l’épiscopat, qui fait partie de la constitution même de l’Église parce qu’elle constitue l’unité de sa hiérarchie et la réalité de sa succession apostolique. L’invocation de l’épikie ne peut dispenser du mandat apostolique qui fait de l’évêque un successeur des Apôtres, un membre de la hiérarchie de l’Église, un évêque catholique. L’épikie ne peut empêcher que, par la nature des choses, un évêque sacré sans mandat apostolique inaugure une pseudo-hiérarchie dissidente ou s’y insère.

Relève du second cas, par exemple, la perte de consécration d’un autel par séparation (même très brève) de la table supérieure de son soubassement (Canon 1200 § 1). La bonne intention du maçon qui les a séparés (même si c’est par erreur ou en vue de consolider la jonction) n’y change rien : ce n’est plus un autel consacré, apte à porter le saint Sacrifice. L’épikie ne peut empêcher cette perte : elle est d’un tout autre ordre.

Dans ce second cas, la question « épikique » serait : suis-je dans une situation qui m’autorise à célébrer en dehors d’un autel consacré ? Suis-je dans un camp soviétique ? Suis-je au fond du hallier vendéen pendant que brûlent les églises ? Poser la question sous son angle véritable, c’est le plus souvent en trouver la bonne réponse.

Pour illustrer le troisième cas, la matière ne manque pas. Prenons le renouvellement des Espèces eucharistiques. Le Code de droit canonique, le Rituel romain et le Cérémonial des Évêques, si l’on met bout à bout leurs exigences, prescrivent de célébrer la sainte Messe chaque semaine dans l’église où est conservé le Saint-Sacrement ; de ne consacrer que des hosties relativement fraîches ; de renouveler fréquemment celles qui ont été consacrées (Canons 815, 1265 & 1272 ; Rituel (édition 1952, tit. V, c. 1, n. 7) ; Cérémonial des Évêques, l. I, c. 6, n. 2).

Si, pour un cas particulier, on veut connaître et invoquer l’intention du législateur, il faut d’abord remarquer que l’exigence de la loi ne se limite pas à écarter tout risque de corruption des saintes Espèces ; il faut aussi célébrer la sainte Messe. La raison en est le lien essentiel qui existe entre la présence réelle et le saint Sacrifice de la Messe. La présence est pour le Sacrifice, sa raison d’être est d’être signe (et donc cause) du Sacrifice de la Croix offert sur l’autel. Il est contre nature de dissocier la conservation de la sainte Eucharistie et la célébration de la sainte Messe.

Il faut ensuite observer que l’Église est d’une grande sévérité en la matière, puisqu’au moins depuis le xvie siècle (S. C. du Concile, 5 avril 1573, et nombreux actes subséquents), le Saint-Siège n’a accordé aucune autorisation de dépassement de temps qui aille au-delà d’une seconde semaine. L’Église semble donc bien estimer qu’au-delà, le risque est grand, non seulement de corruption des saintes Espèces, mais aussi de négligence, de banalisation, d’oubli, ou encore de dissociation entre Présence réelle et sainte Messe.

C’est que la volonté du législateur n’est pas laissée à l’appréciation arbitraire de tout un chacun. Bien souvent elle s’exprime dans la loi elle-même, ou dans sa genèse ; on la trouve aussi en considérant les dérogations que le législateur a accordées, et celles qu’il a toujours refusées, même dans des cas extrêmes.

*

L’épikie relève de la prudence dans sa mise en œuvre. En cela, elle est semblable à toutes les actions humaines. Ce qu’il faut noter, c’est que la prudence suppose la rectification de la volonté dès l’origine de son processus, puisque saint Thomas d’Aquin enseigne que la rectitude de l’appétit est le critère de la vérité pratique. Le rôle de la prudence est donc de conduire cette droiture de la volonté de l’intention-source de l’acte humain jusqu’à son exécution, y compris la conduite de l’action elle-même (ou de son abstention).

En cela, la prudence est profondément différente du « bon sens », lequel fait abstraction de la rectitude de la volonté ; elle diffère d’une « bonne intention » qu’on « plaque » après avoir réfléchi et pris sa décision, celle-ci ayant été arrêtée sans référence à l’ordre qui relie de façon efficace et proportionnée les moyens à la fin (manière de procéder qui est la caractéristique de la deuxième classe d’homme, selon saint Ignace). Le « bon sens », si on l’entend au sens de sagacité, n’est qu’une partie intégrale de la prudence, et pas du tout la vertu de la vérité pratique à lui tout seul.

Pour parodier Bernanos – qui affirmait que l’optimisme est une contrefaçon de l’espérance à l’usage des imbéciles – on peut dire que le bon sens est une contrefaçon de la prudence à l’usage des imbéciles.

Bernanos ne parle pas d’un tempérament optimiste (ce qui est en dehors de la volonté) mais du recours « incantatoire » à l’optimisme comme étant la bonne attitude de l’âme. Le bon sens invoqué comme règle « magique » de l’action mérite le même traitement. Car ce bon sens, si grand et juste qu’on le suppose, ne peut pas se substituer à la prudence, parce que celle-ci recherche la vérité de l’action (et donc l’ordre à la fin par la conformité à la loi) en étant conduite par la droiture de la volonté (qui impère la mise en œuvre de toutes les ressources de l’expérience, du jugement etc.). Il faut avoir du bon sens, mais il faut avoir le bon sens de laisser le bon sens à sa juste place : le bon sens ne peut se substituer à la prudence ; il lui manque l’ordre à la fin qui structure l’acte de prudence en tout son développement.

J’en dirais de même d’un prétendu « nez catholique », ersatz de l’instinct de la foi, succédané de l’esprit de foi, raccourci qui prétend dispenser d’étudier et de méditer tel ou tel point de doctrine, échappatoire au devoir de « rendre raison de l’espérance qui est en nous ». C’est ainsi qu’on peut parfois voir se dresser « bon sens » contre « bon sens » et « nez » contre « nez », sans règle objective ni référence à l’Église — sauf comme référence subordonnée à son « bon sens » (dans la pratique), ou à son « nez » (dans la doctrine). Les querelles doctrinales deviennent ainsi inexpiables et mortelles, les divergences insolubles.

*

Le temps dure, et nous devons durer, tenir, progresser chaque jour. Mais il ne faut pas que cela nous fasse « oublier Jérusalem ». Surtout pas. Bien au contraire.

Or l’épikie alléguée tous azimuts dans des domaines où elle ne peut s’exercer, tout comme l’invocation d’une quasi-universelle « suppléance de juridiction » qu’on excipe même quand elle n’a aucun fondement objectif et communicable (sans qu’il y ait de mise en œuvre d’un caractère sacramentel ou de titulus coloratus), fait qu’on s’installe dans un monde clos, parallèle à la réalité de l’Église, et qu’on ne pleure plus super flumina Babylonis.

Tout cela donne l’impression que pour avoir la conscience tranquille, il suffit de fabriquer une espèce de balai qu’on intitule « bon sens » ; ensuite, dès qu’entrent en jeu la Constitution de l’Église (qui est tout de même divine !) ou son droit (qui est toujours en vigueur et oblige en conscience !), on donne un coup de balai pour évacuer le problème avant même de l’étudier sérieusement, en disant : « Il y a nécessité, il y a épikie, il y a suppléance de juridiction. » De cette épikie, on fait la loi générale : devant l’énoncé d’un précepte d’Église, ce n’est plus la prudence qui se demande comment l’observer, c’est l’automatisme qui recherche comment s’en dispenser. De la suppléance de juridiction on fait un droit autojustifié, un état stable et permanent : et voilà qu’on élabore la notion de juridiction de suppléance. Passez muscade ! C’est une imposture et un grand péril. Il vous faudra bien supporter que je le crie de temps à autre. À temps et à contretemps.

 

 

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30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 21:41

Pendant qu'à Rome, les discussions dans l'aula conciliaires faisaient craindre un amoindrissement de la doctrine catholique sur les sources de la Révélation divine, Dom Jean de Monléon publia dans la revue Itinéraires un article rappelant l'enseignement de l'Église à ce propos.

On appelle sources de la Révélation les « monuments » où Dieu a déposé les vérités qu'il révèle au genre humain. Ces sources sont au nombre de deux : la sainte Écriture et la Tradition apostolique.

Ce qui était prévisible arriva : la constitution Dei Verbum réduit (en pratique) la Tradition apostolique à n'être qu'une source auxiliaire de la sainte Écriture, et non pas une source à part entière, par laquelle nous sont connues des vérités révélées qui ne sont pas consignées dans la sainte Bible (l'Assomption de la bienheureuse Vierge Marie, par exemple).

La lecture de l'article de Dom de Monléon est toute indiquée pour nous remettre en lumière et en honneur des notions capitales pour la vie de l'Eglise et la nôtre, puisqu'il s'agit des fondements même de la foi catholique.

 

Voici donc : Révélation, traditions et Tradition par Dom Jean de Monléon.

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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 11:58

Les articles du Père Thomas Deman, o.p., sont toujours d'un immense intérêt, tant ce prêtre dominicain (1899-1954) a étudié les sciences morales et a participé à a remise en valeur du rôle central et nécessaire de la vertu de prudence dans la vie humaine, tant naturelle que surnaturelle.

Voici donc un travail dans lequel il examine avec bienveillance deux idées propres à M. Jacques Maritain, idées qu'il rejette à la fin d'une analyse fine et profonde.

Comme il arrive souvent dans ce genre d'écrits, il y a de nombreux obiter dicta (dits-en-passant) parsemant son texte, qui contiennent une grande partie de l'intérêt de la lecture. Sur le rôle de la prudence, la place des conclusions de saint Alphonse de Liguori, la nécessité de l'expérience, le Père Deman nous illumine et nous régale : je vous laisse le découvrir.

Un autre chose qui ressort de notre étude, c'est que la maladie de Maritain n'était pas, comme se plaisent à le dire nombre de paresseux qui prétendent le réfuter ou le critiquer sans analyse sérieuse, ... n'était pas le rationalisme mais au contraire le pseudo-surnaturalisme. Cette maladie qui a rongé beaucoup de contre-révolutionnaires du dix-neuvième siècle, beaucoup d'auteurs de seconde zone dont certains font aujourd'hui des maîtres, cette maladie donc a empoisonné Maritain. Son personnalisme ravageur et dissolvant de toute société n'a été que la laïcisation de son pseudo-surnaturalisme.

Le diagnostic du Père Deman (qu'il n'explicite pas beaucoup) était partagé par le Père Santiago Ramirez o.p. (une grande figure de la théologie d'Espagne au vingtième siècle), par Louis Jugnet, par le Chanoine Lallement et par le Père Michel-Louis Guérard de Lauriers o.p. (je ne nomme que ceux pour lesquels je suis certain).

Place au Père Deman dans Sur l'organisation du savoir moral.


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6 juillet 2013 6 06 /07 /juillet /2013 05:31

C'est un titre un peu trompeur que je viens d'écrire... Il aurait mieux valu que je dise mon intention de mettre à votre disposition deux articles de l'Abbé Daniel Lallement, qui introduisent dans le vocabulaire et dans la pensée politiques de saint Thomas d'Aquin.

Ces deux articles, publiés en 1927 par la Revue de Philosophie, exposent avec simplicité et compétence :

1°/ ce qu'est la science politique en elle-même et dans ses rapports avec la foi catholique, avec la morale naturelle et avec le vertu de prudence ;

2°/ quelle notion de régime politique met en œuvre saint Thomas d'Aquin, comment la fin qu'on entend poursuivre dans la société politique en détermine la forme – et donc pourquoi il nomme forme de gouvernement ce qui peut n'apparaître au premier abord que comme un caractère accidentel, à savoir le mode de désignation du détenteur de l'autorité.

La simplicité qu'apporte l'Abbé Lallement dans son exposé est bienvenue, surtout en ce qu'elle évite le simplisme et en détourne le lecteur. Car il importe au plus haut point d'entrer dans le vocabulaire de saint Thomas et d'en suivre les nuances dans son abondante œuvre politique dont l'Abbé Lallement nous donne la nomenclature.

Beaucoup, en se contentant de bouts de citations « pompées » çà et là de troisième ou de dixième main, dénaturent la pensée de saint Thomas. Ils n'y comprennent rien, ou n'en saississent que la moitié – ce qui est pis puisque leur illusion les poussent à doctoriser et à impressionner ceux qui leur font confiance.

L'Abbé Lallement cite avec grande abondance les oeuvres politiques de saint Thomas, et chacun peut ainsi éprouver par lui-même la justesse et la pertinence de ce qu'il écrit.

Il existe un troisième article de l'Abbé Lallement, paru dans la même revue en 1929, mais je n'ai pas encore pu me le procurer. Cependant, sans attendre, voici :

– le premier article : La régulation de la politique par la morale et la foi ;

– le second article : La définition thomiste des différents régimes.

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6 juin 2013 4 06 /06 /juin /2013 19:12

Avenir des enfants — salut des parents

 

Vous trouverez la vidéo d'une conférence que j'ai donnée le mardi 4 juin 2013 sous ce lien.

 

Elle est accompagnée d'un texte écrit qui m'a servi de guide. Vous le trouverez sous cet autre lien.

 

Ce n'est pas un ensemble de recettes (toujours plus ou moins ridicules et inadaptées), c'est une méditation sur l'urgence et la gravité du sujet, dont il faut que les parents prennent la mesure pour accomplir ce qui est de leur responsabilité.

 

Que la sainte Vierge Marie bénisse votre audition.

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27 avril 2013 6 27 /04 /avril /2013 14:45

Il y a en marge de la vie politique française trois débris : M. Valéry Giscard d’Estaing, né en 1926 ; M. Jacques Chirac, né en 1932 ; Mme Simone Veil, née en 1927. Si je les appelle débrisce n’est pas en raison de leur délabrement physique et intellectuel (que j’ignore), mais parce que ce sinistre trio est signataire et promulgateur de la « loi » du 17 janvier 1975 autorisant l’assassinat des enfants dans le sein maternel.

Catéchisme : Quels sont les péchés qui crient vengeance devant Dieu ? 1.  L’homicide volontaire…

Il est difficile voire impossible de faire des comptes : mais on peut estimer que ces tristes personnages sont responsables, en trente-huit ans, d’au moins dix millions de morts. 10 000 000 ! Alors ne vous étonnez pas que je les appelle des débris… c’est encore trop gentil.

Et ils sont encore en vie. Tout pays civilisé les aurait condamnés à mort, mais il n’y a plus de pays civilisé. Et puis « Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive » [cf. Ézéchiel XVIII, 32]. Il ne leur reste plus beaucoup de temps pour se convertir au vrai Dieu Un et Trine, pour faire pénitence, pour réparer autant que faire se peut. Ils vont vers le Jugement de Dieu et vers leur éternité : ils n’ont pas l’air de s’en rendre compte, et il n’y a plus de défenseurs de la Cité (c’est ainsi qu’on nommait jadis les évêques catholiques) pour le leur dire avec quelque force.

Ils ne sont pas les seuls responsables : il y a tous ceux qui ont voté cette loi, tous ceux qui l’ont favorisée, tous ceux qui en raison de leur position sociale auraient dû la condamner et qui se sont tus ; il y a tous ceux qui ont demandé, exigé ou accepté que soient perpétrés ces crimes ; il y a tous ceux qui les accomplissent, et qui osent encore se parer du nom de médecins ou d’infirmières, lors qu’ils ne sont que des tueurs à gage (puisqu’ils sont payés pour assassiner).

Ces criminels n’ont pas seulement privé ces enfants de la vie naturelle, ils les ont privés du Baptême et de la vie bienheureuse dont le Baptême est une condition nécessaire.

La France, comme la quasi-totalité du monde entier, est un immense charnier où les assassins pérorent et tiennent le haut du pavé.

*

Il y a au sommet de la vie politique française trois débris : M. François Hollande né en 1954 ; M. Jean-Marc Ayrault, né en 1950 ; Mme Christiane Taubira, née en 1952. Si je les appelle débris, ce n’est pas en raison de leur délabrement physique et intellectuel (que j’ignore), mais parce que ce sinistre trio est signataire et promulgateur de la « loi » du 23 avril 2013 autorisant et légalisant les unions pseudo-matrimoniales contre-nature et toutes les perversions qui s’ensuivent.

Catéchisme : Quels sont les péchés qui crient vengeance devant Dieu ? … 2.  Le péché impur contre nature…

Cette subversion radicale de la société est un crime qui prive les enfants d’une vraie famille et tous les citoyens d’une vraie société. Le dernier « lien social » reste l’impôt, et celui-ci est levé pour financer la chute de la société dans l’abîme du péché. C’est une barbarie totale qui est ainsi instituée, rendant publiques et diffusives les choses les plus répugnantes et les plus écœurantes, les pires dépravations de la nature déchue. L’orgueil et la sensualité de l’homme causent une déchéance infernale – au sens propre du terme.

Ce sinistre trio n’est pas le seul responsable de cette dégénérescence qui semble irréversible : il y a tous les invertis publics ou secrets qui colonisent la société, qui s’insinuent dans tous les partis politiques de gauche à droite, du centre aux extrêmes. Toute la société est complice, par perversité ou par lâcheté, par crainte ou par méchanceté, par ignorance ou par trahison.

*

—   Toute la société complice ? Vous avez trop bu et pas assez vu, mon ami ! les immenses manifestations et les démonstrations numériques ont de quoi réjouir.

Il y a beaucoup de braves gens qui ont payé de leur temps, de leur bourse et de leur personne pour manifester contre la loi : il ne faut pas nier leur courage et je ne le fais pas. Cependant, je ne partage en rien votre réjouissance, et cela pour deux raisons.

La première raison est qu’il est vain et néfaste de combattre les conséquences en acceptant les principes, et plus encore en prenant leur défense. Or ces ultimes perversions (ultimes ? nous n’avons peut-être rien vu encore) sont préparées depuis longtemps et bien profondément. Tout le processus révolutionnaire pour chasser de la société le saint nom de Dieu a emprunté le chemin très efficace de la destruction du mariage et de la famille.

Les lois sur le mariage civil et le divorce, les lois instituant la vente publique et remboursée de contraceptifs de préservatifs et d’abortifs en tout genre, les lois mettant sur le même plan les enfants légitimes et les illégitimes, les lois instituant une pseudo-égalité parentale, celle qui relègue le mariage dans une prétendue sphère privée…

Les modes vestimentaires détruisant toute dignité et toute modestie et gommant la séparation des sexes ; les modes de pensée libertaires ; les modes de langage dissolvant toute pensée et répandant la grossièreté…

Les usages familiaux abolissant la véritable éducation, ne distinguant plus entre les vrais et les faux ménages, confiant les enfants à une école qui répand l’apostasie ou le scepticisme, l’immoralité ou l’indifférence…

… Ces lois, ces modes et ces usages sont acceptés, utilisés voire loués par l’immense majorité des « opposants » qui du coup ne s’opposent ni vraiment, ni réellement ni efficacement (l’efficacité du ballon rose et du braillement dans un porte-voix restant à démontrer).

—   Mais, il y a des gens qui ont combattu et manifesté explicitement pour la loi naturelle, des catholiques notamment !

C’est vrai, c’est pourquoi j’en viens à ma seconde raison.

Les promoteurs de toutes les perversions sociales (ou sociétales comme on dit en jargon psycho-socio-politico-pédant), ces promoteurs se réclament à grand cri des Droits de l’Homme majusculaires, des Droits de l’homme sans Dieu ajoutent par pléonasme ceux qui en rejettent l’idéologie.

Beaucoup d’opposants à toutes les perversions sociales les combattent au nom de la loi naturelle – ce qui n’est pas mal visé du tout, à ceci près qu’il s’agit (presque) toujours de la loi naturelle sans Dieu. Et c’est là que gît le grand mal.

Dieu fait partie de la loi naturelle. Il est constitutif de la nature des choses, il est inhérent à la nature humaine d’être créée et d’être finalisée par Dieu. La loi naturelle pour l’homme est principalement une loi morale (c'est-à-dire une loi à accomplir volontairement) : cette loi est de connaître la vérité et de faire le bien – et la vérité première est Dieu et le bien suprême est Dieu. Le résumé de la loi naturelle, c’est le Décalogue qui comporte dix Commandements (et non sept), qui est inscrit sur deux Tables de la Loi (et non sur une seule).

La loi naturelle sans Dieu ? c’est une caricature ; c’est une parodie sans vérité ni efficacité.

Que sont donc ces combats législatifs et ces grandes manifestations où s’opposent les Droits de l’homme (sans Dieu) et la Loi naturelle (sans Dieu) ? C’est l’union dans le sans Dieu, c’est un pas de plus dans l’apostasie sociale.

Que sont ces grandes réclamations d’un référendum pour savoir si le péché contre nature doit être légalisé ? C’est la proposition d’un renouvellement du choix entre Jésus et Barrabas : c’est un pas de plus dans l’apostasie sociale.

Les catholiques qui manifestent croient en Dieu, ils proclament la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ : c’est leur honneur.

Mais ces manifestations qui ont été inefficaces pour empêcher le vote de la loi (ce n’est pas de leur faute) les auront habitués à ne considérer qu’une caricature de la loi naturelle, et à admettre la légitimité d’un référendum populaire mettant aux voix la loi divine. Ce sont hélas peut-être les seules traces qui leur resteront.

*

—   Vous êtes du genre démolisseur et décourageant !

Ne le croyez pas. Comme vous, comme beaucoup, je me demande chaque jour ce qu’il faut faire. Prier et faire pénitence, bien sûr, avec cent fois plus de ferveur et d’esprit de sacrifice. Apprendre avec rigueur la doctrine catholique dans son unité cohérente, et particulièrement sa doctrine sociale : cela afin de l’appliquer et d’en proclamer ce qui ne sera ni une diminution ni une caricature.

Et puis après… suivant les fluctuations de l’imagination, je vais de la bombe atomique à l’île déserte en passant par le pistolet mitrailleur. Ce qui est plus immédiat et plus certain, c’est qu’il faut œuvrer avec intelligence et persévérance pour bâtir ; pour arracher les âmes au maelström de la perdition ; pour préparer des apôtres, des martyrs et des élites.

Et puisque vous désirez être encouragé et fortifié, ce qui se peut parfaitement comprendre, lisons ensemble l’écho d’une grande voix résonnant pour notre temps.

*

À la France qui s’apprête à voter une constitution politique négatrice de Dieu et blasphématoire, Pie XII envoie le cardinal Ottaviani comme légat au Congrès marial international (16 septembre 1958). Le Cardinal, au nom du Pape qui vit ses derniers jours, prononce un discours pathétique sur l’apostasie sociale et sur les lois qui officialisent les péchés des législateurs :

« La société moderne est travaillée par une fièvre de renouvellement à faire peur. Elle est aussi infestée d’hommes qui veulent se prévaloir de nos souffrances pour nous imposer leurs caprices, faire peser sur nous la tyrannie de leurs vices, construire parmi nous le repaire de leur débauche et de leurs rapines. Le mal assume des proportions immenses et il prend un caractère apocalyptique. Jamais l’humanité n’avait connu un tel péril. D’une heure à l’autre nous pouvons perdre non seulement la vie, mais aussi la civilisation et toute espérance. Le présent peut nous échapper avec le futur. Nous ne risquons pas seulement la perte de nos richesses, mais la ruine des bases même de la vie en société (…).

« Aujourd’hui, comme au temps des grandes hérésies, sévit une science de demi-savants qui se servent de la doctrine pour flatter leur vanité sans éprouver à l’égard de la sagesse des choses sacrées la crainte révérencielle nécessaire. Je parle de la prétendue science des demi-savants, car rarement les vrais savants, les grands savants se sont opposés au magistère suprême de l’Église. Cette science facile des demi-savants s’est efforcée de réduire l’éternité au temps, le surnaturel à la nature, la grâce à l’effort humain et Dieu à l’homme.

« Si Marie ne revient pas parmi nous, comment ne pas craindre les conséquences de tant d’erreurs et de tant d’horreurs ?

« Que deviendrons-nous ? De qui espérerons-nous le salut ? Certainement pas des puissances humaines. L’expérience de chaque jour montre trop clairement la vérité de l’avertissement divin : Ne mettez pas votre espérance dans vos chefs incapables de vous procurer le salut (Ps. CXLV,  2). Leur incapacité se manifeste clairement : Il y a quarante ans une tache de sang rouge, versé par la tyrannie, a commencé de faire peser le poids de la plus insupportable oppression sur les hommes et sur leurs intelligences, sur les individus et sur les nations. Malgré les efforts des hommes d’État pour la contenir, elle n’a jamais cessé de s’élargir et menace de nos jours tout ce qui reste de liberté et de dignité humaine dans le monde entier. Le Seigneur lui-même semble vouloir demeurer sourd à notre voix. On dirait qu’il affecte de se livrer au sommeil qui provoquait la prière du prophète : Levez-vous, Seigneur, pourquoi dormez-vous ? et qui arrachait aux disciples un cri désolé dans la barque secouée par la tempête.

« Le Seigneur semble nous dire, à nous aussi : “Mon heure n’est pas encore venue” (Jo. II,  4). Mais l’Immaculée, la Mère de Dieu, image et protectrice de l’Église, nous a prouvé à Cana qu’elle avait et pouvait obtenir en quelque façon, l’anticipation de l’heure divine. Nous, nous avons vraiment besoin que cette heure vienne vite (…).

« À cause de nos péchés, nous méritons les massacres les plus cruels, les exécutions les plus dépourvues de pitié. Nous avons chassé son Fils de nos écoles, de nos places publiques et de nos maisons. Nous l’avons chassé du cœur de tant d’hommes, nos générations ont renouvelé le cri d’autrefois : Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous (Luc. XIX,  14). Entre Barabbas et Jésus, nous avons choisi Barabbas. Entre le maître de l’univers et le malfaiteur, nous avons préféré Barabbas (…).

« Marie, Mère d’amour et de douleur, Mère de Bethléem et du calvaire, Mère de Nazareth et de Cana, intervenez pour nous, hâtez l’heure divine (…). Nous n’en pouvons plus, ô Marie, la génération humaine va périr, si vous n’intervenez pas. »

 

Extrait de Notre-Dame de la Sainte-Espérance  n. 280 (mai 2013)

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27 mars 2013 3 27 /03 /mars /2013 10:17

 

      … face aux ennemis de Jésus-Christ et de l’Église]


À Monsieur [Victor-Charles-Maurice] de Foblant,

Le 8 août 1843

Mon frère Maurice, vous avez du cœur et je conçois ce que vous fait éprouver la courante dont nos catholiques sont malades à Nancy comme partout. Nous avons eu ce spectacle à Paris, nous l’aurons encore ; nous sommes destinés peut-être à voir l’Église de France mourir de ce mal autant qu’Église peut mourir, et cela va loin quelque fois.

J’aimerais mieux une de ces époques où l’on croit qu’elle va disparaître dans les flots de sang. J’aurais meilleure espérance de la voir se relever. Bienheureux ceux qui ont entendu la messe dans les catacombes, bienheureux ceux qui l’ont servie à quelque prêtre fugitif de la Vendée, au milieu des blessés, des orphelins et des veuves ! Ceux-là ont pu prédire des triomphes. Dans nos cathédrales où l’on nous laisse en paix, nous n’avons à compter que sur des abaissements. Ce n’est pas la chair qui vous parle et qui se révolte ; c’est l’esprit. Des abaissements, j’en veux pour moi Dieu merci ; mais je n’en veux pas pour Jésus, et c’est lui que l’on abaisse.

Considérez bien ceci, je ne crois pas que le monde ait vu rien de pareil. On outrage l’Église et nous ne sommes ni fugitifs, ni réduits à nous cacher, ni sans moyen d’agir. Tout au contraire, nous jouissons de nos biens, de notre liberté, nous exerçons les pouvoirs de citoyens, nous sommes gaillards et l’arme au bras pendant qu’on l’outrage. Nous regardons faire et nous allons communier. L’abbé Rohrbacher n’en citerait pas d’autres exemples et, si l’on veut réfléchir, cela est nouveau et cela est effrayant. Je crains moins pour un temple les furieux qui veulent le démolir que les fidèles qui ne songent qu’à leur potage en présence de ce danger. Ceux-là détruisent vraiment l’Église qui ne lui font pas un rempart de leur corps, qui ne se font pas massacrer sur les marches pour la moindre de ses prérogatives.

Jadis les parents chrétiens plutôt que d’abjurer dévouaient leurs enfants à la misère et les voyaient d’un œil ferme massacrer sous leurs yeux : aujourd’hui on s’expose plus volontiers à leur voir perdre la foi qu’à leur voir manquer un diplôme. On achète froidement un titre d’avocat ou de médecin au prix de cent péchés mortels qu’ils pourront commettre avant de l’obtenir. On appelle cela « songer à leur avenir » : ce mot dit tout. Quand on était chrétien, l’avenir était au ciel ; il n’y est plus, il est ici dans les boutiques, dans les négoces, dans les affaires, dans la boue : et pour y arriver, on marche d’abord sur le crucifix. Il n’y a plus de chrétiens, car il n’y a plus de foi. S’il y avait de la foi, on saurait qu’avec tant de lâchetés on expose son âme, et on verrait ce que nous ne voyons pas : des hommes.

Je vous déclare, entre nous, que les sociétés de Saint-Vincent-de-Paul et toute cette charité de bons de soupe et de bons de pommes de terre, réduite aux termes où je les vois, me font pitié ! Je ne comprends rien à ce système de vouloir sauver des âmes moyennant des pièces de dix sous, et de refuser une parole toutes les fois qu’il faut la dire. On a trouvé l’art d’assister les pauvres sans assister Jésus-Christ. Si le Journal des Débats n’avait inventé pour nous le nom de néo-catholique, nous devrions l’inventer, nous, pour cette race poltronne, car elle est en effet nouvelle. Partout où je la tâte, sous la mitre, sous la soutane, et sous l’habit bourgeois, j’y sens des lacunes et des excroissances qui en font une espèce particulière. Ce sont des chrétiens avec beaucoup de ventre en plus et beaucoup de cœur en moins.

Ce qu’il faut faire, cher Maurice ? Prier le Bon Dieu d’abord ; lui demander pour unique grâce de l’aimer follement, sans aucune espèce de prudence ni de raison en ce qui nous concerne ; accepter les croix, les affronts, les solliciter, nous préparer à ne rien craindre et ne point jurer qu’on ne s’appliquera pas un jour quelque peu de discipline. Pour ce qui concerne nos chers frères, aviser le plus tôt possible à les faire rouer de coups, car ce n’est qu’alors qu’ils se défendront et qu’ils se souviendront qu’ils sont ici l’Église militante, non pas l’Église croupissante.

Quand je vois les Évêques supporter l’Université, les laïcs ne songer qu’à leur pot-bouille, les ordres religieux mourir d’inanition au milieu de cette jeunesse qui n’a rien à faire et qui se met à entretenir les pauvres parce que cela coûte moins que les filles et que c’est plus honnête, je dis qu’il n’y a plus qu’un péril : c’est de laisser les choses sur ce pied-là. Cherchez des affaires et poussez-les.

Je n’ai point la vocation monastique, surtout la bénédictine ; mais j’obtiendrai, s’il plaît à Dieu, la vocation du dévouement. Il n’y a que servir Dieu. Tout le reste est par trop misérable et par trop dangereux en un temps comme celui-ci, pour une âme qui a pu entrevoir une fois la Croix où Jésus est mort. Quand je serai de retour à Paris, vous tâcherez de venir me voir, et nous arrangerons une campagne d’hiver. Adieu, cher enfant ; je vous aime dans mon cœur. Présentez mes tendres respects à votre excellente et vénérée mère. Dites-lui que Dieu l’aime et qu’on est heureux d’être du nombre de ses martyrs, à une époque où les chrétiens ne redoutent que la Croix ; c’est-à-dire ce qui est le caractère même du chrétien. (…)


Extrait du bulletin Notre-Dame de la Sainte-Espérance n. 279 (avril 2013)

L’année 2013 marque le deuxième centenaire de la naissance de Louis Veuillot (11 octobre 1813). C’est pour nous l’occasion de jouir de cette plume incomparable mise au service d’un admirable esprit catholique et d’un grand cœur. La correspondance qu’on vient de lire fut écrite lors d’un séjour à l’abbaye de Solesmes. Nul doute que Louis Veuillot s’y fait l’écho d’entretiens qu’il a eus avec Dom Guéranger, et dont sont sorties des vérités qu’eux deux voudraient crier aux familles catholiques. Cette lettre est d’une grande énergie, d’une grande acuité de pensée, d’une franchise qui ne s’embarrasse pas de précautions. Elle mérite quelques explications.

Les catholiques n’ont pas vocation (comme on dit en hexagonal) à être les laissés-pour-compte de la société. Ils doivent plus que tout le monde développer les talents que Dieu leur a impartis, ils doivent occuper des places d’influence pour y faire régner l’Évangile de Jésus-Christ, ils doivent pouvoir jouir d’une modeste aisance pour assurer une éducation chrétienne à leurs enfants.

Il faut que chacun ait ici-bas un devoir d’état précis, il faut que chacun prenne une place dans laquelle il éclose intellectuellement et moralement, il faut que chacun soit apte à travailler au bien commun de la société dans laquelle nous vivons. Il faut qu’il y ait des médecins, des infirmières et des sages-femmes, des avocats et des ingénieurs, des commerçants et des artisans, des chefs d’entreprise et des savants, et tutti quanti, qui soient catholiques, sans quoi la société abandonnera totalement ce qu’elle a reçu de l’Église, et le christianisme ne sera plus qu’un souvenir.

Tout cela est vrai. Mais pas à n’importe quel prix. Pas au prix des âmes, de la vertu, de la rectitude, de la ferveur, de la persévérance. « Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme ? » Le problème se pose en ces termes : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît. » Cela veut non seulement dire qu’il faut avoir une confiance filiale et totale en Dieu, cela signifie aussi que les choses d’ici-bas qui ne sont pas ambitionnées comme un surcroît, comme un don de Dieu et un moyen de concourir à son Royaume, deviennent un poison pour la vie chrétienne.

C’est ce qu’exprime vigoureusement Louis Veuillot, c’est l’objet d’une malheureuse expérience mille fois répétée. C’est ainsi qu’on voit des cohortes de jeunes gens partir un à un à l’abattoir ; ils vont faire des études pour conquérir des situations lucratives : ils ne reviennent jamais parce qu’ils perdent la foi, ils perdent la vertu chrétienne, ils perdent le Ciel.

Ou encore, on en voit partir emplis de bonnes intentions, mais sans formation de l’intelligence, sans armature morale, sans crainte du péché : eux aussi, on ne les revoit jamais, englués dans le péché ou la mondanité qu’ils sont, inutiles pour le Royaume de Dieu.

La responsabilité des parents est gravement engagée : au Jugement dernier, il leur sera demandé compte des enfants que Dieu leur a confiés. Et là, les ignobles excuses mondaines ne serviront plus à rien : il gagne beaucoup d’argent, il a une belle situation, il a fait un beau mariage, il s’en est tiré au moindre mal… Et les enfants damnés entraîneront leurs parents dans leur perte.

C’est la triste histoire d’apostasies individuelles, de l’apostasie de la société dans les pays qui ont jadis formé la chrétienté. On a recherché la satisfaction des concupiscences et on a imaginé que le Ciel serait donné par surcroît. Erreur tragique.

Il faut donc que les parents chrétiens mesurent leur responsabilité ; il faut qu’ils étudient les moyens pour établir leurs enfants dans une situation qui conduise au Ciel, qui concoure au règne de Jésus soit par elle-même, soit par la famille qu’elle permet d’élever.

Qui donc y a réfléchi avec la gravité que cela suppose ? Pour traverser une banlieue chaude, on ne s’engage pas seul, on se regroupe. Mais qui y pense pour aborder des études supérieures à l’université qui assassine les âmes ? « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps. Craignez plutôt celui qui peut envoyer le corps et l’âme dans la Géhenne. » N’est-ce pas l’Évangile qu’on a oublié ?

Voici ce que j’écrivais récemment à une jeune personne que ce problème inquiète :

« Mes incursions sur les difficultés que rencontrent les infirmières catholiques tant dans les études que dans l’exercice du métier sont motivées par le fait que c’est un exemple facile à exposer : la gravité des problèmes qu’elles peuvent être amenées à rencontrer, la coopération qu’on sollicite d’elles à jet continu, l’étroitesse de la marge de manœuvre qui leur est laissée, la promiscuité incessante dans laquelle elles doivent travailler : tout cela met bien en lumière combien il est difficile d’exercer un métier dans le monde, combien il faut s’armer et s’entourer de défenses spirituelles et humaines, combien la présomption est suicidaire. Mais en fait, des problèmes analogues se posent dans mille branches professionnelles, de façon moins aiguë souvent, mais beaucoup plus sournoise aussi.

« L’inconscience de nombreux catholiques fait qu’ils ne réfléchissent pas au problème posé, qu’ils n’envisagent pas des solutions moins casse-cou (se réunir à trois pour se lancer dans les études, s’expatrier, entrer par la petite porte, renoncer, faire dans la clandestinité, ou autre) et qu’ils vont chacun à leur tour à l’abattoir. Quelques-uns s’en tirent bien, et c’est miracle, mais beaucoup y laissent leur âme, ou leur candeur, ou leur ferveur.

« C’est un vrai problème pour lequel les familles catholiques doivent se réunir entre elles et réfléchir. Les catholiques, à la mesure des dons qu’ils ont reçus de Dieu, doivent s’efforcer d’avoir une influence sociale bénéfique et efficace : mais pas à n’importe quel prix. Ce serait désastreux, illusoire et dérisoire.

« Cette influence sociale peut d’ailleurs s’exercer d’autres façons que par un métier ad hoc : l’éducation d’une famille, le témoignage de la foi, la conscience dans le devoir d’état sont des “agents sociaux” autrement vrais et profonds que les effets de manche d’un avocat ou que les ronflements d’un député.

« Tout cela demande réflexion, prières et temps. »

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27 mars 2013 3 27 /03 /mars /2013 10:11

Extrait du bulletin Notre-Dame de la Sainte-Espérance n. 279 (avril 2013)

Voici la transcription (corrigée) d’une lettre envoyée à une personne qui s’étonne du refus des sacres épiscopaux sans mandat apostolique alors que (dit-elle) le problème n’est pas que Mgr Lefebvre serait allé trop loin(en sacrant) mais plutôt pas assez loin(en ne récusant pas Paul  VI ni Jean-Paul  II). En fait, la cause des égarements et des équivoques qui gangrènent le monde « tradi » est une erreur de cible. Tentons de prendre la mesure des erreurs qui circulent parmi nous et de leurs conséquences.

Vous me dites que vous estimez que Mgr Lefebvre n’est pas allé « assez loin », et que la conséquence en est une immense équivoque.

Tout comme vous, et davantage encore, je déplore que Mgr Lefebvre n’ait pas clairement énoncé l’impossibilité que Paul  VI et Jean-Paul  II, en raison de leurs actes destructeurs, aient été des vrais papes de l’Église catholique, revêtus de l’autorité de Jésus-Christ, tenant sa place à la tête de l’Église militante.

Mais je crois que le vice de cette position est plus profond que le simple fait qu’elle est incomplète. Ce n’est pas pour jeter la pierre à Mgr Lefebvre ni à quiconque que je le dis. Nous savons combien le modernisme résurgent de Vatican  II a été habile ; combien il était difficile à des hommes d’Église formés au temps de l’ordre, de réagir à l’encontre de tout ce qu’ils avaient appris quant à la soumission et à l’obéissance dues au Pape. Nous devons tous – et moi en particulier – beaucoup trop à Mgr Lefebvre pour lui faire grief de carences qui auraient été beaucoup plus graves si nous avions été à sa place.

Le vice que j’évoque tient en ceci : on s’en est pris au Pape, alors qu’il fallait s’en prendre à Paul  VI et à ses successeurs ; on a « dépouillé » le Pape au lieu de « dépouiller » Paul  VI.

Pour expliquer (ce qui était salutaire) les erreurs dans la foi et les réformes protestantes qui ont foisonné à Vatican  II et dans ce qui en est issu, pour justifier de les combattre et de les refuser (ce qui était nécessaire), au lieu de récuser Paul  VI (et consorts) et de dire qu’il n’était pas un vrai Pape, on a récusé le souverain pontificat.

On a donc diminué – ou carrément nié – les prérogatives que Jésus-Christ communique à son Vicaire, et par lui à son Église. Ainsi on a commencé à prétendre que le Pape n’est pas infaillible (hormis la locution ex cathedra, qu’on travestit d’ailleurs en magistère extraordinaire – appellation inconnue de l’Église – pour n’avoir à la reconnaître que plus rarement encore). Fort de cela, on a ensuite prétendu que l’obligation d’obéissance est liée à l’infaillibilité, ce qui « justifie » une désobéissance généralisée à une autorité qu’on reconnaît pourtant comme vraie et surnaturelle.

Ainsi encore, pendant des décennies, on a passé sous silence l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel (dont le Pape est le principe), et on a fini par la reconnaître du bout des lèvres en modifiant le sens du mot universel (lequel, selon l’enseignement de l’Église, ne désigne pas ici l’universalité dans le temps, mais l’universalité du corps épiscopal à un moment donné).

Ainsi, on a nié l’infaillibilité de l’Église et du Pape dans la promulgation des lois générales, et dans la constitution des rites liturgiques, au rebours de l’enseignement du concile de Trente et de celui du pape Pie  VI (entre autres). Dans la même ligne, on a nié l’infaillibilité des canonisations.

Ainsi, on a nié que le Pape est la source de toute la juridiction ecclésiastique, en inventant une juridiction de suppléance [1] dont « nous et nos amis » seraient revêtus de façon permanente, universelle, et bien plus étendue que celle qu’on aurait en situation normale (finalement, c’est bien confortable la crise de l’Église…). Pis encore, on a inventé la notion de juridiction dégoulinante (l’appellation est de moi) que le censé vrai Pape donnerait à son insu et malgré lui à la fraternité Saint-Pie-X.

Ainsi encore, on a nié que le Pape est le principe de l’ordre judiciaire dans l’Église, en organisant des tribunaux qui dispensent et dissolvent, par le simple fait qu’on a décidé que ce devait être, alors qu’ils n’ont aucun titre à le faire.

Ainsi on a nié que le Pape a l’exclusivité de la constitution de la hiérarchie ecclésiastique, en prétendant qu’on peut sacrer des évêques sans mandat apostolique, moyennant l’entourloupette de dire qu’ils sont dépourvus de juridiction (alors qu’en fait ils agissent comme s’ils avaient une juridiction quasi-papale) et le stratagème de raconter qu’ils ne font pas partie de la hiérarchie (sans se rendre compte que c’est les vouer soit au néant soit au schisme).

Il faut dire, pour être juste, que beaucoup de ceux qu’on nomme sédévacantistes ont prêté main-forte à ce forfait de dépouillement du pape et de la papauté par le recours aux sacres sans mandat apostolique, et par l’acceptation des sentences des tribunaux soit conciliaires soit fraternitaires.

Au bout du compte, il ne reste plus rien du Pape, sinon une référence historique et mondaine. Mais reconnaître dans le Pape la règle vivante de la foi et la source de la hiérarchie (tant selon l’ordre que selon la juridiction), plus personne n’y songe. Les « tradis » ont rejoint voire dépassé les modernistes dans cette entreprise de démolition ; et c’est la démolition d’une réalité proprement fondamentale de l’Église : Tu es Petrus et super hanc petram

Vous comprendrez que je ne veux ni participer à cette entreprise, ni l’encourager ni en tirer quelque profit. En aucune façon, dans aucun des domaines que j’ai évoqués ci-dessus, je ne veux saper la doctrine catholique, ni diminuer la vérité, ni favoriser un esprit d’anarchie qui m’inquiète autant que les innovations conciliaires (et Dieu sait si celles-ci me semblent exécrables).

Je ne méconnais pas pour autant le bien que la fraternité Saint-
Pie-X a pu faire et fait encore : ce serait injuste ; je ne méconnais pas pour autant l’état de nécessité dans lequel nous nous débattons ; je ne méconnais pas pour autant l’immense besoin des âmes. Mais j’affirme que la solution de nos maux n’est pas dans la déformation de la doctrine catholique, qu’elle n’est pas dans l’usurpation de pouvoirs que l’Église ne nous attribue pas, ni dans l’opposition à la constitution de la sainte Église catholique.

Je joins à cette lettre quelques documents pour expliciter et étayer cela (je veux dire : le refus des sacres épiscopaux sans mandat apostolique). En attendant, voici deux petites illustrations.

Tout d’abord, Pie  IX dit que la constitution de l’épiscopat est la tâche principale du pape ; sa première responsabilité devant le Bon Dieu est la nomination des évêques. Personne d’autre ne peut le remplacer dans cet office qu’il tient directement de Jésus-Christ. C’est la constitution même de l’Église catholique que Jésus-Christ fait le Pape, que le Pape légitime fait les évêques, et que l’évêque légitime fait les prêtres et les soldats de l’Église.

Pendant la révolution française, le 12 juillet 1797, l’archevêque de Lyon en exil, Mgr de Marbeuf, supplie le Pape Pie  VI de lui donner un auxiliaire parce que des évêques intrus « se sont répandus dans son diocèse et y ont attiré de nombreux fidèles, notamment “par l’appât du sacrement de Confirmation qu’ils s’empressaient de leur offrir et de leur conférer en l’absence de leur légitime évêque” » (Charles Ledré, Le culte caché sous la révolution, Bonne-Presse, Paris 1949, p. 125). Rien n’a donc changé ; les prétextes d’hier ressortent aujourd’hui et paraissent inusables.

C’est avec une grande circonspection, en se référant sans cesse à l’enseignement que l’Église dispense sur elle-même, sur son autorité, son apostolicité, son infaillibilité, sa constitution et son épiscopat, qu’il faut parler et agir. La justesse du combat est à ce prix. 

Note

[1]   Je ne vise pas du tout la possibilité (réelle) de la suppléance par l’Église, au goutte-à-goutte, d’une juridiction sacramentelle inexistante. Je veux parler de l’affirmation (explicite ou implicite) que, « par suppléance », les prêtres de la fraternité Saint-Pie-X jouissent d’une juridiction permanente, s’étendant même à l’ordre non-sacramentel.

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